À Vatican II, l’Église catholique a marqué une orientation décisive en faveur de l’œcuménisme. Sur le moment, une opposition dite « traditionaliste » s’est déclarée fermement opposée à ce qu’elle considérait comme une rupture, notamment par rapport à la doctrine et à la pratique du Magistère au XIXe siècle. Les objections présentées n’étaient pas à dédaigner, dès lors qu’elles permettaient un discernement nécessaire. L’Église catholique se reniait-elle en offrant aux autres confessions chrétiennes la possibilité d’un dialogue en vérité, ou était-ce, au contraire, l’occasion d’un approfondissement doctrinal, qui ne se concevait que dans le cadre de la Tradition la plus profonde et selon des règles impérieuses du développement du dogme ? D’évidence, il ne s’agissait pas de choisir une sorte de voie moyenne qui accorderait tout le monde, au prix de concessions de fond. Bien au contraire, il fallait se mettre en quête des exigences de la Révélation, en se fondant sur le dynamisme des retrouvailles d’une Église indivise que chacun devait ardemment souhaiter, par fidélité au vœu le plus formel du Christ : « Que tous soient un, comme Toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en Toi, afin que tous soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jean 17,21).
Qu’on le veuille ou pas, l’exigence œcuménique a été atteinte par la décision du synode de l’Église protestante unie de France de donner la possibilité aux pasteurs de bénir des unions homosexuelles. Certes, on savait depuis longtemps le protestantisme en proie à des divisions intestines à propos de l’homosexualité, renforcées par les réformes sociétales et tout un mouvement d’opinion publique. Mais une telle décision n’est pas sans conséquence grave, car elle met en évidence un désaccord fondamental, aussi bien anthropologique que théologique. Désaccord qui préexistait d’une certaine façon, à cause de la différence d’appréciation du mariage lui-même, non reconnu comme sacrement par la Réforme. Non seulement, sur le sujet, le dialogue n’a pas progressé, mais il a régressé et cela ne peut être sans conséquences œcuméniques sérieuses. Nous ne nous rapprochons pas, nous nous éloignons !
Ce n’est pas être injuste que de remarquer que l’Église protestante unie de France entend se mettre au diapason de la culture contemporaine et d’une certaine pensée dominante, en s’alignant sur les mœurs actuelles. Il est extrêmement difficile aujourd’hui d’affirmer sa différence, voire même sa liberté de jugement, tandis que les pressions se font de plus en plus fortes et que la loi civile revendique l’autorité de la loi morale. On exige même des journalistes qu’ils s’alignent sur une déontologie de type communautariste, négatrice de toute autonomie professionnelle. C’est dire la gravité d’une décision qui rompt la solidarité œcuménique, à l’heure où la liberté religieuse elle-même se trouve menacée.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.