Le dixième anniversaire de la mort de Jean-Paul II n’a pas provoqué de grandes commémorations. Il est vrai que sa béatification et sa canonisation rapides suffisaient à raviver sa présence. Son ombre immense continuera à se projeter dans l’histoire dont il fut un acteur majeur, de même que son enseignement continuera à féconder la pensée chrétienne. Il est vrai aussi que l’Église est amenée à connaître d’autres événements, à affronter d’autres obstacles, et que de nouveaux successeurs de Pierre devront poursuivre sa marche, avec leurs charismes propres. C’est le cas de François, déjà second successeur de Karol Wojtyla, dont la personnalité originale s’est déjà imposée et dont la volonté réformatrice devrait produire de salutaires effets, aussi bien dans la tête que dans les membres du corps ecclésial. Mais cela devrait s’accomplir dans le cours d’un développement organique, selon les lois de croissance définies par le bienheureux cardinal Newman. La nouveauté n’y contredit jamais la continuité, même s’il peut y avoir des crises parfois déchirantes.
C’est la nature de cette continuité qui n’est pas toujours bien perçue. Ainsi, on a voulu interpréter la renonciation de Benoît XVI comme une mutation fondamentale de l’institution. La plupart des analystes qui développaient ce type de thèses ne cachaient pas leur aversion profonde à l’égard d’une institution dont ils projetaient, en fait, la disparition. On a vu nombre d’« historiens-sociologues » s’ériger en réformateurs autorisés, tout à fait sûrs d’eux-mêmes pour décrire la déchéance de la papauté. Ce n’est pas quelque chose d’inédit dans la chronique des médias. Déjà à la mort de Paul VI, un de nos confrères qui avait longtemps impressionné l’opinion religieuse par son assurance, parlait du déclin inéluctable de Rome. Le pontificat du pape polonais s’est évidemment inscrit en faux contre une telle assertion et le pontificat actuel, loin de ratifier une prompte disparition, manifeste la permanence d’une centralité que le village mondial selon McLuhan ne cesse de confirmer.
On peut s’interroger d’ailleurs légitimement sur cette centralité médiatique. Tout ne se passe pas au Vatican et sur la place Saint-Pierre. La vitalité de l’Église est celle de la multitude de ses cellules dans le cadre des communautés particulières. « Qu’on l’envisage comme un corps ou comme un peuple, corps du Christ ou peuple de Dieu, l’Église se présente d’abord comme une totalité. Elle est, si l’on peut dire, la conscience totale ou, mieux encore, l’être total des croyants. » (cardinal de Lubac, Les Églises particulières dans l’Église universelle, Aubier-Montaigne, 1971). La papauté n’a de sens qu’à servir le corps entier d’une Église qui respire universellement. De même, le ministère épiscopal assume la croissance du corps dans toutes les parties du monde, en communion collégiale. Le retour à la thématique de la collégialité auquel on assiste aujourd’hui devrait imposer une réflexion générale sur la structure fondamentale d’une réalité originale qui assemble une extraordinaire diversité dans une communion de charité.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II dans une histoire commune
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux