A l’approche de la seconde révision de la loi bioéthique, on attendait les conclusions du CCNE sur l’embryon humain. Or, les journalistes qui ont assisté à la présentation du 1er décembre dernier sont restés stupéfaits : l’avis est si alambiqué que les sages ont toutes les peines du monde à le présenter ; ils paraissent si déboussolés qu’on pourrait croire au sabordage de leur institution.
Voilà le CCNE préoccupé de discuter pour ne pas conclure. Il entend simplement « faire avancer la réflexion ». Selon le mot d’Alain Cordier (ancien président du groupe d’édition chrétien Bayard), cette bioéthique recherche même « l’inquiétude ». Sur un air de ne pas y toucher, cette posture est fidèle à l’essence d’une bioéthique conçue comme un débat en perpétuelle révolution, résolument méfiante vis-à-vis des principes intangibles, mais qui se laisse dériver au gré des courants ou des rapports de force. Car le dernier avis du Comité d’éthique se raccroche désespérément à des concepts indéfendables.
– D’abord, la notion de « projet parental », c’est-à-dire l’avis des parents de l’embryon érigé en norme absolue. Comme si, a contrario, les êtres humains qui ont été conçus par surprise, voire accueillis de mauvaise grâce – et il y en a – n’étaient pas vraiment humains.
– Ensuite, la notion de « consentement éclairé » des donneurs en matière de dons d’organe, auxquels les dons d’embryon pour la recherche sont, une fois de plus, assimilés abusivement. Comme si les enfants étaient des organes dont les parents se partageraient la propriété. Certes, on voit mal l’embryon acquiescer à cette recherche qui le détruit, et c’est justement ce qui devrait interdire qu’on les assimile à des produits du corps humain manipulables.
Mais que peuvent déduire les sages de ces concepts fumeux ?
Il faut revenir au débat législatif pour y voir clair. Actuellement, la recherche qui détruit l’embryon est officiellement proscrite. Mais c’est un faux principe, car cette même recherche est bel et bien autorisée par dérogation, depuis la loi de 2004. Une dérogation accordée par l’Agence de biomédecine, et qui concerne uniquement les embryons surnuméraires congelés ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Ils seraient près de 40 000 en France. Condition : que la finalité de cette recherche soit « thérapeutique ».
Quelques chercheurs très médiatisés font aujourd’hui feu de tout bois pour obtenir un régime d’autorisation explicite de recherche sur ces embryons surnuméraires ainsi que la possibilité de créer des embryons uniquement pour la recherche, afin d’améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP). Au détour de l’avis n°112, il semble que le CCNE plaide effectivement pour leur livrer davantage d’embryons, selon deux modalités juridiques :
– celle de l’autorisation explicite assortie d’un encadrement pour la recherche sur les embryons surnuméraires dépourvus de projet parental ;
– celle de l’interdiction assortie d’exceptions pour la création d’embryons destinés à moderniser la procréation artificielle.
Autrement dit, cédant à la caste des chercheurs scientifiques qui le composent essentiellement, le CCNE envisage deux aggravations du dispositif actuel. Le tout est noyé dans un fatras argumentaire que la Fondation Jérôme Lejeune a pu qualifier justement de « galimatias amphigourique ».
Nous avions déjà noté que, dès qu’il s’agit de respecter la vie humaine commençante, la bioéthique à la française relève de l’art de compliquer les choses simples. Dans son dernier avis, on découvre le CCNE se débattre au milieu du gué, jusqu’à sa faillite intellectuelle. Lorsque le Comité d’éthique commente abondamment ses dix anciens avis sur le même sujet, on croirait voir Dupont et Dupond ébahis ramasser en plein désert leur jerrycan d’essence, alors qu’ils roulent sur leurs propres traces (Tintin au pays de l’or noir) ! Repasser dans ses pas (et ses errances), c’est le symptôme de celui qui a perdu la boussole.
En réalité, une seule raison suffit pour reconnaître que le respect de la vie commençante est un principe immuable. Ce que dit de lui la science : l’embryon est l’un des nôtres.
Faut-il se consoler que onze membres de l’instance (sur quarante) aient publié de solides réserves ? Seule Marie-Thérèse Hermange (sénateur UMP de Paris) a voté contre.