« Vivre sa mission dans la fidélité a son maître comme une voix qui crie dans le désert, pour défendre l’amour fidèle, et encourager les très nombreuses familles qui vivent leur mariage comme un espace où se manifeste l’amour divin ; pour défendre la sacralité de la vie, de toute vie ; pour défendre l’unité et l’indissolubilité du lien conjugal comme signe de la grâce de Dieu et de la capacité de l’homme d’aimer sérieusement. » Ces fortes paroles sont tirées de l’homélie prononcée par le pape François lors de la messe d’ouverture du synode, hier matin dans la basilique Saint-Pierre. Citant ses prédécesseurs, François affirme une continuité sans équivoques dans une ligne doctrinale qui est celle même de la tradition de l’Église.
Ceux qui escomptent un tournant décisif de ce pape, qui marquerait une sorte de ralliement aux mœurs contemporaines se trompent donc gravement. Mais le Pape poursuit aussi son propos, en reprenant une formule qu’il avait déjà employée : « Vivre sa mission dans la charité, qui ne pointe pas du doigt pour juger les autres, mais – fidèle à sa nature de mère – [l’Église] se sent le devoir de chercher et de soigner les couples blessés avec l’huile de l’accueil et de la miséricorde ; d’être “hôpital de de campagne” aux portes ouvertes pour accueillir quiconque frappe pour demander aide et soutien. » Hôpital de campagne, Dieu sait si l’expression est parlante et signifie exactement ce qu’elle veut dire. Les blessés sont bien les blessés, et il s’agit bien de les soigner. L’expression me fait penser à l’allocution prononcée par le bienheureux Paul VI à la conclusion du concile Vatican II. Pour définir l’attitude de l’Église à l’égard du monde contemporain et d’un certain humanisme athée, il avait invoqué la parabole du bon Samaritain. Il s’agissait déjà d’ouvrir largement les bras aux personnes sur le bord de la route.
Certes, il faut, aurait dit Bossuet, tenir les deux bouts de la chaîne. D’un côté, préparer sérieusement au mariage chrétien ceux qui le désirent, et par ailleurs ouvrir les portes à ceux qui vivent en dehors des préceptes de ce mariage. C’est ce paradoxe que le synode va devoir affronter. Mais le paradoxe est au cœur même du mystère chrétien.