QUE LES LECTEURS DE CETTE CHRONIQUE veuillent bien m’excuser de ne pouvoir toujours répondre à leur nombreux courrier. Si je ne peux répondre, je lis toujours avec attention et j’en tire profit pour mes chroniques ultérieures. Ainsi l’article sur « Le Dieu des savants » (a)1 m’a valu un tel déluge de lettres qu’il est peut-être utile de revenir sur ce sujet délicat.
Quelques-unes de ces lettres sont inspirées par un malentendu, que j’avais essayé, mais en vain, de prévenir, comme on le notera en relisant 1’article : l’éternel malentendu entre évolution et évolutionnisme. Quel besoin avez-vous, me demande-t-on, de raisonner sur une théorie bancale que même un matérialiste comme Jean Rostand tient pour un « conte de fées » ?
Le, ou plutôt les évolutionnismes, sont des théories qui, prétendent expliquer l’évolution des êtres vivants. Aucune ne tient debout, et chaque fois que l’on a pu tester la moins extravagante d’entre elles et la plus communément admise, celle de Darwin (rajeunie par les généticiens), elle s’est trouvée en défaut. J’ai expliqué récemment encore le démenti apporté par les découvertes du généticien japonais Motoo Kimura (b)2.
Quant à l’évolution, ce n’est pas une théorie, cela aussi je l’ai souvent expliqué : c’est l’ordre dans lequel les fossiles sont disposés dans les roches3. On pourrait remplacer le mot « évolution » par « arrangement », certains d’ailleurs l’ont essayé, sans grand succès, car finalement le mot « évolution » est plus juste.
Les fossiles sont en effet disposés dans un certain ordre, qui est celui de la complexité croissante à mesure que le temps s’écoule. Si l’on croit plus digne du Créateur qu’il ait créé toutes les espèces séparément, soit4, cela ne change rien au fait de l’évolution, qui nous apprend dans quel ordre le Créateur a opéré : par des aménagements progressifs, ordonnés, souvent imperceptibles.
Reprenons le cas de l’homme, si pénible, semble-t-il, à notre orgueil. Ce qui le distingue anatomiquement, ce sont les proportions relatives des diverses parties de son cerveau et le volume de celui-ci. En 1971 Philip V. Tobias, professeur d’anatomie à l’Université de Johannesburg et spécialiste respecté de l’anthropologie préhistorique, publiait le classement par âge de tous les crânes connus d’hominidés depuis l’australopithèque jusqu’à l’apparition du premier être capable de domestiquer le feu. Voici le volume de ces cerveaux (en commençant, donc, par le plus ancien, celui qu’on a trouvé dans les couches les plus basses) 435, 480, 500, 540, 500, 530, 530, 633, 684, 652, 750, 775, 780, 850, 890, 915, 1000, 1015, 1029, 1030, 1225.
Ces 23 crânes successifs sont, on le voit, de plus en plus volumineux, à quatre exceptions près, ce qui est tout à fait normal, compte tenu des variations individuelles dans une même espèce : lord Byron avait un crâne presque deux fois plus volumineux que Gambetta5.
Depuis 1971, de nombreux autres crânes ont été découverts en Afrique, et ces découvertes nous font bien sentir ce qu’est l’évolution : ils confirment l’ordre des chiffres ci-dessus, toujours aux exceptions (prévisibles) près. C’est-à-dire que quand on découvre un crâne de 700 centimètres cubes, par exemple, son âge le situe entre le onzième et le douzième crâne de la série de Tobias. Plus les découvertes se multiplient et plus les différences entre crânes successifs s’amenuisent.
Que le lecteur ne s’imagine pas que j’essaie de passer sous silence ma croyance à l’ascendance animale de l’homme. C’est en effet ce que je crois, avec tous les biologistes actuels. Mais cela n’a aucune importance, il s’agit d’une simple impression, d’un sentiment, très fort, certes, car l’observation semble l’imposer, mais dénué de toute valeur scientifique puisqu’il n’explique rien.
Les découvertes les plus récentes de paléontologie humaine me semblent en revanche poser de difficiles problèmes philosophiques.
