Historique juif et jeunes prêtres - France Catholique
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La justice de Dieu
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Historique juif et jeunes prêtres

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« Ayant libéré les fils et filles de Jacob de l’amer joug de Pharaon, Il leur fit passer les flots de la Mer Rouge à pied sec.» Ces lignes sont tirées de l’ancien cantique « Viens, ô toi fidèle, relève ta descendance » par Jean Damascène (675 – 749). Ce cantique fut chanté à la messe dimanche dernier, veille du deuxième anniversaire de mon entrée au sein de l’Église.

Les liens avec la tradition juive sont évidents dans l’ordonnancement de la messe pour celui qui veut bien y prêter attention. Jésus se réfère constamment aux textes hébraïques, précurseurs de son action, comme il cite clairement l’histoire (Rois 1, 19-20) d’Élie disant au jeune Élisée prêt à le suivre de ne pas rester à l’enterrement de son père (« laisse les morts enterrer leurs morts », Matthieu 8:22).

Ou bien Jésus explicitera les liens avec l’Écriture en déclarant « il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.» (Luc 24:44). Ainsi, comme je l’ai fait remarquer à des amis, j’en suis venu à me sentir encore plus Juif depuis que je suis entré dans le giron de l’Église.

Cet aspect des choses a encore reçu un éclairage quand mon ami Martin Feldman, célèbre Juge fédéral, et lui aussi converti, m’envoya le livre fascinant du Professeur Brant Pitre « Jésus et les racines juives de l’Eucharistie ». Les Chrétiens admettent aisément, ce qui n’est guère évident pour les Juifs, que la Cène était le dîner de la Pâque.

Selon la tradition Juive l’agneau sacrificiel devait être immaculé, et, après l’avoir béni et cuit, on devait le manger. Naturellement, Jésus était le nouvel agneau sacrificiel, et ceci explique son insistance à répéter qu’il fallait manger son corps en participation à l’Eucharistie.

Dans la pratique Juive, l’agneau était embroché, la tige de bois passant « de sa bouche à son arrière-train ». Comme le remarquait un érudit Juif, « l’agneau pascal était sacrifié d’une façon ressemblant à la crucifixion ». De même, selon le rituel Juif, la bénédiction du pain et du vin devait marquer la Présence réelle de Dieu.

Jésus avait cité le précédent de l’envoi de la manne céleste; Lui aussi donnerait désormais à manger le pain. Mais comme remarque Brant Pitre, c’était « le pain surnaturel d’une nouvelle exode » : « la manne de Moïse serait transcendée en manne du Messie ». C’est le « pain » que nous mangeons dans l’Eucharistie, pain porteur de la Présence réelle.

Revenons aux lendemains de Pâques, les 9 et 10 avril de cette année, je prononçai trois conférences devant des jeunes prêtres en retraite à la maison « Longlea », dans la Virginie profonde. La retraite était organisée par le Père Arne Panula, celui qui m’avait fait entrer dans l’Église. Les prêtres étaient âgés entre vingt et quelques années et la quarantaine, sauf un ou deux plus anciens, dont l’adorable, plein de sainteté — et d’humour — Père Ron Gillis, actuellement pasteur des brebis de Reston (Virginie).

Ils venaient de passer un week-end harassant, chargé de célébrations de messes. Pourquoi donc se priver de mettre les doigts de pieds en éventail avec une bonne sieste? Et pourquoi voudraient-ils suivre ce tissu d’arguments en philosophie, en droit, et autres matières rébarbatives? Et pourtant, ces jeunes hommes disaient trouver un élan à élever le moral dans la présence de prêtres confrères partageant leurs soucis — et le sens de leur mission.

Ils ont aussi éprouvé un certain plaisir à écouter des exposés préparés par d’autres qu’eux-mêmes. C’était un auditoire à choyer — bon public attentif, prêt à rire. Parfois dans mes exposés je déroule une longue phrase alambiquée de Henry James, qu’on ne peut saisir avant d’en entendre le dernier mot. Et il faut répéter ce dernier mot que les auditeurs ne saisissent pas car c’est un mot inattendu. Eh bien, pour la première fois de ma vie de conférencier, cet auditoire a entendu tout de suite ce dernier mot. Comment celà se fit-il? Le Père Arne suggère une explication: ces jeunes prêtres avaient l’habitude d’écouter attentivement les confessions pour saisir le fond de l’histoire de pénitents ayant envie de s’esquiver.

J’ai été fasciné en tentant de connaître l’histoire de ces jeunes hommes et ce qui les avait amenés à leur vocation. Deux d’entres eux étaient les fils d’hommes que je connaissais, l’un un enseignant de grande qualité, et l’autre une figure légendaire du mouvement pro-vie. Mais certains d’entre eux étaient issus de familles ayant connu des séparations douloureuses. De ce que j’ai pu saisir sur leurs réactions à ces ruptures, ces jeunes ont réussi à les surmonter avec une sagesse d’une grande maturité pour leur âge, cherchant à se forger clairement une opinion tout en gardant pour leurs parents un amour consolateur. Je devais les quitter, partant pour des réunions à Amherst et à Princeton, et quitter la compagnie de ces jeunes prêtres était un déchirement.

Mais avant mon départ, le Père Arne a rassemblé tout le monde pour les photos-souvenir. Regardant l’une de ces photos l’autre jour j’ai été frappé par l’espérance émanant de cette image. Les visages de ces hommes étaient rayonnants de la certitude qui les habitait: tout irait bien — l’Église, par cette génération montante, vibrera, virile et joyeuse.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-jewish-past-and-the-young-priests.html


Commentaire de l’éditeur : l’article de ce jour, et la photo, sont assez parlants. Une bonne partie de notre travail au sein de « The Catholic Thing » est animée par des écrivains convertis. Cette semaine nous célébrons deux anniversaires de conversion: Hadley Arkes, deux ans, et Francis Beckwith, cinq ans (le 26 avril), ce dernier converti ou de retour, comme vous voudrez. J’ignore quel parcours est le plus long, du Judaïsme ou de l’Évangélisme. Mais je suis très heureux que ces deux hommes, ainsi que plusieurs autres de nos collaborateurs, aient effectué le trajet. Vous aussi, n’est-ce pas?

Robert Royal

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