3076-La question liturgique - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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3076-La question liturgique

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La question liturgique est à nouveau d’actualité au sein de l’Eglise catholique, à raison de son importance dans la vie chrétienne, mais aussi des désaccords de fond qu’elle continue à provoquer depuis la fin du Concile. Cette querelle pose de graves difficultés, ne serait-ce que celle qui concerne l’unité et l’intégrité du corps ecclésial. Si l’eucharistie est bien la source et le sommet de la vie chrétienne, si c’est elle qui construit l’Eglise, on s’interroge sur la vitalité spirituelle de fidèles qui se déchirent à propos de ce qui devrait être la cause permanente et sans cesse renouvelée de leur communion. Et lorsqu’on nous dit que la promulgation d’un motu proprio de Benoît XVI facilitant l’accès à l’ancien rite ne fera qu’accroître la division, en suscitant ici l’esprit de revanche et ailleurs l’amertume, nous craignons un nouvel emballement dans le sens d’une polémique aux effets désastreux. Et comme il est patent qu’en général l’information religieuse sur un tel sujet souffre de son ignorance et de son incompréhension, on peut s’attendre à un nouveau déluge d’absurdités et de contre-sens, lorsque la décision romaine sera promulguée.

C’est pourquoi il nous faut prévenir d’urgence et par avance les effets négatifs de cette décision en revenant, à temps et à contre-temps, sur le fond de la question liturgique. Et, de ce point de vue, il convient de comprendre pourquoi le Pape prête une oreille attentive à la plainte traditionaliste. Toute interprétation brutale et butée de cette ouverture est dommageable à l’intelligence même du mystère liturgique. Réduire la différence des rites d’avant et d’après la Réforme à l’abrupte opposition des passéistes et des progressistes, c’est s’exposer à l’aggravation des tensions mais, surtout, à l’incompréhension radicale d’un champ de réflexion à explorer et que l’on préférera saccager plutôt que de le respecter. Certes, toutes les objections traditionalistes ne sont pas de même valeur, ou de même portée. Certaines sont injustes ou mal fondées, et correspondent à une vision incomplète, voire déséquilibrée de l’économie de la Révélation. Mais d’autres sont recevables et doivent aider à un vaste examen collectif dont tous devraient finalement profiter.

Un des meilleurs analystes de la question, le Père Cassingena-Trévedy, écrit dans son dernier livre (1) : “Si la liturgie, naguère, ne mettait pas pied à terre, faute de respect anthropologique suffisant, sa tendance contemporaine serait plutôt de ne pas s’élancer, à ne pas soulever, faute d’envergure théologique”. Voilà le mot important souligné : l’envergure théologique qui donne son véritable élan à l’envergure liturgique, à la beauté et au sens supérieur de la célébration dont l’admonestation du Sursum corda (Haut les cœurs) devrait être l’indice. C’est de ce sursaut par le haut dont nous avons impérativement besoin. C’est son désir qu’il nous faut susciter de toutes les façons, si nous voulons que le futur motu proprio réalise l’accord profond, l’unité symphonique qui rendra à la liturgie sa vocation à mettre toute l’Eglise en mouvement vers son seul Seigneur.

Gérard LECLERC

(1) François Cassingena-Trévedy, La liturgie, art et métier,
préface par Mgr Robert Le Gall, Ad Solem.