« L’ordre. » Le nouveau ministre de l’Intérieur a martelé à trois reprises ce mot en présentant son action, comme pour la marquer de ce sceau. Et de fait, qui n’acquiescerait à cette demande pressante de la société, après le terrible meurtre de la jeune Philippine ? On songe à cette célèbre sentence de saint Thomas d’Aquin : « La paix est la tranquillité de l’ordre. » Mais rétablir l’ordre, à l’inverse, ne sera jamais le fruit d’une tranquillité trompeuse, qui consisterait à fermer les yeux ou à minimiser les maux à redresser… Sur cette terre, l’ordre sera toujours menacé : il s’agit donc de ne pas se rendre complice de l’injustice par l’inaction et la passivité. Mais bien de travailler à « diminuer les traces du péché originel », selon la belle formule de Baudelaire qui définissait ainsi la vraie civilisation.
Une loi intérieure
Pour autant, l’ordre n’est pas qu’une question de sécurité physique – même si c’est une étape indispensable. L’ordre réside, en profondeur, dans la correspondance avec cette loi intérieure, inscrite dans le cœur de tout homme, que la tradition chrétienne appelle la loi naturelle, et qui ne peut être effacée.
Mais elle peut être faussée, ou obscurcie. La modernité a ainsi voulu tenter de remplacer la loi naturelle par l’expression d’une conscience collective, la volonté générale, soumise au vote et par conséquent susceptible de fluctuer… Cela faisait dire au pape Pie XII, en 1939, que « la racine profonde des maux que nous déplorons dans la société moderne est la négation et le rejet d’une règle de moralité universelle (…) : c’est-à-dire la méconnaissance et l’oubli de la loi naturelle elle-même ». Mais les faits sont têtus, et l’idéologie finit toujours par céder face à la réalité… Encore faut-il pour cela que l’homme accepte humblement la hiérarchie de la Création, qui certes le place au centre de l’univers, mais comme une créature, donc dépendante d’un Créateur pour le don de la vie. C’est ce que le pape François a rappelé en Belgique au sujet de l’avortement, soulignant qu’on ne pouvait appeler « bien » ce qui demeure un mal.
Et puisque nous sommes tous pécheurs, il s’agit in fine d’être « ordonnés au Christ », comme l’écrivait la revue Vives Flammes en 2023. Il est le seul à même d’inverser notre désordre intérieur et extérieur : « Le Christ est venu dans notre humanité pour la réorienter selon sa vérité originelle » et sa véritable destinée : l’Amour de Dieu. « Il nous remet en ordre et redonne à notre humanité démantibulée sa verticalité. » Ainsi l’homme redevient-il un fils en marche vers la maison du Père.
Le débat sur la fin de vie, qui vient d’être relancé à l’Assemblée, doit être situé à ces trois niveaux. Celui de la simple fraternité humaine et de la paix civile, dans les familles notamment. Celui de la vraie dignité qui consiste à ne pas vouloir supprimer une vie même diminuée, mais à la respecter jusqu’au bout. Celui enfin, et c’est le plus grand absent du débat, de la perspective de la vie éternelle, sans laquelle la souffrance et la mort peuvent sembler absurdes. L’Église possède la clef de cette énigme commune à tous. Elle ne peut taire ce que sainte Thérèse de Lisieux avait résumé en une fulgurance : « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie ! »
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La double sentence conforme. Fin prochaine d’une procédure multiséculaire ?
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI