Y a-t-il une « génération Notre-Dame » ? - France Catholique
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Y a-t-il une « génération Notre-Dame » ?

Chacun se rappelle cette foule silencieuse et consternée, et ces priants en pleurs devant Notre-Dame en flammes. Une émotion nationale. Mais relever les âmes prend plus de temps que restaurer les pierres.
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La foule sur le quai de Bourbon le 15 avril 2019. © Cangadoba / CC by-sa

Depuis le parvis de Saint-Germain-l’Auxerrois, des centaines de bougies s’élancent vers Notre-Dame de Paris. Dans la foule qui accompagne, ce 15 novembre, le retour de la Vierge du pilier dans sa cathédrale, beaucoup de jeunes visages. « C’est le soir de l’incendie que j’ai décidé de devenir architecte. Ça a été un vrai choc ! confie Matthieu, 21 ans. J’ai compris qu’il fallait que je m’engage pour préserver notre patrimoine. » « Notre-Dame en feu, c’était la France qui brûlait sous nos yeux. Beaucoup d’entre nous ont pris conscience, ce soir-là, que notre civilisation était fragile », ajoute Jeanne, 19 ans.

Ce n’est pas que la perte d’un trésor de notre patrimoine qui a frappé ces jeunes, interpellés aussi par la portée spirituelle de ce drame : au-delà de la France, Notre-Dame est l’incarnation de la chrétienté – et la Mère des fidèles. Ce terrible incendie, à la vue du monde entier, a propulsé la foi catholique dans l’espace public. « Voir ces foules prier, le silence s’installer, puis les Ave Maria monter vers le Ciel, je ne suis pas près de l’oublier ! assure Matthieu. Cela m’a donné de l’espoir ! C’est peut-être cela, la “génération Notre-Dame”… »

Jeanne se souvient que la croix du maître-autel est restée intacte, malgré les flammes : « Pour moi, c’était un signe d’espérance. Je savais qu’on allait reconstruire. » Au moment où s’achève la restauration de l’édifice, Amaury, 21 ans, tire les leçons de cet événement. « Notre-Dame a été rebâtie par une foule d’artisans qui ont chacun apporté leur expertise et ont œuvré dans leur domaine. Cela m’a fait comprendre que, pour rebâtir la France chrétienne, il fallait en faire de même : que chacun devienne saint, à sa place… », explique-t-il.

Cependant, si tous attendent avec ferveur la réouverture de la cathédrale, nombreux sont ceux qui tiennent à nuancer ces espoirs. « Notre-Dame nous rappelle nos racines chrétiennes, notre foi d’antan, une France éternelle. Mais ce n’est pas parce qu’elle a été restaurée que la France chrétienne l’est aussi, résume Pétronille, étudiante en psychologie. Il ne suffit pas de restaurer un symbole pour rebâtir la réalité qu’il représente. Il ne suffit pas de relever les pierres si l’on ne relève pas aussi les âmes. »

Bien plus qu’un monument

Si les jeunes soulignent tous le soin admirable que les artisans ont mis dans leur travail, beaucoup s’étonnent de certains choix : « Dans les propositions faites pour le chantier, comme le projet de nouveaux vitraux et le mobilier liturgique, je vois plus de rupture que de continuité… », s’inquiète Clémentine. « On veut marquer l’histoire sans révérence pour notre héritage », tranche Alex, étudiant en droit. Tous rappellent aussi que la cathédrale de Paris est bien plus qu’un monument historique : « Notre-Dame était considérée comme un joyau, certes, mais une simple pièce de notre patrimoine, une archive… », déplore Pétronille. Un récent sondage de La Croix, en partenariat avec France Info, confirme ce constat : seulement 13 % des Français interrogés considèrent Notre-Dame d’abord comme un lieu de culte catholique – la plupart y voyant surtout un emblème national, ou un morceau de notre histoire.

Or une église, aussi prestigieuse soit-elle, n’est pas une fin en soi. La restauration est spirituelle avant d’être matérielle. « Malheureusement, je doute que la réouverture de Notre-Dame entraîne la réouverture des églises de nos villages, ni celle des cœurs de toute notre génération. C’est sûrement exagéré de parler de “génération Notre-Dame” », estime Alex.

« Un retour aux belles liturgies »

Que faire, alors, pour que la réouverture de Notre-Dame soit aussi une renaissance spirituelle ? Pour tous, la réponse est claire : un retour au sacré. « Plus on traite les choses sacrées comme du profane, plus les gens qui ne les savent pas sacrées sont enclins à penser qu’elles ne le sont pas ! C’est tout bête… mais c’est logique ! » s’exclame Alex. « Il nous faut un retour des belles liturgies, solennelles et sacrées, qui montrent ce pour quoi cette cathédrale était faite ! » rétorque Clémentine.

Cette église, dont le monde entier admire la beauté, est un écrin pour ce que l’Église a de plus sacré : l’Eucharistie. Le soin mis dans le moindre chapiteau servait à faire de l’édifice un bout de Paradis ici-bas, pour accueillir le Ciel descendant sur la terre dans la magnificence de la liturgie. « Il faut se réapproprier le fond plus que la forme, l’esprit plus que la lettre, de ce qui fait la cathédrale. Car s’il n’y a personne pour y prier, une cathédrale n’est rien de plus qu’un tas de jolies pierres », insistent Clémentine et Matthieu. « Il nous faut des saints prêtres qui fassent de nous des cathédrales vivantes, des âmes ferventes, des saints ! Et alors Notre-Dame sera vraiment restaurée ! » espère Jeanne.

Des cathédrales vivantes… dont chaque centimètre carré est marqué du sceau de la foi et où tout est orienté pour la plus grande gloire de Dieu. Une âme cathédrale est l’inverse d’une âme sécularisée : tout y est pensé pour Dieu. Elle ne commerce pas avec le monde et n’accueille pas de marchands, ni dans ses murs, ni à ses portes…

« Même s’il n’y a pas de “génération Notre-Dame” et si nous sommes peu à répondre à l’appel de cette flèche tendue vers le Ciel, ce n’est pas perdu pour autant ! Au départ, ils étaient 12 ! », confie à nouveau Jeanne.

Notre-Dame est un catéchisme de pierres. Reste à voir si, dans sa clarté restaurée, ceux qui franchiront ses portes sauront le lire à nouveau.