Le voyage annoncé par le pape François en Terre sainte du 24 au 26 mai prochain revêt une importance symbolique déterminante, puisqu’il s’agit pour le successeur de Pierre de venir en pèlerinage là où tout s’est accompli et où les regards du monde entier se portent dès lors qu’il s’agit d’identifier la Promesse divine et le Salut apporté. Mais il y a une dimension supplémentaire à envisager, si l’on se réfère au cinquantenaire de la visite du pape Paul VI, qui se déroula du 4 au 6 janvier 1964. À ce moment, le concile Vatican II n’était pas encore achevé et l’initiative du Pape était significative d’une nouvelle étape de la mission de l’Église, correspondant à son insertion dans l’histoire contemporaine et à sa volonté d’agir pour tisser la trame de l’évangélisation.
On peut envisager essentiellement le dernier concile de l’Église catholique du point de vue de la doctrine et de son développement organique, mais ce dernier n’était pas sans lien avec une vision géostratégique spécifique dont aucun dessein pastoral n’est indemne. C’était vrai dès les origines, avec la volonté du collège apostolique de répandre la bonne nouvelle à travers tout l’espace méditerranéen, qui coïncidait avec l’espace de l’Empire romain. Plus tard, l’Église accompagnera toutes les étapes de la mondialisation. On peut évoquer à ce propos l’œuvre de la Compagnie de Jésus, qui vise immédiatement l’immense Asie, en s’adaptant remarquablement aux terrains et aux cultures locales. Mais lorsque dans les années soixante du vingtième siècle, l’autorité romaine convoque les représentants d’une institution qui a commencé réellement à devenir « une Église monde », le dessein pastoral détermine un mode inédit de l’exercice des charismes de Pierre et du collège apostolique.
La fin des États pontificaux a marqué une mutation décisive que le concile va consacrer et dont Paul VI va développer les conséquences avec une force étonnante. Pierre, foulant à nouveau le sol de la Terre sainte, c’est non seulement un pèlerinage aux sources mais encore le signe d’une mobilité qui traversera tous les espaces. Le Pape n’est plus le prisonnier du Vatican, il est le prophète mondial d’un message qui s’adresse à tous les peuples. Le dynamisme apostolique se déploie à travers tous les champs politiques, il est à l’origine des initiatives les plus audacieuses, comme celle de la rencontre mémorable avec le patriarche Athénagoras de Constantinople. C’est un autre développement du charisme pétrinien, celui qui inaugure la papauté moderne à laquelle Jean-Paul II conférera la plénitude de son ampleur. En se rendant en Terre sainte, François prolonge cette ligne, en préparant d’autres accomplissements.