Il semble en effet se préciser de plus en plus que ces crânes successifs se répartissent en lignées différentes. C’est-à-dire qu’il y a des ordres de succession locaux, indépendants les uns des autres, quoique contemporains. Par exemple, on trouvera que dans telle aire géographique, à telle époque, la céphalisation était plus avancée : on était là plus près de l’homme qu’ailleurs.
Le cas le plus intéressant est celui de l’homme de Neandertal, auquel j’ai brièvement fait allusion dans une autre chronique6.
Pendant longtemps, cet être maintenant énigmatique fut tenu pour l’opportun chaînon entre l’Homo sapiens – l’Homme tout court, nous enfin – et la brute appelée pithécanthrope (situé à la fin de la série de Tobias). Il était bien commode, l’Homme de Neandertal, avec sa face bestiale7 et son crâne volumineux. C’était un excellent intermédiaire.
Hélas, depuis quelques années, l’Homme de Neandertal nous déçoit beaucoup.
D’abord, on trouve de plus en plus de vestiges d’un Homo sapiens très antérieur aux derniers Neandertal, mais localisés ailleurs sur la planète, y compris en Amérique. Le rejeton est antérieur à l’ancêtre ! Il se pourrait même que l’Homo sapiens eût déjà été là alors que subsistaient encore des Pithécanthropes, il y a 300 ou 400 mille ans !
Ensuite (et c’est là la vraie catastrophe), les caractères propres à l’espèce Neandertal, loin de s’effacer avec le temps pour se rapprocher de notre espèce (comportement de tout ancêtre bien élevé), ne font au contraire que s’accentuer à mesure que s’écoulent les millénaires. Certes son cerveau continue de grossir. II grossit même tellement qu’il dépasse très largement le nôtre en volume : 1 600 centimètres cubes au lieu de notre moyenne de 1 3508.
Une solution actuellement proposée consiste à admettre, que l’Homme de Neandertal était lui aussi un Homo sapiens, mais un autre, qui ne compte pas parmi nos ancêtres, un cousin en somme, dont le lien de parenté avec nous, encore à préciser, est de toute façon très, très ancien. Certains savants font remonter la séparation des deux lignées à 7 ou 800 mille ans, et le tableau en train de se préciser n’exclut pas, au contraire, que ce mystérieux cousin en esprit ait une origine différente, qu’il soit monté jusqu’à l’éveil de la plus haute conscience à partir d’une autre souche (c)9.
De cette conscience, il nous a laissé l’émouvant témoignage. Non seulement il inhumait ses morts, mais la position qu’il donnait au cadavre atteste qu’il croyait à la survie de l’âme : on le retrouve dans sa tombe accroupi en chien de fusil dans l’attitude du dormeur. Des squelettes d’enfants, inhumés avec amour, sont recouverts de touchants cadeaux. A Shanidar, en Irak, le petit corps reposait dans un lit de fleurs10.
Il habitait l’Europe et l’Asie occidentale. Cela dura des milliers de siècles. Puis, il fut remplacé par l’Homo sapiens, qu’il faut maintenant appeler sapiens sapiens, pour le distinguer de sapiens neandertal. Comment se fit ce remplacement ? Qu’est-ce qui assura la suprématie du sapiens sapiens ? Notre siècle qui rêve beaucoup aux hommes des autres planètes commence à découvrir que cette planète-ci eut aussi ses autres hommes. Ce qui montre que l’homme est bien le dessein de la Création. Ce qui devrait nous faire comprendre que la création aussi appartient au sacré, et que monter de l’animal, c’est aussi sortir des doigts de Dieu.
Aimé MICHEL
(a) FcE. n° 1554, 24 sept 1976.
(b) FcE. n° 1537, 28 mai 1976.
(c) Les hommes fossiles de la Ferrassie, tome 1 (Masson, Paris 1976).
Chronique n° 260 parue dans France Catholique-Ecclesia – N° 1558 – 22 octobre 1976
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Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 18 mai 2015
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 18 mai 2015
- Il s’agit de la chronique n° 257, Le Dieu des savants – Les horreurs de la nature et la loi morale dans un univers animé par une pensée, mise en ligne le 25.02.2013.
