3112-Euthanasie : coup de grâce ? - France Catholique
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3112-Euthanasie : coup de grâce ?

par Tugdual DERVILLE
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Le mystère autour de la mort de Chantal Sébire et des révélations sur son parcours – n’ont pas empêché une nouvelle vague d’émotion de – cette fois-ci – faire craquer les digues : la loi Leonetti est désormais menacée. Mercredi 19 mars 2008, la nouvelle de la mort de Chantal Sébire a beau être attendue, elle s’entoure immédiatement de mystère. La femme au visage déformé, désormais connu de tous les Français ou presque, s’est éteinte chez elle, peut-être seule, au moment même où son médecin présentait à l’Élysée son dossier médical à des spécialistes. L’émotion est aussitôt à son comble. Marie Humbert, en larmes, exprime sur les ondes un mélange de tristesse et de colère, en imaginant que « Chantal » a dû mourir « toute seule ». Dès le lendemain, les anciennes photos, celles du temps de la bonne santé de Chantal Sébire, réapparaissent en première page de plusieurs journaux, comme en signe de soulagement. Mais les clichés, d’un genre inédit, de sa tumeur au visage resteront gravés dans toutes les mémoires, comme ayant fait avancer d’un grand bond la cause de l’euthanasie. Se montrer soulagé d’un décès, après une « longue maladie », est un sentiment spontané. Mais quand cette mort n’est pas naturelle, le malaise plane. Du moins, en principe. Or, le procureur de la Ré­­pu-blique de Dijon a déjà averti que le décès n’était pas naturel, même si le doute sur les causes précises, à l’heure où nous écrivons, reste entier. Vendredi 21 mars, l’AFP listait les hypothèses (« Suicide, sui­cide assisté, accident médicamenteux… ») et concluait : « Les pistes restent nombreuses et les interrogations de­meurent. » Jean-Luc Roméro, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) exprimait néanmoins un avis plus tranché : « Puisque l’hypothèse de la mort naturelle a été écartée par la justice, l’origine de la mort semble donc provenir de substances qu’elle aurait avalées et donc d’un suicide ». De son côté, le vice-président du mouvement pro-euthanasie, l’avocat Gilles Antonowicz, continuait de protester vigoureusement contre l’autopsie pratiquée sur le corps de sa cliente, l’estimant « gro­tesque » et demandant « qu’on fiche la paix à Mme Sébire et à ses enfants, et qu’on en reste là ». Le Procureur tenait alors à préciser que les enfants de la défunte n’avaient jamais manifesté d’opposition à l’au­topsie. Ces derniers, éprouvés par le deuil, semblaient soudain lassés voire écœurés par la pression associative et médiatique. Ils publiaient finalement un communiqué demandant aux journalistes de « (les) laisser faire (leur) deuil dans la paix, la dignité et l’intimité ». Le message était lu sur France 5 par Paul Amar à la veille de la trêve pascale. De son côté, l’ex-époux de Chantal Sébire se faisait plus menaçant. Son communiqué (voir encadré) proteste contre l’instrumentalisation de l’image et des paroles de leur fille de 12 ans. Une surprenante femme de 52 ans a donc été arrachée à l’anonymat de sa terrible maladie en entrant dans un combat médiatique de quelques se- maines, rondement mené jusqu’à sa mort. Les propos de la ré­dactrice en chef de France 3 Bourgogne, qui a vendu au monde entier des images télévisées dont la chaîne publique détient l’exclusivité, dénotent l’admiration : « Elle s’est débrouillée comme un chef dans cette histoire ». C’est aussi la conclusion du portrait de Chantal Sébire publié dans Le Monde du 22 mars avec le titre « Maîtresse de sa mort comme de sa vie ». Il raconte les relations de « fascination réciproque » entretenues par l’ancienne institutrice avec les journalistes. N’ont-ils pas fait cause commune ? Peu importe ce mélange des genres, qui aurait été considéré, dans d’autres circonstances, comme une grave entorse à la déontologie professionnelle. Certaines souffrances semblent tout excuser ou permettre. Et com­­ment oserait-on critiquer la parole de celle qui va mourir ? De tout cela, Chantal Sébire a joué – peut-être abusé – pour parvenir avec brio à des fins qu’elle pensait justes. L’an­cienne institutrice n’a-t-elle pas réussi de façon extraordinaire à donner un sens à son épreuve, à la sublimer ? Elle a combattu pour que change le monde, même si, à nos yeux, c’est dans une direction mortifère. Avec l’ADMD, toujours à la recherche de cas emblématiques, Chantal Sébire a trouvé des alliés bien préparés. Après avoir toréé pendant quelques semaines sur toutes les ondes