À suivre les débats à propos de la réflexion sur la famille voulue par le pape François, on aurait le sentiment que le seul problème qui se pose à l’Église catholique est celui des personnes divorcées remariées. Cela fait plusieurs décennies, que d’une façon presque lancinante, la question de la discipline eucharistique est posée à leur propos. Notamment dans le cadre des synodes diocésains. Comment ne le serait-elle pas, avec l’explosion du divorce dans notre pays et les nations occidentales ? Cependant, en raison même de sa catholicité, notre Église est confrontée à bien d’autres difficultés qui s’opposent à la reconnaissance pleine et entière ainsi qu’à l’observance des critères du mariage chrétien. De la complexité des défis qui s’offrent à elle, le cardinal Lorenzo Baldisseri a donné récemment un compte rendu très suggestif, lors d’une conférence prononcée à Lisbonne. C’est en sa qualité de secrétaire général du synode des évêques, informé du sujet par le retour des réponses de quelque 114 conférences épiscopales que le cardinal s’exprimait :
« On compte notamment les mariages mixtes ou interreligieux, les familles monoparentales, la polygamie, la polyandrie, les mariages arrangés avec la question de la dot — souvent assimilés à “l’achat de l’épouse” — le système des castes, la culture du non-engagement et l’instabilité prétendue de la relation, les formes erronées du machisme et du féminisme, les phénomènes migratoires et la reformulation du concept même de famille, le pluralisme culturel dans la conception du mariage, les unions entre les personnes du même sexe auxquelles est souvent consentie l’adoption d’enfants, l’influence des médias sur la culture populaire concernant la façon de concevoir le mariage et la vie de famille, les courants de pensée qui inspirent les courants législatifs qui discréditent la stabilité et la fidélité du pacte matrimonial, la diffusion du phénomène des mères porteuses, les nouvelles interprétations des droits de l’homme, mais surtout, dans le domaine ecclésial, l’affaiblissement de la foi dans la sacramentalité du mariage et de la pénitence. »
Cette impressionnante addition des obstacles accumulés à l’encontre de l’engagement sacramentel au mariage n’a rien d’un « inventaire à la Prévert », même s’il rassemble des données hétéroclites. Elle a une signification bien précise qui concerne l’originalité de l’union sponsale, conçue dans l’esprit de l’Évangile. Depuis 2 000 ans, c’est toujours dans l’adversité que s’est définie et précisée une doctrine fondée sur la liberté du consentement de l’époux et de l’épouse pour contracter une union indissoluble sous le regard de Dieu. Même au Moyen Âge, présenté comme la période privilégiée d’une civilisation chrétienne, certaines mœurs féodales, renouant d’ailleurs avec les vieilles cultures païennes, s’opposaient à l’exclusivisme monogamique du mariage d’amour, proprement inventé par le christianisme. C’est dire qu’au bout de vingt siècles, le défi est toujours à reprendre dans des conditions mouvantes et éprouvantes. L’Église n’a jamais rien lâché de ses exigences, et on ne voit pas pourquoi elle trahirait son propre message.
Pour aller plus loin :
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- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
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