- Cette théorie a été présentée dans la chronique n° 249, Saint hasard – La sélection naturelle et la théorie neutraliste de Motoo Kimura (23.03.2015). Cependant, comme on l’a vu en marge de cette chronique et de la suivante, n° 250, Les savants comme Job – Sur le rôle du hasard et la forme d’humour sous-jacente à la nature entière (30.03.2015), elle n’a nullement permis de remettre en cause la sélection naturelle.
- En effet, Aimé Michel a répété sans relâche qu’il ne fallait pas confondre le fait de l’évolution et les théories qui l’expliquent. Il a examiné la question sous divers angles notamment dans les chroniques n° 100, La bicyclette de Darwin – L’évolution s’observe, s’expérimente et se mesure (28.11.2011), n° 109, Le petit roi de l’univers – L’espèce humaine en évolution (27.02.2012), n° 125, Une recette pour ne pas penser – Le darwinisme est une machine à escamoter les problèmes (29.05.2012), n° 131, À propos d’un cousin éloigné – L’animal d’où monte l’homme était déjà un être au visage prédestiné tourné vers les étoiles (25.06.2012), n° 163, Des thériodontes et des hommes – Une critique du néodarwinisme par Pierre-Paul Grassé (25.03.2013). Il est vrai que cette confusion entre faits et théories est souvent entretenue par les savants eux-mêmes et les journalistes qui les interprètent, et à lire certains d’entre eux on peut avoir l’impression que Darwin et ses successeurs ont tout expliqué de l’évolution, sinon dans le détail au moins dans les lignes essentielles. Comment ne pas se montrer sceptique à l’égard d’une telle croyance qui survalorise les connaissances acquises et minimise le gouffre de nos ignorances ?
- Ce « soit » à la création indépendante des espèces est bien sûr une concession de pure forme, comme le confirme, si tant est que c’était nécessaire, la croyance assumée à l’ascendance animale de l’homme affirmée un peu plus loin. La pensée profondément évolutionniste d’Aimé Michel le conduit à combattre les certitudes mal fondées à la fois de théoriciens de l’évolution trop sûrs d’eux (voir note précédente) et de croyants tentés par une lecture littérale du récit de la Genèse (voir par exemple la chronique n° 353, Darwin contre la Bible : un combat d’arrière-garde – La Bible ne dit que deux choses sur l’origine du corps de l’homme, 09.02.2015). Ce conflit « entre science et foi » comme on dit, dont il existe bien d’autres exemples, repose en général sur des conceptions erronées de l’une et de l’autre, quand la science se prend pour une religion et la religion pour une science exacte. Aimé Michel s’en amusait avec une bonne humeur mêlée de gravité comme dans la chronique n° 319, Un petit caillou sur la berge : qui peut scruter au télescope le mystère divin ? – Une pensée scientifique libérée du concordisme, du dogmatisme et de l’athéisme (16.02.2015).
- Aimé Michel se réfère ici au livre de Philip V. Tobias, The brain in hominid evolution, Columbia University Press, New York, 1971, dont il a déjà parlé dans la chronique n° 99, Le futur antérieur – Sur la pluralité des mondes, l’Incarnation et un “homme du futur” tôt disparu (31.10.2011). Depuis lors de nombreux travaux sont venus préciser ces résultats. Durant les derniers 3,5 millions d’années un énorme accroissement de la taille du cerveau a eu lieu, de 450 cm3 chez les australopithèques à environ 1 350 cm3 chez les Homo sapiens modernes. Le travail le plus complet à ma connaissance est celui de Carmen de Miguel et Maciej Henneberg de l’université d’Adélaïde en Australie. Ces auteurs ont compilé 606 estimations du volume endocranial de 243 spécimens d’âge connu chez une douzaine d’espèces. Ces déterminations de date et de volume ne sont en général pas très précises comme le montre les dates et volumes différents attribués aux mêmes fossiles par des auteurs utilisant des méthodes différentes ou faisant simplement des mesures indépendantes. Ces variations dues aux mesures expérimentales s’ajoutent aux variations biologiques entre individus. Il n’est donc pas surprenant de constater que les points représentatifs des 2161 paires date-volume rassemblées par les deux chercheurs australiens soient assez dispersés. Il n’en reste pas moins que la tendance générale est claire : au cours du temps le volume crânien a augmenté régulièrement et de plus en plus vite selon une fonction exponentielle du temps. Cette augmentation de volume résulte de l’augmentation du nombre de neurones cérébraux d’environ 40 milliards chez les Australopithèques (30 milliards chez les chimpanzés) à 90 milliards chez les humains actuels. Ce plus grand nombre de neurones a permis l’affinement des capacités motrices et cognitives bien visible dans la qualité et la diversité croissante de l’outillage. J’ai présenté un résumé de ces travaux dans le contexte plus général de l’évolution biologique dans un article de l’Int. J. Astrobiol., vol. 12, pp. 186-207, 2013, intitulé « Tendances de l’évolution de la vie, des cerveaux et de l’intelligence ».
