Vers qui d'autre irions-nous ? - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Vers qui d’autre irions-nous ?

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Certains disent que des gens quittent l’Eglise Catholique en raison des scandales actuels. Cela me confond. En qui mettiez vous votre foi ? Le prêtre ? L’évêque ? Ou Dieu ? Si votre foi est placée en un prêtre, un évêque ou même le pape, ce que vous professez est une idolâtrie et non pas la foi chrétienne.

Suis-je en train de minimiser la gravité du scandale ou les dégâts qu’il a causés ? Non, mais remettons les choses en perspective. Si vous demandez : « comment puis-je continuer à avoir confiance dans l’Eglise catholique au vu de tous ces horribles actes ? » vous pourriez vous mettre à la place de la communauté juive après l’Holocauste. Ils avaient à se demander : « Comment puis-je continuer à faire confiance en Dieu au vu de tous ces horribles actes ? »

Comment pouvons-nous continuer à nous dévouer à une communauté si infidèle à Dieu ? Moïse a posé la même question quand il a vu l’infidélité de ses coreligionnaires dans le désert. Le prophète a posé la même question quand il a vu les injustices commises par le peuple dans la Terre Promise. Les premiers apôtres ont dû se poser la même question quand ils ont vu que c’était l’un des leurs qui avait livré Jésus à Ses ennemis. Et Pierre lui-même, le « roc » sur lequel l’Eglise allait être bâtie, a été jusqu’à nier connaître le Seigneur lors de son heure la plus désespérée. Que peut-on faire de pire ?

Comme il a dû être dur de demeurer dans l’Eglise quand vos amis, vos voisins, les membres de votre famille étaient martyrisés, lacérés par des animaux ou brûlés vifs pour avoir refusé de renier leur foi . Comme il a dû être dur de demeurer dans l’Eglise quand tant de vos amis, voisins, membres de votre famille ont craqué et renié le Christ face aux menaces des autorités romaines. La vie dans l’Eglise a rarement été simple.

Qu’auriez-vous fait quant la crise arienne a scindé l’Eglise en deux, avec Constantin, l’empereur censé être chrétien, et une bonne partie de l’empire tenant avec les Ariens ? Et quand trois hommes se sont proclamés papes en même temps, au quatorzième siècle ? Ou quand la révolte protestante a scindé la chrétienté alors qu’une bonne partie de la hiérarchie de l’Eglise était corrompue et moribonde ? Le concile de Trente a été un grand don de l’Esprit mais il n’a pas commencé avant 1545 (Martin Luther a écrit ses 95 thèses en 1517) et il ne s’est pas conclu avant 1563, près de vingt ans plus tard.

Imaginez-vous être un catholique au milieu de ces scandales. Qu’auriez-vous fait ? Auriez-vous été de ceux qui sont restés et ont combattu le bon combat de la foi ? Ou auriez-vous été de ceux, nombreux, qui ont dit :  « C’en est trop, je pars » ?

Mais alors, vers qui seriez-vous allés ? C’est la question que Pierre pose au Christ. « Seigneur, à qui d’autre irions-nous ? Qui d’autre a les paroles de la vie éternelle ? »

Je suis désolé, mais ai-je manqué quelque chose ? Le Christ a-t-il fondé une autre Eglise -l’Eglise avec les gens comme il faut ? L’Eglise avec des liturgies parfaites ? L’Eglise dans laquelle tout le clergé est tous les laïcs sont sans péché et d’une doctrine irréprochable ? Parce que je ne l’ai jamais vue. Je n’ai rien lu sur elle dans les Ecritures et les Docteurs et les Pères de l’Eglise n’en font pas mention non plus. C’est tout le contraire ; ils parlent sans cesse de l’élément humain de l’Eglise qui est pécheur et nécessite la rédemption offerte par le Christ.

Ces scandales éloignent-ils les gens de l’Eglise ? Sil vous plaît. Les gens restent loin de l’Eglise parce que l’Eglise fait des déclarations moralement dérangeantes et que les chrétiens ne sont pas, dans la société, des témoins vivants de la vérité de cet enseignement. Des sondages ont montré de façon répétée que les catholiques sont très peu différents du public général dans leurs opinions sur les problèmes moraux fondamentaux. Les catholiques de San Francisco ont menacé de poursuivre en justice leur propre évêque quand il a essayé d’inculquer les principes moraux de base dans les écoles catholiques. L’archevêque Chaput est tenu à distance par plusieurs universités catholiques, tandis que le cardinal Mahoney, censé être au même régime de pénitence que l’ex-cardinal McCarrick, voyage librement.

Demandez au prêtres et aux rédacteurs de sites web catholiques quelle sorte de tempête en retour ils obtiennent quand ils tentent de dire aux laïcs qu’ils devraient payer un salaire décent, être clairs et honnêtes dans leurs pratiques commerciales ou avoir une option préférentielle pour les pauvres. Quelle sorte de prêtres et d’évêques espérez-vous avoir si une grande partie des laïcs se révoltent s’ils entendent quoi que ce soit en chaire à propos de l’avortement, de la contraception, de la fornication et des activités homosexuelles ?

Une bonne part des catholiques américains ont voulu des évêques qui détournaient les yeux quand ils violaient ouvertement l’enseignement catholique de base ; pourquoi sont-ils maintenant surpris de découvrir que certains d’entre eux « violent les règles » dans leur vie personnelle, eux aussi ? Les gens cherchaient-ils la fidélité ? Ou une personnalité gagnante et la capacité de lever des fonds ? N’est-ce pas pour cette dernière raison que tant d’institutions qui condamnent maintenant si pharisaïquement McCarrick le tenaient auparavant en si haute estime ?

C.S. Lewis s’est un jour plaint d’une culture qui produit des « hommes sans carrure » et en attend ensuite de la vertu. « Nous nous moquons de l’honneur » écrivait Lewis « et nous sommes choqués de trouver des traîtres parmi nous. Nous castrons les étalons prometteurs ». Un catholique américain qui s’est moqué de l’enseignement social catholique et de la morale catholique ne devrait pas être choqué de trouver des traîtres à la doctrine et à la morale au sein de l’Eglise.

Que faire maintenant ? Exiger la vérité ? Certainement. Mais comme le disait avec insistance le dissident tchèque Vaclav Havel, vous exigez la vérité en vivant dans la vérité. Nous devrions dire de l’enseignement authentique de l’Eglise ce que Saint Augustin disait de l’Evangile : « si vous croyez à ce que vous aimez dans les évangiles et que vous rejetez ce que vous n’aimez pas, ce n’est pas en l’Evangile que vous croyez, mais en vous-mêmes ».

Etes-vous catholique ? Alors cessez de pleurnicher et agissez en catholique.


Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston.

Illustration : « L’apôtre Pierre » par Anton Raphael Mengs, vers 1775 [musée d’histoire de l’art de Vienne]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/09/30/where-else-shall-we-go/