Il n’est pas contestable qu’en associant Jean XXIII et Jean-Paul II dans une même cérémonie de canonisation, François ait voulu mettre en évidence le concile Vatican II dans ses intuitions fondatrices et dans ses conséquences pastorales. Jean XXIII, en convoquant ce concile, était persuadé qu’il pourrait avoir, pour l’époque contemporaine, une importance analogue à celle de Trente au XVIe siècle. Les circonstances n’étaient certes plus les mêmes. Il ne s’agissait plus de procéder à des mises au point doctrinales dans une aire chrétienne affectée par les divisions de la Réforme. Il s’agissait de présenter, de la façon la plus cohérente et décisive, la Révélation du Christ à une civilisation tentée par la mise entre parenthèses de la présence de Dieu. Ne voulant pas se laisser aller au pessimisme qui interdisait toute tentative d’annonce de la Bonne Nouvelle à un monde qui lui serait définitivement fermé, le pape voulait conduire un élan nouveau qui entraînerait toute l’Église. Sur le moment, le jeune évêque auxiliaire de Cracovie était d’autant mieux à même de communier à cet élan qu’il l’avait, en quelque sorte, précédé dans son ministère polonais et qu’il était disposé à coopérer à la recherche commune d’une Église rassemblée.
Mgr Wojtyla joua un rôle décisif dans la mise au point de la Constitution Gaudium et Spes, dont la finalité était de redéfinir les relations de l’Église avec le monde moderne, compte tenu des changements de civilisation qui avaient modifié l’équilibre international et les modes de vie. Ce n’est pas parce que l’Église n’était plus dans la situation où elle était directement associée aux affaires temporelles qu’elle renonçait à sa mission. Bien au contraire, mieux identifiée dans sa stature spirituelle, elle était à même de s’adresser à la responsabilité la plus profonde des personnes. Il ne s’agissait plus de suivre l’Église parce qu’elle se confondait avec l’appareil institutionnel officiel et en prescrivait les normes. Il s’agissait désormais de l’entendre du fond de sa conscience, en saisissant l’authenticité et la véracité de ses appels. Ainsi que le déclarait au concile le futur Jean-Paul II, « la vérité ne cesse d’obliger l’homme. Elle ne l’engage pas moins aujourd’hui qu’autrefois ; mais nous devenons plus conscients des bases de cet engagement dans l’homme lui-même, nous prenons aussi davantage en considération les possibilités humaines par rapport à la vérité révélée ».
Depuis un demi-siècle, nous n’avons pas quitté cette trajectoire, dont nous devons toujours plus adéquatement envisager les conséquences, à la lumière du projet divin sur l’histoire. Les saints que la Providence nous a destinés, pour suivre cette route, nous aideront toujours à envisager courageusement ses défis renouvelés.