Question : qu’est-ce qui est pire : le collectivisme ou l’individualisme ?
Réponse : les deux.
Le collectivisme et l’individualisme, bien que pas exclusivement modernes, ont caractérisé la modernité. Les deux réduisent ou rejettent Dieu en faveur de la suprémacie du groupe ou de l’individu. Sans Dieu, la modernité, aussi séduisante qu’elle paraisse, revient au paganisme.
Observez les nouvelles de Syrie : des dizaines de milliers de morts, du cannibalisme, le viol utilisé par les rebelles pour briser la résistance des partisans du gouvernement. Les rebelles, tout au moins certains d’entre eux, se sont révélés capable de copier les tactiques du régime d’Assad.
Les Américains savent que nous sommes nous-mêmes capables d’atrocités, témoins My Lai ou Abu Ghraib.
Mais, et c’est un caractère culturel, nous trouvons les atrocités telles que celles de Syrie d’une horreur sans nom. David Goldman explique cette répulsion comme étant le résultat du rejet judéo-chrétien du paganisme :
« L’occident chrétien a sorti les païens de la préhistoire pour les soumettre à l’autorité d’un Dieu dont l’amour s’étend à chaque individu, si bien que les individus peuvent abandonner leur identité collective tribale pour embrasser une identité individuelle en qualité de converti chrétien. La ligne franche qui qui sépare l’identité collective pré-moderne et l’identité d’alliance de l’individu occidental n’est nulle part aussi visible qu’en matière d’atrocité. Les tribus païennes ne ressentent aucun scrupule à torturer et à profaner les corps de membres d’une autre communauté, les occidentaux ne peuvent envisager de tels actes sans devenir fous. Nous ne pouvons même pas les envisager de loin sans ressentir un malaise. »
L’effet flagrant et persistant des religions juive et chrétienne régit la réaction aux atrocités dans notre société. Là où l’amour de Dieu gagne les coeurs et les âmes (et cela parfois dans des gens et à des endroits non visiblement touchés par le Judaïsme ou le Christianisme) les gens sont perçus comme des personnes, et l’atrocité est rejetée. Et les effets de cet amour persistent un certain temps dans des sociétés qui ont pour une large part oublié Dieu.
Les pires cauchemars au sein de l’ancienne chrétienté découlent d’un amour de la patrie dénaturé, collectivisé, appelé le nationalisme, qui traite la nation comme une idole. En remplaçant le Christianisme par le culte de la nature et d’autres pratiques païennes, le nazisme a porté l’idolatrie nationaliste à son apogée.
Quand nous remplaçons Dieu, à qui la civilisation occidentale était par le passé imparfaitement ordonnée, par une orientation collective vers l’homme, nous risquons de tomber dans le paganisme. Et dès lors que nous choisissons le paganisme, nous ne pouvons échapper au collectivisme – la tribu, la nation, l’état – et nous ouvrons la porte à de possibles et vastes horreurs.
Comme le pape émérite Benoît l’a souligné, l’empreinte du paganisme établi dans nos sociétés post-chrétiennes est particulièrement durable.
Le bienheureux John Henry Newman avait déjà décelé la probable trajectoire de la modernité au cours du 19e siècle. Chesterton l’avait caractérisée comme une forme de maladie mentale, le premier stade de la folie que Goldman pointe en Syrie.
C.S. Lewis l’explique globalement dans son essai « Membership » (appartenance). Lewis oppose l’appartenance au Corps du Christ à l’appartenance à une collectivité moderne. Dans le Corps du Christ, chaque membre est unique et la diversité bien comprise prospère. L’unité est essentielle, mais l’égalité n’est pas le but.
Dans la collectivité moderne, l’égalité est tout, et l’uniformité le but à atteindre.
Lewis, écrivant durant la deuxième guerre mondiale, comprenait la nécesité d’un effort collectif pour battre le nazisme. Mais il mettait en garde contre l’erreur de prendre l’organisation collective comme un but et non comme une nécessité temporaire. Et il expliquait le juste ordonnancement d’une politique vivifiante :
« Une société malade doit beaucoup réfléchir à sa politique, tout comme un malade doit penser à sa digestion, ignorer le problème peut être une lâcheté fatale… Mais si l’on en vient à regarder cela comme la nourriture naturelle – ou si l’on oublie que l’on ne pense à ces choses que pour être capable de penser à d’autres choses – alors les précautions prises pour rester en bonne santé deviennent elles-mêmes une nouvelle maladie mortelle. »
Lewis était suffisamment réaliste pour comprendre que le collectivisme moderne ne disparaîtrait pas rapidement. Les formes de gouvernement démocratiques étaient, selon lui, les seules options valables dans un monde en déclin pour écarter la règle tyrannique d’un seul ou de quelques uns. Mais il savait que la démocratie, avec sa mise en avant de l’égalité, pouvait mener à une fausse notion d’appartenance dans un collectivisme tyrannique et mortel pour l’âme.
Dans ces temps païens, le président des États-Unis, dont le parti hue la mention de Dieu dans ses tribunes, introduit son allocution à Planned Parenthood (planning familial) par ces mots : « Je suis désolé de n’avoir pas pu être des vôtres hier. J’ai cru comprendre que ça avait été un peu tendu (rires) » Sans mentionner ni l’eugénisme ni l’avortement — le fondement et la principale raison d’être de cette association — il invoque la bénédiction divine sur l’industrie de l’avortement. La plupart des gens qui ont vu des photos de bébés avortés savent que le président a béni une atrocité.
Et l’individualisme ? Il prend une route légèrement différente pour arriver au même point, via le triomphe de l’autonomie individuelle noyée dans la dictature du relativisme. Sans Dieu, le relativiste se tourne bientôt vers l’état pour l’autorisation et la signification des choses.
Nos politiques actuelles ne vont pas nous sortir de ce pétrin. En 1960, Fr. John Courtney Murray pouvait écrire :
« En Amérique, nos avons été préservés du fléau des partis idéologiques. C’est un fléau parce que, là où ils existent, le pouvoir devient une sorte de récompense. La lutte pour le pouvoir est une bataille partisane pour se procurer les moyens par lesquels on pourra détruire l’idéologie opposée. Il a été remarqué qu’il n’y a que dans les sociétés en désagrégation que la politique devient une controverse sans fin, il ne devrait y avoir controverse que sur le moyen d’obtenir une unanimité suffisante. »
Nous sommes maintenant dans la sitation que décrit Murray. Notre compréhension commune des questions les plus basiques – qu’est-ce qu’une personne humaine, est-elle l’objet d’une projet divin auquel nous devrions nous conformer – s’est désintégrée, laissant les deux partis avec de graves pathologies.
La seule réponse au dualisme collectiviste-individualiste, la seule échappatoire au modernisme devenu paganisme est le renouveau à travers la société de la foi en l’immuable vérité du Dieu d’amour d’Abraham, Isaac et Jacob. Faute de quoi, nos politiques seront de plus en plus leur propre but, un combat meurtrier à propos des principes et buts fondamentaux, et non des moyens d’action – avec d’autres atroces résultats.
Joseph Wood enseigne à l’institut de politique mondiale à Washington.
Illustration : Dans le collectivisme moderne, l’égalité est tout, l’uniformité le but à atteindre (Nuremberg 1935)
http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/one-or-many.html
Photo : Nuremberg : 1935.