La béatification du pape Paul VI, intervenant au terme de ce Synode extraordinaire sur la famille, est plus qu’un signe. Elle intervient comme un appel à relire l’histoire récente de l’Église catholique dans son économie générale la plus significative. Il est vrai qu’accomplir un tel discernement ne va pas sans peine. Vatican II est encore entouré d’un halo mythologique, d’autant plus cultivé par les médias que c’est eux qui l’ont créé. La doxa toujours en cours veut que le Concile ait été une façon, pour l’Église, de rattraper son temps, qui l’avait semée à grande vitesse. Cette vision caricaturale est à mettre en relation avec les faits historiques précis qui concernent, par exemple, la papauté au XXe siècle. Benoît XV, avec sa volonté farouche de mettre fin au premier conflit mondial, n’était nullement hors de l’histoire. Il incarnait la sagesse et la lucidité. De même, Pie XI en désignant la perversité des deux grands totalitarismes, communiste et nazi, se montrait en prise directe avec la tragédie moderne. On pourrait dire la même chose de Pie XII, pape diffamé, le seul grand personnage de la Seconde Guerre mondiale a être venu concrètement au secours du peuple juif en voie d’extermination, et prophète des grands enjeux de la civilisation en train de naître.
Cela ne veut pas dire que Vatican II n’avait pas sa nécessité impérative pour faire, en quelque sorte, le point sur la mission chrétienne dans le monde tel qu’il était en train de muter. Avec la distance, sa véritable dimension ne cesse de se mieux distinguer. Jean XXIII avait conscience qu’il y avait lieu de mettre à jour la dynamique de l’évangélisation, en ne se laissant pas paralyser par l’obsession des obstacles à franchir, mais en faisant pleinement confiance à la splendeur du message à annoncer. Le rôle historique de Paul VI aura été de dessiner un programme articulé à la mesure de l’intuition de son prédécesseur et de l’avoir réalisé en menant à son terme une entreprise qui, à vue humaine, était très loin d’être gagnée d’avance. Il en est résulté ce grand corpus doctrinal, qui intéresse si peu la mythologie médiatique, mais qui a permis l’action extraordinaire du long pontificat de Jean-Paul II.
Grâce au Concile, l’Église catholique a pu anticiper tous les effets de la mondialisation, en envisageant notamment les relations interreligieuses. La Constitution Gaudium et Spes a formulé, sans qu’on s’en aperçoive sur le moment, une anthropologie fondamentale puisée dans la Bible, qui est aujourd’hui au cœur de la perception chrétienne des évolutions sociétales. Il s’agit de sauvegarder l’humanité menacée, notamment par l’imperium technologique. Le Synode extraordinaire s’inscrit dans la continuité de cette réflexion, et l’année qui nous sépare du Synode de 2015 sera fécondée par un héritage toujours performatif.
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Intervention de Gérard Leclerc sur LCI à propos du Synode et de Paul VI.