DES SIGNES DANS LE CIEL - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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DES SIGNES DANS LE CIEL

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Le passage d’une comète dans notre monde plonge notre esprit dans l’abîme interstellaire. De nombreux lecteurs me demandent, à cette occasion, de parler plus souvent d’astronomie et des questions spatiales. J’avoue ne plus traiter ces questions qu’avec circonspection. Il semble en effet que nos esprits ne soient pas encore prêts à regarder avec sang-froid l’immensité cosmique. Cette vision pousse, il est vrai, le plus grand nombre à la méditation, mais en trouble d’autres qui, ne trouvant pas dans mes petits articles ce qu’ils voudraient y voir, croient que je déforme la vérité. L’actualité de l’événement me pousse à y revenir.

– Que savons-nous de la pluralité des mondes habités par des êtres corporels et intelligents ? Rien, et vous l’avez bien dit : nous n’avons pas le moyen d’aller visiter les autres systèmes solaires, m’écrivait voici quelques semaines une lectrice de Clermont-Ferrand. Alors, ce que je souhaiterais, c’est que vous mettiez à égalité ceux à qui des mondes nombreux paraissent de convenance (c’est-à-dire vous-même, mais il n’y a pas à parier « sa tête à couper », comme vous disiez dans un précédent article 1) et ceux qui se délectent dans l’idée de l’humanité seule pensante parmi les mondes étoilés. Il n’y a pas un atome de raison de plus dans un sens que dans l’autre, et il me semble que vous avez un peu privilégié votre sentiment personnel en ne disant pas assez que c’était votre sentiment.

Un abîme infranchissable

Chère Madame, je comprends que cette tête sur le billot vous ait agacée : la science n’a pas à faire de pari, et ce billot n’est pas un argument. Ce que j’avais voulu dire, c’est que, compte tenu de ce que l’on sait actuellement, si l’on me mettait en demeure de choisir entre la vie universelle et la vie uniquement terrestre, sous peine, si je me trompe, d’avoir la tête tranchée, je n’hésiterais pas une seconde. Compte tenu, encore une fois, de ce que l’on sait, ce choix ne m’angoisserait guère, car, contrairement à ce que vous dites, toutes les raisons sont d’un seul côté2.

En disant cela, je me borne à répéter avec une extrême docilité ce que disent les astronomes. Certes, les astronomes peuvent se tromper. Mais, s’agissant d’astronomie, à qui faire confiance, sinon à eux ? Il faudrait, pour que la Terre se révélât finalement le seul astre vivant de l’univers, que l’astrophysique tout entière soit fausse, que l’on se soit trompé en prenant le Soleil pour une étoile ordinaire, en établissant les classements d’étoiles, en calculant leur vitesse de rotation et la variation de cette vitesse avec l’âge, en observant par l’astrométrie leurs oscillations périodiques sur le fond du ciel (preuve qu’elles sont des planètes)3, en analysant les atmosphères des autres planètes du système solaire (analyse qui conduit à prévoir une atmosphère terrestre là précisément où se trouve la Terre), etc. Quand les astronomes nous disent tout cela, dont la conséquence est qu’il existe d’innombrables terres semblables à la nôtre, je ne trouve rien à mettre en face, « à égalité ». Si j’apprends un jour qu’un astronome propose une interprétation inverse qui devrait réfuter toute l’astrophysique, je ne manquerai pas de le signaler à nos lecteurs. Pour l’instant, je n’en connais point.

On l’a bien vu encore au XXIIIe Congrès international d’astronautique qui s’est tenu dernièrement à Vienne, en Autriche. La séance de clôture fut consacrée aux moyens susceptibles de nous mettre en relation avec les autres « humanités » de l’espace. Pour l’instant, l’entreprise semble désespérée, mais on sait qu’Auguste Comte affirmait l’impossibilité définitive de connaître la composition chimique des étoiles quelques années à peine avant la mise au point de l’analyse spectrale. Aussi les astronomes estiment-ils qu’il est prudent de déblayer le terrain en attendant la découverte d’un moyen de communication point trop dispendieux.