- Il s’agit de la chronique n° 258, Le pot au noir de l’ascendance humaine –mise en ligne la semaine dernière. Aimé Michel s’y interroge sur le statut de l’homme de Néandertal, « jusque-là présumé son ancêtre, encore vivant il y a 40 000 ans. » « Dernièrement, on avait convenu de classer cet “ancêtre” parmi les “sapiens”. Redoutable hypothèse, car, du coup, ce “sapiens”-là n’étant plus notre ancêtre, plusieurs espèces humaines auraient à un moment, ou plutôt pendant des dizaines de milliers d’années, cohabité sur notre planète ? Plusieurs espèces humaines ? Quels abîmes philosophiques, peut-être théologiques ! De plus, le “chaînon manquant” entre l’Homo sapiens et le pithécanthrope disparaissait ! » Effectivement l’homme de Néandertal n’est plus considéré comme l’ancêtre de l’homme moderne mais tous deux ont une origine commune (voir note 9). L’homme de Néandertal serait apparu en Europe vers 1 million d’années pour disparaître il y environ 35 000 ans pour des raisons dont on discute encore. Sa cohabitation avec l’homme moderne (de Cro-Magnon) n’aurait pas durer « des dizaines de milliers d’années » mais des milliers d’années seulement puisque H. sapiens est arrivé en Europe vers 40 000 à 50 000 ans. Aimé Michel a qualifié l’homme de Néandertal de « deuxième homme » (c’est le titre de cette chronique) par opposition à nous. Yves Coppens quant lui, adoptant un autre point de vue, emploie ce même qualificatif pour le pithécanthrope, c’est-à-dire H. erectus (Y. Coppens, Le présent du passé. L’actualité de l’histoire de l’homme, Odile Jacob, Paris, 2009, p. 84).
- La bestialité de la face et de l’apparence générale des hommes de Néandertal doit beaucoup aux reconstitutions de Marcellin Boule (1861-1942), auteur de la première monographie à leur sujet. Ce travail demeure une référence et ses qualités scientifiques ne font aucun doute. Il commit néanmoins quelques erreurs « Une mauvaise interprétation de caractéristiques des apophyses vertébrales du cou et de l’articulation du tibia l’amena à le représenter avec une silhouette voûtée, aux jambes fléchies. Une reconstitution approuvée par le savant et publiée dans L’Illustration figure un Néandertal très poilu, au visage simiesque et traînant une énorme massue de bande dessinée. » (J.-J. Hublin et B. Seytre, Quand d’autres hommes peuplaient la Terre. Nouveaux regards sur nos origines, Flammarion, Paris, 2008, p. 101). L’image du Néandertalien a beaucoup changé depuis les années 70, en partie à la suite de nouvelles découvertes mais aussi, il faut bien le dire, d’un nouvel état d’esprit rejetant colonialisme, racisme et sexisme. « Mais comme celles d’autrefois, reconnaît le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin les reconstitutions actuelles souffrent de nos présupposés. Même si elles sont anatomiquement plus précises qu’à l’époque de Boule, leur enveloppe de peau, de cheveux et de poils, leur regard et leurs vêtements représentent surtout l’image que nous voulons nous faire de ce proche cousin. Avec une netteté et une propreté sans bavure, les reconstitutions que l’on trouve aujourd’hui dans certains musées ignorent les cicatrices et les balafres, les mycoses et la crasse, sans parler, bien sûr, de l’odeur, car Néandertal vivait au milieu de ses déchets. »
- Effectivement, le volume du cerveau des hommes de Néandertal varie entre 1200 et 1700 cm3 pour une moyenne d’environ 1500 cm3, ce qui les dote du cerveau le plus gros qu’ait jamais possédé un hominidé. On peut estimer à 100 milliards le nombre de ses neurones. Il faut toutefois tenir compte de leur exceptionnelle corpulence révélée par l’étendue des insertions des muscles visibles sur leurs os épais. On a calculé que leur poids était supérieur de 30 % à celui de l’homme actuel. En conséquence leur coefficient d’encéphalisation, qui corrige la masse du cerveau par celle du corps, se révèle légèrement inférieur au nôtre.
