Frontières - France Catholique
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Frontières

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Rien de ce que publie mon ami Régis Debray ne m’indiffère. C’est toujours un plaisir qu’un véritable écrivain s’empare d’un sujet de fond en honorant le genre si français de l’essai, il montre que l’exercice de la pensée est aussi un exercice de style, étant entendu qu’il n’y a pas de philosophie sérieuse qui se passe de l’exactitude des mots et du génie de la langue. J’ajoute pour cette fois que son dernier livre me touche d’abord par son titre : Éloge des frontières. Il se trouve que je suis né sur une frontière, la frontière franco-belge, au bas de la pointe de Givet. Ceci précisé à l’intention de ceux qui aiment la carte et le territoire, pour parler houellebecquien. En tant donc que frontalier, j’ai toujours été étonné par la défiance entretenue à l’égard de cette ligne un peu mystérieuse qui trouve son explication adéquate dans les liens étroits de la géographie et de l’histoire.

Il est vrai que ma frontière à moi n’était pas précisément belliqueuse, même si j’ai le souvenir qu’on pouvait être fouillé à la douane, pour suspicion de produits passés en fraude. Mais pour qualifier nos voisins, nous ne parlions que de nos amis belges, et ce n’était pas pour la frime. Nous les aimions réellement. Le fait qu’il y ait une sorte d’au-delà de notre territoire était propice à certaines idées d’évasion. La plus drôle dont j’ai entendu parler revenait à un enfant du catéchisme, qui, interrogé sur les suites du péché originel, affirmait qu’après l’avoir commis, Adam et Eve, étaient passés en Belgique ! Trêve de plaisanteries. La mode, dit Régis Debray, est de vouloir supprimer les frontières. Et si c’était une erreur ? Lorsque dans certaines régions du monde il n’y a pas de frontières sûres et reconnues, on dresse des murs. Et c’est infiniment pire que la frontière que j’ai connue !

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 15 novembre 2010