Dans un monde souvent incertain, dont les orientations politiques oscillent en fonction de facteurs et de paramètres divers, le christianisme ne peut qu’être fidèle à sa mission de Salut, qui interroge l’humanité sur ses fins et son destin singulier. De ce point de vue, le pèlerinage du pape François en Terre sainte aura permis un recentrage spirituel saisissant. Le Saint-Siège avait tenu par avance à préciser qu’il s’agissait bien d’un pèlerinage et non d’un voyage à visée diplomatique et politique. Et de fait, le pape pèlerin a été, d’un bout à l’autre, investi dans la réflexion inspirée par la prière. Mais la dimension spirituelle ne peut pas ne pas retentir dans la vie concrète et les difficultés qui angoissent les peuples et les déséquilibrent. Un geste comme celui qui a eu lieu au mur de séparation entre Israël et les Territoires palestiniens n’était pas de nature politique, mais il retentissait très fort sur la scène du conflit, en interpellant les deux partenaires sur la blessure qui déchire leur terre en même temps qu’eux-mêmes.
On accordera aussi une attention toute particulière à la méditation brève mais très impressionnante du Saint-Père prononcée au mémorial de Yad Vashem : « Adam où es-tu ? (Gn 3,9) Où es-tu homme ? Où es-tu passé ? (…) Ce cri “Où te trouves-tu ?”, ici, en face de la tragédie incommensurable de l’Holocauste, résonne comme une voix qui se perd dans un abîme sans fond. Homme, qui es-tu ? Je ne te reconnais plus. Qui es-tu homme ? Qu’est-ce que tu es devenu ? De quelle horreur es-tu capable ? Qu’est-ce qui t’a fait tomber si bas ? » La médiation se poursuit afin de creuser l’abîme au plus profond de la responsabilité criminelle : « Qui t’a convaincu que tu étais dieu ? Non seulement tu as torturé et tué tes frères, mais encore tu t’es érigé en dieu. » Et de conclure : « Nous voici, Seigneur, avec la honte de ce que l’homme, créé à ton image et à ta ressemblance, a été capable de faire. Souviens-toi de nous dans ta miséricorde. »
Tel est le message de l’homme de Dieu : renvoyer au plus intime de la conscience, là où la personne n’a comme seul témoin et vis-
à-vis que le Dieu qui l’a créé par pur amour. Ce n’est que dans cette retraite cachée que la dimension du crime se révèle comme déni absolu du bien moral et idolâtrie de la toute-puissance. Celle qui se donne le droit de transgresser les lois humano-divines qui protègent l’humanité dans sa dignité et la gardent du vertige de l’orgueil meurtrier. C’est la mission de l’Église de donner cet éclairage. Le Pape s’y est montré fidèle en exprimant comment la méditation du croyant à l’écoute de la Parole peut amener les responsables à envisager l’ordre politique dans la rectitude de l’esprit et la simplicité du cœur.
Pour aller plus loin :
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- La France et le cœur de Jésus et Marie
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- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
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