Dans ce but, ils ont d’abord établi le catalogue des plus proches étoiles semblables au Soleil (a) : outre Epsilon Eridani et Tau Ceti, connues de tout le monde depuis le fameux projet Ozma4, il y a : 70 Ophiuchi A, Eta Cassiopeae A, Sigma Draconis, 36 Ophiuchi A, HR 7703 A, Delta Pavonis, 82 Eridani, Beta Hydri, HR 8832, toutes dans un rayon d’une vingtaine d’années-lumière, c’est-à-dire qu’elles sont nos voisines. Parmi ces noms abstraits, quelques-uns peut-être auront une importance historique dans la vie de nos descendants. Vingt années-lumière, c’est pour la physique actuelle un abîme infranchissable.

Au Congrès de Vienne, B. M. Oliver a quand même proposé un moyen de tourner la difficulté : certes, a-t-il dit, nous ne voyons aucun moyen d’y aller. Mais nous pouvons construire des dispositifs capables de déceler l’activité radio de civilisations semblables à la nôtre. B. M. Oliver semble avoir étudié son projet en profondeur : il est parfaitement réalisable. Malheureusement, il coûterait deux fois plus cher que le projet Apollo pour une écoute totale d’un peu plus d’un quart d’heure seulement par étoile5. Et il y a des objections fort décourageantes : si, avec Sebastian von Hoerner (b), on évalue à un milliard le nombre de civilisations probables dans notre galaxie, soit une par deux cents étoiles environ, combien faudrait-il écouter d’étoiles pour avoir une chance raisonnable de tomber sur une civilisation de même niveau technologique que la nôtre ?

Ni le siècle de Périclès, ni celui de Newton, ni celui de Pasteur n’émettaient d’ondes radio. Celui d’Einstein le fait. Mais combien de temps utilisera-t-on encore ce moyen ? Croire que l’on émettra encore dans vingt siècles, c’est faire comme les Anciens qui, ne voyant pas comment les dieux pouvaient s’y prendre pour mouvoir le Soleil, y avaient attelé les chevaux d’Apollon. Pour un Grec du temps d’Homère, il n’y avait évidemment aucun moyen de mouvoir une masse autre que l’attelage. Il est aussi impossible à nos physiciens qu’à Homère d’imaginer ce qui n’existe pas encore. Nous savons (c’est la loi de Cayeux-Meyer reprise récemment dans le rapport du MIT sur la pollution) que les processus technologiques évoluent de plus en plus vite.

« Mais où donc sont-ils ? »

On doit donc prévoir que les ondes radio ont toutes les chances de se périmer aussi vite que le télégraphe optique ou le char à bancs.

Il est vrai que le contact avec des êtres plus évolués que nous nous livrerait peut-être la clé de nos problèmes. C’est ce que voulait dire Enrico Fermi, quand, en 19436, alors que la première bombe atomique (conçue par lui) était en construction à Alamogordo, il demandait avec angoisse : « Where are they ? Où sont-ils ? » (c).

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que cette façon de penser est contraire à ce qu’il y a de plus profond en nous : religieux ou non, responsables devant Dieu ou devant notre seule conscience, nous perdrions tout goût de vivre si nous cessions un jour d’être le seul guide et moteur de notre destinée. Je crois (ce n’est qu’une opinion personnelle, ce n’est pas de la science !) que la raison pour laquelle les étoiles sont inaccessibles à l’homme tel qu’il est maintenant, à l’homme d’avant la Parousie, est celle-là même pour laquelle le Créateur des étoiles se veut un Dieu caché : il faut, pour accomplir notre destinée, que nous assumions nous-mêmes nos choix. Ces choix nous permettront de déceler « les signes dans le ciel » qui annonceront la Parousie où le Dieu caché, comme tout ce qui est inaccessible dans son univers, sera révélé7.

Aimé MICHEL

(a) Stephen H. Dale : Habitable planets for man (New York, 1964).

(b) Astronome américain, observatoire radio astronomique de Green Bank dans la Virginie occidentale. Von Hoerner a notamment exposé ses vues dans Science, vol. 131 et 134.

(c) Rapporté par l’astronome Carl Sagan (Intelligent life in the Universe, Holden Day, San Francisco, 1966, p. 448).

(*) Chronique n° 165 – F.C. – N° 1409 – 14 décembre 1973 reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe, Aldane, 2007, www.aldane.com, chap. 17 « Les promesses de l’espace », pp. 453-456.


Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 26 novembre 2012

  1. Dans la chronique n° 103, Avant l’homme et au-delà (Un univers infiniment peuplé de créatures intelligentes), parue ici le 12.02.2012, Aimé Michel écrivait : « Quant à moi, la tête sur le billot, je choisirais sans hésiter l’univers infiniment peuplé de créatures intelligentes… ». Il a été l’un des tout premiers à exprimer avec force cette opinion et à populariser ce qui ne s’appelait pas encore le paradoxe de Fermi. Il le fit dans de multiples articles à une époque où, en dehors de quelques spécialistes, le sujet était encore dans les limbes, sinon tenu pour ridicule par les beaux esprits. Pourtant, loin d’être arbitraire, son opinion était, comme il le résume ici, la conséquence logique de faits scientifiques bien établis. On a fait beaucoup de progrès depuis mais la preuve de l’universalité de la vie n’a toujours pas été obtenue à ce jour. C’est un des enjeux majeurs de l’exploration en cours de la planète Mars : la découverte d’une vie, même uniquement fossile sur cette planète, d’une vie apparue indépendamment de la vie terrestre s’entend, serait proprement bouleversante, à la fois scientifiquement et philosophiquement.
  2. Aimé Michel exprime ici le point de vue majoritaire chez les astronomes. Les biologistes se montrent quant à eux plus prudents voire pessimistes, même si des voix discordantes se font entendre. C’est ce que je montre dans un court article du hors-série n° 19 de la revue Ciel & Espace intitulé « Extraterrestres : où sont-ils ? », paru au mois de juillet dernier sous la direction de Jacques-Olivier Baruch. Ce hors-série fait un point très complet sur cette question avec les contributions de chercheurs de différentes disciplines. De courts encarts donnent des réponses succinctes à la question posée d’une quinzaine d’intervenants. La diversité de nos réponses et opinions sur cette question cruciale n’a rien de surprenant et reflète d’abord l’étendue de notre ignorance.
  3. Les observations de l’époque n’ont pas été confirmées. Cependant, les techniques plus sensibles disponibles actuellement ont démontré l’existence de planètes extrasolaires. Le catalogue des planètes découvertes s’allonge de mois en mois, voir la chronique n° 8, Combien y a-t-il de terres dans l’espace ?, mise en ligne le 06.07.2009 et la dernière note de la chronique n° 443, La jungle intérieure, p. 743 in La clarté au cœur du labyrinthe, op. cit., et le hors-série cité ci-dessus. Les découvertes qui se succèdent font de temps à autre la une des journaux quand une de ces planètes s’approche des caractéristiques de la Terre, planète rocheuse située dans la « zone habitable » de son étoile, c’est-à-dire là où l’eau est présente de manière permanente sous forme liquide. Si nulle planète jumelle de la Terre n’a encore été découverte c’est que les petites planètes de ce genre sont très difficiles à détecter avec les techniques actuelles. Les découvertes les plus importantes restent donc à venir.
  4. Le projet Ozma a été lancé en 1959 par Frank Drake, alors jeune astronome de vingt-neuf ans. C’était aux débuts de la radioastronomie. Le plus récent et le plus grand des radiotélescopes de l’époque venait d’être construit à Green Bank au milieu des collines boisées de la Virginie occidentale. Drake s’était rendu compte que la sensibilité de cet instrument était suffisante pour détecter, jusqu’à une distance de 12 années-lumière, les émissions d’un instrument similaire muni d’un émetteur radio d’une puissance du même ordre que celle disponible à l’époque. Il conçut ainsi le projet de détecter la présence d’une vie intelligente extraterrestre dans cette vaste sphère.

    « Maintenant que j’avais un projet, raconte Drake, je voulus lui donner un nom. Je l’appelai Ozma, d’après la princesse du livre pour enfant de L. Frank Baum, Ozma d’Oz. Ce livre faisait partie d’une série qui débutait par Le merveilleux sorcier d’Oz, que j’avais adoré étant enfant. Comme Baum, j’avais rêvé moi aussi d’une terre lointaine, peuplé d’êtres étranges et exotiques. » (Frank Drake et Dava Sobel, Is anyone out there? The scientific search for extraterrestrial intelligence? Delta, New York, 1994).

