« Je ne sais pas » : voilà un des plus beaux aveux qui soit.
Pas pratique pour le journaliste qui interroge un invité, trop rare chez les politiques, humiliant pour les élèves. Est-ce tout cela qui rend tabou cette magnifique petite phrase : « je ne sais pas » ? Or, l’articulation des trois catastrophes japonaises vient confirmer les limites de notre savoir.
Il y a d’abord le tremblement de terre et le raz-de-marée qui a suivi. L’impuissance humaine face aux cataclysmes reste entière. La nature est indomptable. Les morts peuvent se compter par dizaines de milliers. Victimes innocentes de quoi ? Je ne sais pas… même si on peut débattre des systèmes d’alerte anti-tsunami, des villes de bord de mer, et de l’inadéquation de certaines constructions.
Mais justement, le Japon est un pays modèle : ses immeubles durement secoués ont tenu, les procédures d’urgence ont fonctionné, sa population n’a pas paniqué, et les sauveteurs se sont mobilisés au péril de leur vie. C’est donc au pays de l’ultra-technologie et de la robotisation qu’est advenu l’impensable accident nucléaire ! Voilà que la technologie menace d’amplifier un cataclysme régional en désastre national.
La planète entière retiendra-t-elle que le 11 mars 2011 fut un jour de basculement de notre Histoire ? Le 11 septembre 2001 annulait le mythe de l’invulnérabilité du sanctuaire américain. Mais le 11 mars 2011 peut marquer la défaite d’une certaine arrogance scientifique.
Car la centrale de Fukushima n’a rien à voir avec celle, toute rouillée, de Tchernobyl, et l’origine de l’accident tranche avec les erreurs de manipulation des précédents de moindre ampleur.
Au Japon, tout était prévu, calculé, garanti contre le « big one » attendu par les sismologues : enceintes de confinement, mur anti-vague, générateurs de secours. Inutile de s’étaler : tout a été déjoué, débordé, dépassé.
Adieu les procédures. Un bricolage géant presque dérisoire s’improvise au milieu des radiations. En cas d’échec, des dizaines de millions de personnes pourraient être forcées à l’exil. Et l’échec étant possible, l’impossible est donc advenu.
Construite de main d’homme, la bête nucléaire a échappé à ses créateurs et terrorise une nation entière. Ni les coups de grisou ni les incendies de puits de pétrole qui sont la rançon de notre confort n’ont jamais généré pareille angoisse.
Au-delà des polémiques, c’est déjà une leçon. Une terrible leçon d’humilité.
Mais que faire de cette leçon ? Éteindre la lumière ? Je ne sais pas !