C’est en ces termes qu’Urs von Balthasar définissait son œuvre de théologien. Et le centre c’est le mystère même du Christ, dont l’existence dévoile le dessein d’amour de Dieu sur l’humanité. À l’approche de la Semaine sainte et de Pâques, il nous est nécessaire de retrouver ce centre de gravité absolu, dont nous distrait le train du monde et dont nous éloigne notre faculté à nous retrancher dans nos divertissements. La grande interrogation grecque sur le Cosmos, le souci moderne de l’individu ou toutes les tentatives contemporaines d’émancipation peuvent avoir leur intérêt, leur grandeur, lorsqu’ils ne sont pas corrodés de l’intérieur. Mais la grâce du christianisme consiste à nous faire entrer dans l’espace même de la vie divine, dont le secret est l’amour absolu, le seul qui soit digne de foi. D’où l’importance extrême de ce sommet de l’année liturgique qu’est le Triduum pascal, parce qu’il nous livre le mot ultime de la venue du Christ parmi nous : « Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1).
Bien sûr, la tâche de l’Église est de faire retentir cette bonne nouvelle jusqu’aux extrémités du monde. D’où tout le zèle dépensé autour de la nouvelle évangélisation. Mais ce zèle serait de pure vanité, s’il s’émancipait du site central de la Révélation. À une certaine époque, Balthasar se montrait particulièrement agacé de tout un bavardage autour de la notion d’aggiornamento. Comme si on pouvait procéder à la mise à jour du christianisme ! C’est nous qui avons sans cesse à nous mettre à jour par rapport à la foi, ce n’est pas à la foi de revêtir les oripeaux d’une époque pour paraître plus acceptable et plus aimable. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effort à faire pour être plus attentif aux autres. Et les théologiens eux-mêmes ont à déployer toutes les ressources de l’intelligence croyante pour nous mettre mieux en situation d’accéder à la signification vivifiante de la Pâque. De siècle en siècle, les saints ont incarné l’exemple du Christ pour le faire aimer autour d’eux. Jean XXIII et Jean-Paul II, qui seront prochainement admis au rang de nos intercesseurs, sont les vivants modèles pour notre temps de ce qu’ils ont désiré communiquer par l’intermédiaire d’un concile solennel. Leur mise à jour, c’est l’exposition des richesses du don de Dieu en pleine lumière. C’est le Christ, Lumen Gentium, lumière des nations, qu’ils ont voulu offrir avec une totale générosité aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui, pour qu’ils découvrent de quel amour ils sont aimés.