Interrogé récemment sur les nouveaux projets d’Obama, un catholique responsable de services de santé déclarait préparer le départ de cette activité rendue incompatible avec notre foi.
L’énoncé des conséquences de ces projets rappelle deux idées en philosophie politique. Pour les Épicuriens le sage devait se tenir à l’écart de la politique turbulente pour mener une existence tranquille. Épicure voyait en la politique un obstacle à la perfection de l’homme et non son contexte naturel, comme selon Aristote.
Deuxièmement, dans son livre paru en 1956 sur Saint Augustin, Herbert Deane écrivait:
« Il n’est nulle part dans les évangiles ou dans l’enseignement des Apôtres suggéré que les chrétiens aient l’obligation de participer à la conduite des affaires politiques, ou que l’État ait droit de regard sur le souci dominant des membres de l’Église — le salut et la participation au Royaume de Dieu.» Un tel passage peut choquer les générations de catholiques exhortés à « participer » à la vie politique, comme si c’était leur tâche essentielle en ce monde ou dans l’au-delà.
Saint Augustin examine la même question: Que faire de sa prometteuse carrière politique? Professeur préparant ses étudiants à la rhétorique et au droit, il les formait à des projets sans intérêt tels que les affaires publiques, presque toujours dangereuses pour l’homme.
Dans la célèbre scène du Livre 8 des « Confessions », Augustin découvre la « Vie d’Antoine », le moine ermite égyptien. Il découvre qu’il doit s’éloigner de toute implication dans les affaires publiques. Puis il cite Ponticianus qui, à Trèves, lisant cette « Vie d’Antoine », se demandait: « Quels avantages attendons-nous de tous nos efforts? Que cherchons-nous? Quel est notre but en servant le pouvoir? Pouvons-nous espérer mieux à la Cour que l’amitié de l’Empereur?»
Cette « amitié de l’Empereur » est un puissant mirage pour les catholiques contemporains qui acceptent les idées d’Obama sur l’étendue des pouvoirs de l’État. Soudain, à la lumière d’un état qui demande maintenant à ses fonctionnaires le prix de leur conscience et de leur raison, de telles questions classiques de démission reviennent avec pertinence pour le bien-être de nos âmes.
Dans son « Saint François d’Assise » Chesterton mentionnait aussi ce même Saint Antoine et les moines dans le désert égyptien. La culture du bas-empire Romain était si dévoyée et corrompue, comme le pensait Chesterton, que plus personne ne voulait s’y impliquer. Une seule solution, se démettre. Au cours des siècles suivants l’âme des chrétiens serait purifiée afin de retrouver la nature et l’homme conformes à la volonté de Dieu.
Catholiques, divers politiciens, religieux, universitaires, critiques, ont tenté de justifier la substance de la tentative d’Obama pour avoir la maîtrise totale de l’ordre public. Ceci explique la tentation de se retirer de la vie politique. Si les médecins et les infirmières doivent, pour être admis dans la profession, participer à des avortements et aux actes liés à cette pratique, renoncer à ces professions afin de ne pas perdre son âme semble logique. Si Obama et réélu, ces questions seront posées à tous les gens de bien, pas seulement aux catholiques, mais principalement à eux qui sont d’évidence visés.
Le président semble croire que toute la richesse est produite par l’État. La richesse des citoyens devrait donc passer entre les mains de l’État et être redistribuée comme un bienfait de l’État. L’État détermine ce qui est « bon » pour les citoyens dans le domaine de l’instruction, de la prospérité, de la santé, et du bien-être.
Le Premier Amendement ne fonctionne plus comme une rambarde pour l’État. La religion n’est admise à coopérer avec l’État que dans la mesure où elle l’aide à mener sa politique. Si elle énonce des objections, ses valeurs sont considérées comme des obstacles au droit de l’État à définir ce qui est bien.
Il n’est aucune loi suprême pour que nous définissions ce qu’est l’État. Pour les catholiques, les questions actuelles sur l’assurance maladie, l’avortement, la stérilisation, l’euthanasie, l’expérimentation sur les fœtus, le mariage gay, ne sont pas à la base des questions religieuses. Les arguments soulevés par ces sujets relèvent de la raison.
Le catholicisme participe à la controverse car c’est un des dernièrs principaux porte-paroles de la raison pour les questions de société. La révélation chrétienne à une raison elle-même compréhensible. Elle ne dit pas ce qu’est la raison, mais insiste pour que la raison soit raisonnable.
Le président cherche à redéfinir la religion. Ces catholiques et autres croyants qui l’approuvent ont implicitement accepté ce que l’État attend d’eux. Leur soutien entraine le rejet de la raison naturelle qu’on trouve dans l’ordre des choses.
Dans ce contexte, la victoire d’Obama par main-mise sur les affaires publiques signifie que les gens raisonnables, catholiques et autres citoyens croyants, n’auront guère d’autre choix que de se retirer de la vie publique d’un pays où se pratique une telle politique. Cette alternative se joue, ni plus, ni moins, sur ces controverses.
James V. Schall, S.J.
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Illustration : Saint Antoine dans le désert (251 – 356)
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/political-withdrawal.html
Pour aller plus loin :
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