    Pour la première fois, la recherche d’une vie intelligente extraterrestre devenait faisable et donc légitime. Frank Drake y risqua sa réputation et son avenir professionnel. Même si le projet Ozma fut un échec en ce sens qu’aucun signal intelligent ne fut détecté, il encouragea l’activité de tous ceux qui partageaient cet intérêt mais qui avait craint de se lancer dans l’entreprise ou avait manqué des moyens nécessaires pour le faire.

  5. Il s’agit de l’ambitieux « Projet Cyclope » conçu par Bernard Oliver (1916-1995), qui dirigea longtemps la Recherche & Développement de la compagnie Hewlett-Packard. Il préconisait la construction d’un ensemble de 1000 paraboles, de 100 m de diamètre chacune, en vue de détecter les « fuites » radio émises par des civilisations extraterrestres. Trop coûteux il ne vit jamais le jour. En 1979, la NASA proposa un projet plus réaliste. L’écoute commença en octobre 1992 pour le 500ème anniversaire du débarquement de Christophe Colomb, mais fut interrompu moins d’un an plus tard lorsque le Congrès décida de lui couper les crédits. Aujourd’hui la recherche se poursuit à une échelle plus modeste sous la houlette d’institutions privées, le SETI Institute (Institut de Recherche d’Intelligences Extraterrestres) et la Planetary Society. Suite à la critique des hypothèses retenues pour concevoir les projets précédents, la recherche a été étendue à d’éventuels signaux lasers optiques. Aucun signal « intelligent » n’a été confirmé à ce jour.
  6. Le texte imprimé dans F.C. indique fautivement « 1934 ». La date (1943) est donnée par Shklovski et Sagan dans une citation en tête d’un chapitre de leur livre (voir réf. c d’Aimé Michel). L’enquête menée par le physicien Eric Jones (Physics Today, août 1985, pp. 11-13) a établi qu’en réalité Fermi a posé sa célèbre question en 1950. Un jour cet été là, en allant déjeuner, Enrico Fermi, Edward Teller, Herbert York et Emil Konopinsky discutaient du récent afflux d’observations de soucoupes volantes. Ils se demandèrent si les soucoupes volantes pouvaient dépasser la vitesse de la lumière et quelle était la probabilité d’obtenir des preuves de voyage supralumineux d’ici 1960 ; Teller l’estima à une sur un million et Fermi à une sur dix. Durant le repas, la discussion porta sur des sujets plus banals. Tout à coup Fermi s’exclama : « Où est tout ce monde ? » (Where is everybody ?). Les trois autres convives comprirent tout de suite qu’il parlait des visiteurs extraterrestres. Fermi fit de rapides calculs et conclut que nous devions avoir été visités il y a longtemps et à plusieurs reprises.

    (Il est intéressant de relever que Fermi et Teller n’excluaient nullement que la vitesse de la lumière puisse être dépassée par un corps matériel. Eminents physiciens s’il en fut, ils n’ignoraient rien des formidables difficultés théoriques et pratiques que cela suppose. Ils envisageaient donc froidement une véritable révolution en physique fondamentale qui semble avoir déserté les esprits contemporains).

  7. Cette réponse fait écho à la parole d’Isaïe, « En vérité tu es un Dieu caché » (chapitre 45, verset 15). Elle est bien dans le prolongement des diverses lignes de force, scientifiques, philosophiques, spirituelles, qui traversent les présentes chroniques et se rassemblent en leur point de fuite. Aimé Michel fait une autre allusion à cette hypothèse qui mêle « étrangement » (c’est lui-même qui le remarque) physique et eschatologie dans une autre chronique (n° 24 ,La quarantaine des dieux, parue ici le 03.05.2010), dont le titre est repris d’une thèse forgée par l’écrivain et théologien britannique C.S. Lewis : « si les étoiles n’étaient pas si fabuleusement distantes les unes des autres, dit-il, l’homme pourrait y propager librement sa violence. C. S. Lewis, qui est un homme religieux, pense que dans le plan divin les distances interstellaires ne sont franchissables que par l’homme futur, celui purgé de toute violence, d’après la parousie. » Selon cette vue, le gouffre entre les étoiles offre une double protection : d’une part elle protège l’humanité du découragement, qui est le vrai péril venu des étoiles (présente chronique), et d’autre part elle protège les étoiles de la violence humaine (chronique précédente).