3075-Ethique à Cannes - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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3075-Ethique à Cannes

Le festival de Cannes a récompensé un cinéma “engagé”, c’est-à-dire, en l’occurrence, capable de mettre en scène les drames de la vraie vie, avec art et, parfois, profondeur.
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Paradoxe de la nouvelle Palme d’or du 60e festival de Cannes, Quatre mois, trois semaines et deux jours, de Cristian Mungiu, semble, quand on en lit le synopsis, être de ces films qu’au départ on ne voudrait surtout pas voir. Aux antipodes des paillettes cannoises, il dépeint l’atmosphère glauque et intimiste d’une Roumanie étouffée, sous la férule de Nicolae Ceausescu, un des derniers grands dictateurs communistes.

C’est l’histoire de deux étudiantes qui partagent la même chambre. Le personnage principal, Otilla, «aide» son amie Gabita, incapable d’assumer ses actes, à recourir à un médecin avorteur. L’amie est enceinte alors que l’avortement est interdit, sous peine de prison, par un régime politique qui veut forcer la natalité. L’histoire est menée comme un thriller. Dès le début, rien de ce qui est prévu n’arrive. Chaque péripétie accroît l’angoisse de l’avenir. Conformément au titre de son film, le réalisateur fait ressentir le poids des secondes qui s’égrènent : on a l’impression de vivre l’événement «en temps réel».

Quand arrive le moment de l’avortement, le médecin demande de l’argent et des faveurs sexuelles. L’étudiante se «sacrifie» pour son amie ! Puis c’est un gros plan, très bouleversant sur le fœtus avorté qu’il faut faire disparaître. Ce n’est plus alors le risque extérieur de la prison que les jeunes femmes doivent affronter mais le drame intime d’avoir à porter la responsabilité de cette mort.

Le réalisateur, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, n’a pas fait un film de propagande pour l’avortement. Certes, il s’agit de montrer le drame d’un avortement clandestin, mais il n’est même pas certain que l’avortement soit le cœur du sujet. Le thème qui donne à réfléchir est davantage celui du totalitarisme qui se dessine derrière la tragédie personnelle.

Cristian Mungiu a expliqué, sur France Inter, avoir imposé la vision du fœtus mort pour que le spectateur prenne en compte la dimension barbare de l’acte. L’avortement peut être interprété ici comme une réaction compulsive à la pression totalitaire, signe d’une impasse mortelle : sous l’oppression, le risque est de ne plus réfléchir. Le «faiseur d’ange» est d’ailleurs particulièrement sordide – au contraire d’autres films sur ce thème – et les figures masculines pâles comme la mort. En revanche, l’humanité de l’héroïne surnage sans que soient cautionnés les gestes qu’elle croit devoir faire.

Film à petit budget d’un cinéaste de 39 ans, Quatre mois, trois semaines et deux jours a d’abord été récompensé pour son indéniable qualité cinématographique. Quel sera son impact en France, pays démocratique dont quatre femmes sur dix expérimentent l’avortement légal ? Ce dernier n’est-il pas, lui aussi, vécu dans le silence, la souffrance et le secret ?

Comment sera ressentie la séquence morbide qui a tant marqué la critique ? La presse hexagonale, qui loue ce film, s’étonne en même temps que pareilles images – qu’elle croyait réservées à un certain militantisme anti IVG – deviennent ici évidentes.

Il faut peut-être l’exotisme d’une Roumanie révolue pour interpeller sur cette question de société qui hante l’inconscient. Le réalisateur du film est lui-même très critique sur les valeurs de son pays devenu capitaliste (un million d’avortements y ont été pratiqués l’année suivant la chute du régime rouge).

Certes la propagande pro avortement, qui sévit en France depuis une quarantaine d’années, tente de faire croire que l’aspect tragique de celui-ci réside dans son caractère clandestin, comme si la dépénalisation puis la légalisation d’un tel acte l’avaient humanisé. Certes, cette même propagande tend à fermer les yeux sur d’autres drames de l’avortement que d’autres totalitarismes ont provoqués ou provoquent. En Chine, c’est à des avortements forcés que conduit la politique démographique (cf FC n°3074). Quant à la Pologne, si elle est si hostile à l’avortement aujourd’hui, n’est-ce pas parce que le communisme, pendant des décennies, l’a si souvent imposé ? On peut alors voir dans l’actuel cavalier seul polonais le contrepoint de ce que montre le film roumain.

En France, le fait que la Palme d’or cannoise soit également primée par l’Education nationale, qui annonce vouloir l’assortir d’un «DVD pédagogique», interroge. La tendance des pouvoirs publics, confrontés à l’inflation de l’avortement chez les mineures, est-elle de leur montrer la réalité de l’acte, au risque de les traumatiser, comme le fait la prévention routière en matière d’accidents de la circulation ? Or, si nos modes de prévention de l’IVG sont peu efficaces, c’est déjà parce qu’ils méconnaissent injustement l’anthropologie de l’amour, en dissociant affectivité, sexualité et procréation.

On imagine que les militants de l’avortement légal, et ceux qu’ils influencent, profiteront du film pour continuer à imposer leur doctrine… Mais d’autres éducateurs s’appuieront sans doute sur sa qualité cinématographique pour engager le débat sur la liberté, l’amitié, l’oppression… ou la vie.

Dans nos pays fortement marqués par l’avortement, il n’est peut-être pas mauvais que ce sujet émerge enfin (on le retrouve dans Le Bannissement, film du Russe Andreï Zviaguintsev, également récompensé à Cannes).

A l’autre bout de l’existence, une autre œuvre primée à Cannes met en scène le livre de Jean-Dominique Bauby, Le scaphandre et le papillon. Ce film est un hommage à l’amour de la vie de l’ancien rédacteur en chef de Elle disparu en 1997. Victime du «locked-in syndrome», durant de très longs mois, il ne pouvait plus communiquer que par des cillements d’yeux. La vie, la mort : questions essentielles, si loin du glamour insipide.