- Voici le scénario admis actuellement tel que le présente le paléontologue Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences. Le genre Homo est né en Afrique il y a 3 millions d’années. Cette première espèce humaine Homo habilis quitta très tôt son berceau d’origine et se répandit en Europe et en Asie. Partout Homo habilis devint Homo erectus. « Mais ce peuplement, homogène à l’origine, s’est trouvé coupé en trois (au moins) pour des raisons d’isolement géographique, avec une population principale en Afrique et en Asie continentale et deux populations plus réduites, l’une en Europe et l’autre en Indonésie. A partir du même Homo erectus se sont ainsi développés Homo sapiens en Afrique et en Asie, Homo neandertalensis en Europe et Homo erectus de plus en plus dérivé à Java. ». (Y. Coppens, op. cit. p. 68 ; voir aussi Y. Coppens, Le présent du passé au carré. La fabrication de la préhistoire, Odile Jacob, Paris, 2010, p. 76). Ce sont donc (au moins) trois espèces humaines qui auraient cohabité sur la planète vers 50 000 ans. Mais s’agissait-il vraiment d’espèces totalement distinctes, c’est-à-dire incapables de se reproduire entre elles ? Non selon certains travaux récents dont on parlera une autre fois…
- Le site de Shanidar a été découvert en 1952 dans le Kurdistan irakien par Ralph Solecki, un jeune archéologue américain. Il s’agit d’une vaste caverne de 50 m de largeur et 45 m de profondeur occupée par des hommes durant les 100 000 dernières années jusqu’à nos jours. Dans les niveaux du sol les plus anciens, âgés de plus de 45 000 ans à 5,5 mètres de profondeur, Solecki et son équipe déterrèrent entre 1953 et 1960 neuf squelettes de Néandertaliens avec leurs outils. Selon leurs reconstitutions des chutes de roche dues à des tremblements de terre provoquèrent la mort de quatre d’entre eux tandis que les cinq autres semblaient avoir été enterrés intentionnellement. Solecki avait recueilli des échantillons de terre autour de ces squelettes. Arlette Leroi-Gourhan, spécialiste des pollens, découvrit dans l’échantillon prélevé à proximité immédiate du squelette n°4, celui d’un vieil homme daté de 60 000 ans, une quantité anormalement élevée de pollen de fleurs sauvages, bien plus, selon elle, que n’aurait pu en apporter le vent ou les animaux. Cette découverte qui contribua à humaniser l’homme de Néandertal, reste l’objet de discussions. Certes les sépultures néandertaliennes sont rares mais elles semblent confirmées par des fouilles récentes en Israël qui suggèrent l’existence d’une fosse creusée puis remplie. Toutefois Jean-Jacques Hublin ne cache pas son scepticisme sur le lit de fleurs. « Dans presque tous les cas, écrit-il, le corps n’est accompagné d’aucun dépôt particulier. Les quelques exemples d’“offrandes” semblent plus souvent le fruit de l’imagination des archéologues que de la réalité des comportements néandertaliens. » (J.-J. Hublin et B. Seytre, op. cit.)