27 octobre à Assise - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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27 octobre à Assise

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Benoît XVI avait invité dans la ville de saint François quelque 300 représentants des confessions chrétiennes et des autres religions ou courants de pensée, pour une journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la justice et la paix dans le monde. Après près de deux heures de train, depuis la gare du Vatican, le Pape et les délégations sont arrivés à Assise à 9 h 45, accueillis devant la basilique Notre-Dame des Anges par les diverses autorités locales et une petite foule qui a suivi ensuite la cérémonie sur des écrans géants. Après l’introduction du cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson président du Conseil pontifical Justice et Paix, une vidéo commé­morative de la Rencontre de 1986 a été projetée. Ont ensuite pris la parole le Patriarche œcuménique de Constantinople Barthélémy Ier, l’archevêque Primat de la Communion anglicane Rowan Douglas Williams, l’archevêque du diocèse de France de l’Église apostolique arménienne Norvan Zakarian, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises M. Olav Fykse Tveit, le rabbin David Rosen, représentant du Grand Rabbinat d’Israël, le porte-parole de la religion Yoruba, M. Wande Abimbola, le représentant de l’hindouisme, M. Acharya Shri Shrivatsa Goswami, le président de l’ordre Jogye (bouddhisme coréen), Ja-Seung, le secrétaire général de la Conférence internationale des écoles islamiques, Kyai Haji Hasyim Muzadi, et Mme Julia Kristeva, au titre des non-croyants. Après quoi, le Saint-Père a prononcé le discours dont voici de larges extraits :

« Vingt-cinq années se sont écoulées depuis que le bienheureux Jean-Paul II a invité pour la première fois des représentants des religions du monde à Assise pour une prière pour la paix. Que s’est-il passé depuis ? Où en est aujourd’hui la cause de la paix ? Alors, la grande menace pour la paix dans le monde venait de la division de la planète en deux blocs s’opposant entre eux. Le symbole visible de cette division était le mur de Berlin qui, passant au milieu de la ville, traçait la frontière entre deux mondes. En 1989, trois années après Assise, ce mur est tombé, sans effusion de sang… À côté de facteurs économiques et politiques, la cause la plus profonde de cet événement était de caractère spirituel. Derrière le pouvoir matériel il n’y avait plus aucune conviction spirituelle… Nous sommes reconnaissants pour cette victoire de la liberté, qui fut aussi surtout une victoire de la paix. Et il faut ajouter que dans ce contexte il ne s’agissait pas seulement, et peut-être pas non plus en premier lieu, de la liberté de croire, mais il s’agissait aussi d’elle. Pour cette raison nous pouvons relier tout cela de quelque façon aussi à la prière pour la paix. »

« Toujours potentiellement présente, la violence caractérise notre monde. La liberté est un grand bien. Mais le monde de la liberté s’est révélé en grande partie sans orientation, et même elle est mal comprise par beaucoup comme liberté pour la violence. La dissension prend de nouveaux et effrayants visages et la lutte pour la paix doit tous nous stimuler de façon nouvelle… À grands traits on peut identifier deux typologies différentes de nouvelles formes de violence qui sont diamétralement opposées dans leur motivation et qui manifestent ensuite dans les détails de nombreuses variantes. Tout d’abord il y a le terrorisme dans lequel, à la place d’une grande guerre, se trouvent des attaques bien ciblées qui doivent toucher l’adversaire dans des points importants de façon destructrice, sans aucun égard pour les vies humaines innocentes qui sont ainsi cruellement tuées ou blessées. Aux yeux des responsables, la grande cause de la volonté de nuire à l’ennemi justifie toute forme de cruauté. Tout ce qui dans le droit international était communément reconnu et sanctionné comme limite à la violence est mis hors-jeu. Nous savons que souvent le terrorisme est motivé religieusement et que le caractère religieux des attaques sert de justification pour la cruauté impitoyable… Ici la religion n’est pas au service de la paix, mais de la justification de la violence. Qu’en ce cas la religion motive de fait la violence est une chose qui, en tant que personnes religieuses, doit nous préoccuper profondément. D’une façon plus subtile, mais toujours cruelle, nous voyons la religion comme cause de violence même là où la violence est exercée par des défenseurs d’une religion contre les autres. Les représentants des religions participant en 1986 à Assise entendaient dire que ce n’est pas la vraie nature de la religion. C’est au contraire son travestissement, qui contribue à sa destruction. Et nous le répétons aujourd’hui avec force et grande fermeté… Comme chrétien, je voudrais dire ceci : Oui, dans l’histoire on a eu recours à la violence au nom de la foi chrétienne. Nous le reconnaissons, remplis de honte. Mais il est absolument clair que ceci a été une utilisation abusive de la foi chrétienne, en évidente opposition avec sa vraie nature. Le Dieu dans lequel nous chrétiens nous croyons est le Créateur et Père de tous les hommes, à partir duquel toutes les personnes sont frères et sœurs entre elles et constituent une unique famille. La Croix du Christ est pour nous le signe de Dieu qui, à la place de la violence, pose le fait de souffrir avec l’autre et d’aimer avec l’autre… C’est la tâche de tous ceux qui portent une responsabilité pour la foi chrétienne, de purifier continuellement la religion des chrétiens à partir de son centre intérieur afin que, malgré la faiblesse de l’homme, elle soit vraiment un instrument de la paix de Dieu dans le monde. »

« Si une typologie fondamentale de violence est aujourd’hui motivée religieusement, mettant ainsi les religions face à la question de leur nature et nous contraignant tous à une purification, une seconde typologie de violence, à l’aspect multiforme, a une motivation exactement opposée. C’est la conséquence de l’absence de Dieu, de sa négation et de la perte d’humanité qui va de pair avec cela. Les ennemis de la religion voient en elle une source première de violence dans l’histoire de l’humanité et exigent alors la disparition de la religion. Mais ce non à Dieu a produit de la cruauté et une violence sans mesure, qui a été possible seulement parce que l’homme ne reconnaissait plus aucune norme et aucun juge au-dessus de lui, mais il se prenait lui-même seulement comme norme. Les horreurs des camps d’extermination montrent en toute clarté les conséquences de l’absence de Dieu. Je voudrais plutôt parler de la décadence de l’homme dont la conséquence est la réalisation, d’une manière silencieuse et donc plus dangereuse, d’un changement du climat spirituel. L’adoration de l’argent, de l’avoir et du pouvoir, se révèle être une contre-religion, dans laquelle l’homme ne compte plus, mais seulement l’intérêt personnel. Le désir de bonheur dégénère, par exemple, dans une avidité effrénée et inhumaine qui se manifeste dans la domination de la drogue sous ses diverses formes. »

Si l’on n’y prend gare, « la violence devient un fait normal qui menace de détruire dans certaines régions du monde notre jeunesse. Puisque la violence devient une chose normale, la paix est détruite et dans ce manque de paix l’homme se détruit lui même. À côté des deux réalités de religion et d’anti-religion, il existe aussi, dans le monde en expansion de l’agnosticisme, une autre orientation de fond. Il s’agit de personnes auxquelles n’a pas été offert le don de pouvoir croire et qui, toutefois, cherchent la vérité, sont à la recherche de Dieu. Des personnes de ce genre n’affirment pas simplement : Il n’existe aucun Dieu. Elles souffrent à cause de son absence et, cherchant ce qui est vrai et bon, elles sont intérieurement en marche vers lui. Elles sont elles aussi des pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix, qui posent des questions aussi bien à l’une qu’à l’autre partie. Ces personnes ôtent ainsi aux athées militants leur fausse certitude… Mais elles mettent aussi en cause les adeptes des religions, pour qu’ils ne considèrent pas Dieu comme une propriété qui leur appartient, si bien qu’ils se sentent autorisés à la violence envers les autres. Ces personnes cherchent la vérité, elles cherchent le vrai Dieu, dont l’image dans les religions, à cause de la façon dont elles sont souvent pratiquées, est fréquemment cachée. Qu’elles ne réussissent pas à trouver Dieu dépend aussi des croyants avec leur image réduite ou même déformée de Dieu. Ainsi, leur lutte intérieure et leur interrogation sont aussi un appel pour les croyants à purifier leur propre foi, afin que Dieu, le vrai Dieu, devienne accessible. C’est pourquoi, j’ai invité spécialement des représentants de ce troisième groupe à notre rencontre à Assise, qui ne réunit pas seulement des représentants d’institutions religieuses. Il s’agit plutôt de se retrouver ensemble dans cet être-en-marche vers la vérité, de s’engager résolument pour la dignité de l’homme et de servir ensemble la cause de la paix contre toute sorte de violence destructrice du droit… Et, en conclusion, je voudrais vous assurer que l’Église catholique ne renoncera pas à la lutte contre la violence, à son engagement pour la paix dans le monde. Nous tous sommes animés par le désir commun d’être des pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix. »

À la fin de la cérémonie à Notre-Dame-des-Anges, le Pape a invité les délégations à visiter la chapelle de la Portioncule. Après un repas commun, les participants se sont rendus sur la Place St-François pour un temps de réflexion ou de prière en silence. Les invités qui le pouvaient furent encore reçus au Vatican le lendemain matin.

VIS 20111027 (1600)