Guerre psychologique - France Catholique
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Marie, secours des chrétiens
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Guerre psychologique

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La guerre psychologique est une constante de la communication contemporaine. Il ne s’agit pas seulement de transmettre de l’information ou des opinions argumentées pour défendre une position politique et sociétale. Il faut toucher les sensibilités au plus vif pour ébranler moralement un public, acquérir sa sympathie, son empathie, sa complicité. Il y aurait toute une étude à faire sur le combat féroce qui oppose en ce moment majorité et opposition à propos de l’honnêteté ou de la corruption des responsables politiques. Les coups portés par les uns et par les autres ont avant tout un impact psychologique. C’est à qui déconsidérera le camp d’en face avec le plus d’efficacité. Et sur ce terrain, l’efficacité se mesure au volume d’indignation que l’on est capable de susciter ou de mobiliser.

Ce n’est pas rien que l’indignation ! Le regretté Stéphane Hessel avait obtenu un record absolu d’édition en publiant une brochure intitulée Indignez-vous ! Il s’agissait de jouer sur un des ressorts les plus profonds de la sensibilité humaine, de ce que les Grecs appelaient le thumos. Le philosophe Jean-François Mattéi a publié sur le sujet un essai fort instructif1 qui permet de cerner en quoi le mouvement de l’âme qui naît de la colère, de l’injustice, se rapporte à notre jugement du bien et du mal. Nous ne concevons pas seulement les critères moraux conceptuellement, nous les éprouvons, comme l’avait bien vu Max Scheler, avec notre sensibilité la plus vive.

C’est dire combien le recours aux sentiments suscités par l’indignation constitue une arme d’une redoutable efficacité. Il peut être d’ailleurs perverti lorsqu’il fabrique du ressentiment, dont Jean-François Mattéi dit qu’il est « l’entaille de la vengeance », car il est souvent l’instrument d’une manipulation idéologique. Et nous retrouvons ici le registre de René Girard : l’utilisation des victimes, qui, au-delà de la compassion, peut susciter un désir de vengeance. Ou pire encore une recherche du coupable qui n’est nullement innocente, dès lors qu’il faut désigner des responsables de la façon la plus arbitraire, la plus injuste, si ce n’est la plus tordue. Faire circuler le visage cruellement ensanglanté d’un homosexuel suscite forcément l’indignation, mais lorsque l’on fait porter la responsabilité de l’agression sur la Manif pour tous, on passe du côté du ressentiment et de la vengeance, en tout arbitraire, en désignant un bouc émissaire. Mais nous y reviendrons.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 10 avril 2013.

  1. Jean-François Mattéi, L’homme indigné, Cerf.