Si le pape François choisit ce sujet si difficile de la famille pour le premier synode extraordinaire qu’il inaugure cette semaine, c’est en parfaite connaissance de cause. Le paragraphe qu’il lui a consacré dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium est sans équivoque : « La famille traverse une crise culturelle profonde, comme toutes les communautés et les liens sociaux. Dans le cas de la famille, la fragilité des liens devient particulièrement grave parce qu’il s’agit de la cellule fondamentale de la société, du lieu où on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres et où les parents transmettent la foi aux enfants. Le mariage tend à être vu comme une simple forme de gratification affective qui peut se constituer de n’importe quelle façon et se modifier selon la sensibilité de chacun. Mais la contribution indispensable du mariage à la société dépasse le niveau de l’émotivité et des nécessités contingentes du couple. Comme l’enseignent les évêques français elle ne naît pas du sentiment amoureux par définition éphémère mais de la profondeur de l’engagement pris par les époux qui acceptent de rentrer dans une union de vie totale. »
Devant une telle situation on pourrait dire que le défi est démesuré. Comment l’Église peut-elle persister à proposer un sacrement qui suppose l’engagement total de l’homme et de la femme, alors que c’est toute la civilisation qui vit à l’heure des amours éphémères, des ruptures et de la peur du définitif ? Le Pape soulignait lui-même le caractère lancinant de la peur du « pour toujours », en s’adressant à des fiancés sur la place Saint-Pierre en février dernier : « Chers fiancés, vous êtes en train de vous préparer à grandir ensemble, à construire cette maison pour vivre ensemble pour toujours. Vous ne voulez pas la fonder sur le sable des sentiments qui vont et viennent, mais sur le roc de l’amour vrai, l’amour qui vient de Dieu. La famille naît de ce projet d’amour qui veut grandir comme on construit une maison pour qu’elle soit un lieu d’affection, d’aide, d’espérance, de soutien. De même que l’amour de Dieu est stable et pour toujours, ainsi nous voulons que l’amour qui fonde la famille soit stable et pour toujours. »
Même si le souci de tous ceux qui vivent en dehors de cet engagement pour toujours sera présent au synode, il ne fait aucun doute que son objectif essentiel sera d’envisager une pastorale d’éducation à l’engagement dont la vertu sera suffisamment forte et séduisante pour vaincre toutes les tentations contraires. Il faut se faire à l’idée que l’Église ne saurait brader le sacrement de mariage sans renier le pacte fondamental qui n’est rien d’autre que la grande et définitive alliance que Dieu a conclue avec l’humanité. L’alliance originelle de l’homme et de la femme ne se comprend que par sa référence à cette seule et unique alliance, celle que rien ne saurait rompre, car Dieu est fidèle éternellement.
Pour aller plus loin :
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
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