son président, Jean-Luc Roméro, tente désormais de porter l’estocade à la loi Leonetti, en accusant son aut­eur d’être « personnellement responsable » des souffrances ultimes de sa protégée. Cette vague accusatoire, relayée par des débats à sens unique, a commencé à submerger la digue que le gouvernement avait jusqu’ici réussi à établir pour résister, même si, nouvelle venue au portefeuille de la Famille, Na­dine Morano ne cache pas ses convictions en faveur de l’euthanasie. Les alliés politiques de l’ADMD jouent donc le tout pour le tout. Le député PS Gaétan Gorce tente d’imposer une loi rapidement votée, sous le coup de l’émotion. C’est dans ses moments de faiblesse qu’il faut jouer son va-tout pour terrasser l’adversaire. Mais Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale résiste avec intelligence. Il montre qu’il n’est pas insensible au drame qu’ont vécu, en témoins mi-éplorés mi-voyeurs, des millions de téléspectateurs, mais sans céder du terrain sur le plan juri­dique. Dans un premier temps Jean Leonetti est donc chargé d’établir le bilan de sa loi, sous l’œil soupçonneux de Jean-Luc Romero. Il exhume malheureusement la notion ambiguë d’exception d’euthanasie : « Rien n’interdirait des dispositions spécifiques de dépénalisation de l’acte homicide dans des circonstances compassionnelles, qui mériteraient alors d’être codifiées et précisées », a consenti le député des Alpes-Maritime. Cette petite phrase pèse très lourd. Destinée à donner du mou sur les cas-limites, elle risque bien de créer une brèche qui ferait s’effondrer l’interdit du meurtre. Pourtant, dès le surlendemain de la mort de Madame Sébire, on commençait à re­­mettre en cause la version univoque défendue becs et ongles par les militants de l’euthanasie à propos de cette histoire dramatique. Dans le « parcours soi­gnant » de Chantal Sébire les zones d’ombre sont nom­breuses. Comme pour Vincent Humbert, mais plus rapidement, on découvre l’usage abusif de certains mots. L’esthesioneuroblastome dont souffrait madame Sébire n’est ni une « maladie orpheline » comme on l’a prétendu, ni, surtout, une pathologie « incurable ». Avant d’en arriver à ce stade, la patiente semble avoir refusé des interventions proposées, à cause de leur risque vital. On ne peut l’en blâmer. Mais il serait juste de dire aux Français que, pris à temps, ce genre de tumeur a désormais de bonnes chances de guérir. Il ne s’agit pas de remettre en cause la détresse de Chantal Sébire à l’approche d’une mort qui était devenue inéluctable, mais sa demande à la médecine de mettre fin à ses jours prend une autre signification quand on sait qu’elle lui a refusé, précédemment, de tenter de la sauver. Par ailleurs, le faux suspens judiciaire proposé à Chantal Sébire par le président de l’ADMD a certes entretenu l’émotion, mais il apparaît comme un élément artificiel de l’orchestration du débat, ses auteurs feignant de croire que la demande avait des chances d’aboutir. « Notre requête a donné du crédit à sa demande d’aide active à mourir et, à partir de là, tout s’est emballé » avoue Me Gilles Antonowicz au Monde après avoir souligné « la fonction symbolique du juge » qu’il a instrumentalisée. Et si cette tactique manipulatrice avait joué un rôle dans l’épuisement moral et physique et dans la précipitation de la fin de vie de Chantal ? Pour l’affaire Hum­bert, la sortie d’un livre et l’annonce télévisée du passage à l’acte n’ont-ils pas précipité le geste de Marie ? Grand perdant de cet em­ballement médiatique, le mouvement des soins palliatifs reste sonné. Il fait le constat d’un immense gâ­chis. Non seulement Chantal Sébire a refusé d’entrer dans le processus palliatif qui aurait pu la sortir de sa douleur et de son isolement, mais encore elle n’a cessé d’en donner une image caricaturée, reprise sans recul par les médias, et qui s’est par conséquent ancrée dans l’esprit des Français avec la force de l’émotion. Voilà que les protocoles analgésiques sont assimilés à un coma, à une perte définitive de conscience et à un état d’indigne subordination. En quelques jours, tous les efforts de communication d’un mouvement qui agit au quotidien au chevet de milliers de personnes malades pour accompagner et adoucir les épreuves de leur fin de vie se sont trouvés anéantis. Ils ont désormais la parole ; ils écrivent des tribunes dans la presse écrite… mais l’impact émotionnel de leur façon mesurée de revenir à la réalité est bien loin d’avoir la force des sophismes simplificateurs et de l’image-choc qui ont abusé l’opinion.

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