Sur la loi naturelle - France Catholique
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Un autre regard sur le poverello
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Sur la loi naturelle

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Nous vivons à une époque où il s’est écrit davantage de bons livres et d’essais sur la loi naturelle qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire.

Je pense à Maritain, Simon, Rommen, Veatch, Finnis, Hittinger, Kreeft, Fortin, Benestad, Rice, Budziszewski, Arkes, Kries, George, Sokolowski, d’Entrèves et tant d’autres.

Actuellement, tant dans le domaine de l’ordre public que dans nos vies privées, nous voyons la loi naturelle fléchir et se transformer en son opposé. Dans bien des domaines si pas dans tous, nous sommes bien proches d’établir « une loi anti-naturellement naturelle » comme la norme de notre moralité et de nos lois civiles.

Sous le terme « loi anti-naturellement naturelle », je désigne cette notion selon laquelle si tous ou la majorité font ceci ou cela, alors c’est « naturel ». Par conséquent, toute notion de loi naturelle qui interdirait, par exemple, l’avortement, serait fausse « selon la loi naturelle » depuis que tant de personnes pratiquent des IVG.

Pourtant les principes de la loi naturelle et de la logique qui identifient l’avortement pour ce qu’il est, le meurtre délibéré d’une personne humaine, sont irréfutables – même si peu veulent l’admettre. La seule alternative réelle à la validation de la loi naturelle, ainsi que beaucoup le voient clairement, est de réfuter toute raison ou ordre des choses, si bien que nous soyons libres d’instaurer ce qui nous passe par la tête sur le critère de notre seul désir.

L’outil intellectuel fondamental qui a facilité cette transformation est, ironiquement, la notion de « droits de l’homme ». Le père spirituel de cette transformation est Hobbes, qui nous a donné le « droit » à ce que nous jugeons nécessaire à notre auto-protection et à notre bien-être. L’Etat devient l’ultime pouvoir pour définir et mettre en oeuvre ces « droits naturels ».

Dans le monde catholique, la plupart de la littérature récente sur la loi naturelle est, en fait, une tentative de concilier la « loi naturelle » et les « droits naturels ». Aussi prudemment que cette conciliation ait été menée, elle a à peine écorné l’idée populaire selon laquelle les « droits » sont tels que ceux définis par la loi positive1. Par conséquent ils souffrent de la même mutabilité volontaire que la loi positive elle -même.

Nous voyons maintenant le divorce, la contraception, l’avortement, la fécondation in-vitro, l’homosexualité, les expérimentations sur le foetus, le clonage, l’euthanasie et les variantes de ces pratiques proposés et même imposés comme « droits ».

Bien plus, le pouvoir civil de nombreuses nations applique énergiquement ces « droits ». Dans certains pays, dont le nôtre, une constitution écrite a été établie comme une loi positive fondamentale pour tenter de contrôler et limiter les errements des législateurs, juges et politiciens humains. Au dessus de la constitution, il y avait la loi naturelle qui était la règle établie par la raison, fondation de toute loi humaine ou constitution.

Partant, aucune loi civile ou constitutionnelle ne pouvait être équitable de soi-même, sans avoir d’abord été jugée implicitement selon la raison. C’est l’universalité de la loi naturelle qui, pour ainsi dire, plane au-dessus de toutes les cultures nationales, de toutes les religions aussi bien qu’au-dessus de nos actions individuelles.

Ce n’est peut-être pas un hasard si l’agitation sur les questions de loi naturelle a récemment atteint le mariage, sa signification et ses conséquences. Quoi qu’il en soit, nous voyons un nouveau domaine s’ouvrir rapidement.

Les anciennes discussions sur la propriété, qui tournaient autour du socialisme et du communisme semblent vraiment dépassées. Nous comprenons que la croissance économique dépend de l’innovation, de lois justes, des bénéfices, des débouchés, des faillites et de la demande. Nous avons appris que la richesse doit être créée et développée.
Les pauvres ne sont pas pauvres parce que les riches sont riches. Ils sont pauvres parce qu’ils ne savent pas comment devenir riches ou parce qu’ils vivent dans des systèmes économiques à somme nulle qui professent que la redistribution est la seule philosophie sociale qui vaille.

Le président a récemment émis l’opinion que chacun produit la richesse. Par conséquent, la richesse appartient à tous et pas seulement à ceux qui sont réputés la créer. Mais la répartition actuelle n’est pas équitable. Les riches ont trop. Et c’est pour cela que les pauvres sont pauvres.

Dans cette optique, le gouvernement a le « droit » d’interférer par des impôts et autres actions politiques, afin de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Le prémisse de cette position semble être un concept de non-croissance.

La compréhension commune des sciences économiques est que chacun peut devenir plus riche si l’économie prospère. Sinon, la répartition sera politisée. L’envie deviendra un facteur important de la situation. Et le gouvernement devient l’arbitre principal pour décider qui a « droit » à quoi.

Cette vision des choses est un vague succédané des débats sur la loi naturelle qu’on trouvait dans l’histoire des sciences économiques scolastiques. La Terre a été créée pour tous. Par conséquent chacun a « droit » à tout.

Avec l’expérience, souvent suite à des débats à propos de la propriété commune selon Platon, la réponse d’Aristote semble plus raisonnable. La propriété privée est dans la plupart des cas un meilleur moyen pour produire et distribuer les biens afin d’atteindre chacun individuellement.

A ce que je vois, la suggestion du président est vraiment une relance de la Genèse, présentée cette fois non par Dieu ou la raison, mais par l’Etat comme le principal agent de toutes les affaires humaines.

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James V. Shall, supérieur jésuite, professeur à l’université de Georgetown, est l’un des auteurs catholiques américains les plus prolifiques. Ses plus récents livres sont The Mind That Is Catholic (L’esprit véritablement catholique) et The Modern Age (L’époque moderne).
Illustration : James V. Schall


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/on-natural-law.html


Photo : Fr. James V. Schall, S.J.

  1. NDT : la loi naturelle est un ensemble de contraintes qui sont commandées à l’homme par la raison pour assurer sa bonne conservation, la loi positive est celle élaborée par le législateur