La lecture du dernier livre de Neale Donald Walsch, Conversations avec Dieu, Tome 2, longtemps en tête des plus fortes ventes pour le New York Times, nous ouvre les yeux sur ce que nombre de nos contemporains lisent sur Dieu.
L’auteur, qui commence par résumer ce qu’il a déjà écrit dans le tome 1, raconte qu’il a écrit ces livres lors d’une période difficile de sa vie dans les années 90 ; il a commencé par noter les questions qu’il se posait sur Dieu, ses commentaires et les pensées qui lui venaient. (ndt : les trois tomes ont été publiés en traduction française aux Editions Ariane, au Québec, entre 1997 et 1999)
Walsch a reçu une éducation catholique. Il évoque ses souvenirs de catéchisme sur le péché originel, le ciel, l’enfer, le purgatoire, les péchés mortels et véniels, la confession, les jours d’obligation, etc. Dieu (qu’il appelle à l’occasion « elle ») écoute patiemment cette litanie avant de lui indiquer que c’est là ce que l’on appelle religion. La seule chose qui compte est la spiritualité. Or la spiritualité et la religion ne vont pas bien ensemble. « La religion ne supporte pas la spiritualité. EIle ne peut pas la sentir. Car la spiritualité peut vous conduire à des conclusions différentes de celles d’une religion en particulier – cela, aucune religion ne saurait le tolérer. »
Les « conclusions qui diffèrent » sont par exemple : le péché originel n’existe pas ; le diable non plus ; il n’y a pas de bien et de mal, ni de droit et de tort ; pas de Décalogue. Toutes choses étant liées, le travail de la spiritualité est de dépasser toute séparation et de réactiver la conscience de l’unité de chacun (il ou elle) avec le tout. (Dieu est un dieu panenthéiste ; nous existons tous comme membres de Son corps merveilleux (Il ou Elle), en dépit du sentiment agaçant de séparation.)
Un important catalyseur du développement de cette « spiritualité » est le sexe. Plusieurs pages sont consacrées aux plaisirs de la masturbation, de l’homosexualité, et des « bizarreries sexuelles » ; Dieu recommande l’usage des méthodes du tantrisme hindou/bouddhiste pour atteindre à une spiritualité dynamique par le plaisir sexuel. Dieu suggère à Walsch de se répéter dix fois par jour « j’aime le sexe » pour apaiser son sentiment de culpabilité sexuel latent.
Walsch cependant avait encore un doute sur quelque chose que Dieu lui avait dit dans le tome premier, à savoir qu’Hitler était au Ciel. Aussi Dieu lui explique au long de plusieurs pages pourquoi il en est ainsi : d’abord, le mal n’existe pas. Hitler, comme chacun de nous, était influencé par la psychologie de groupe (y compris du christianisme allemand) et n’a guère fait que pousser l’antisémitisme à sa conclusion ultime. Les morts qu’il a causées ne sont pas l’œuvre du « Mal ». […]
D’autres sections du livre sont consacrées aux questions d’environnement, de la mondialisation économique et politique , l’existence d’une vie intelligente sur les autres planètes, l’éducation à une conscience globale sur le modèle Waldorf (une institution théosophique allemande), l’idée que l’amour universel peut triompher des guerres et de la violence, et comment résoudre les inégalités entre riches et pauvres par la redistribution et la limitation de la richesse excessive. L’objectif final étant la totale élimination de l’argent […].
Vers la fin du livre, Dieu dit à Walsch d’ « oublier la religion ». Il termine par une tirade ardente contre la religion qui fait perdre aux gens toute foi en eux-mêmes, qui leur fait craindre Dieu et l’agnosticisme, qui suscite l’idée que nous sommes « moins » que Dieu, qui nous fait croire que nous avons besoin d’intermédiaires pour approcher Dieu, qui jette la honte sur des fonctions naturelles du corps comme l’activité sexuelle, laquelle ne doit pas seulement susciter notre indulgence mais être fêtée et célébrée.
En toute logique, le livre aurait dû s’appeler simplement Mon idée de Dieu, bien que ce titre ne soit pas suffisamment « vendeur ». Il est difficile d’imaginer que des millions d’Américains achètent ce genre d’ouvrages avec le sentiment qu’ils sont éclairants. Mais il est utile pour clarifier l’idée que les libéraux au sens religieux, New-Age et Nouvelle-Conscience, se font de Dieu. Il révèle pourquoi toute personne qui mentionne quoi que ce soit qui rappelle de près ou de loin une « règle » religieuse passe aujourd’hui, aux yeux des personnes « éclairées », pour un être, au mieux pitoyable, au pire dangereux.
Les chrétiens authentiques pensent que le Fils de l’Homme est la meilleure voie pour se former une idée objectivement vraie de ces choses. Quand Philippe demande à Jésus de nous « montrer le Père » (Jean, 14, 8), Jésus le reprend parce que qui voit Jésus voit aussi le Père. Jésus, au long des Évangiles, décrit les attributs du Père – Sa providence, son amour de chacun, son désir de pardon, comme sa justice et son jugement -. Matthieu, chap. 6, détaille les qualités de Dieu le Père.
Walsch mentionne ici et là des passages sur le fait de donner aux pauvres, ou de ne pas juger, etc. Il ne dit mot de ceux où Jésus parle de l’Enfer, ou traite de la sexualité – par exemple où il égale le désir avec l’adultère (Mt, 5, 28). L’invention par Walsch d’un Dieu « libéral », permissif et inclusif, est conçue pour dissiper toute survivance d’une quelconque crainte de l’Enfer et pour reléguer les règles sexuelles et autres péchés potentiels à quelque royaume archaïque et antérieur aux Lumières.
Sa présentation de ce qu’il espère être la spiritualité est contradictoire, confuse et dénuée de substance. Mais c’est sans doute ce que beaucoup de nos contemporains, paradoxalement, veulent dire quand ils parlent de leur « spiritualité ».
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Source :
http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/a-liberal-god-revealed.html