Une clé pour la serrure (page cinq)
Dans un article récent, j’effleurais la sentence du Seigneur sur le péché d’Adam et Eve. Revenons-y : il y a une sanction — et une promesse : ce qu’on appelle protoevangelion, la première bonne nouvelle de paix entre Dieu et l’homme pécheur. Cette bonne nouvelle va se dérouler tout au long de l’Écriture, s’approfondissant sans cesse dans son implication, défiant constamment l’âme, et toujours pleine de gloire en sa promesse. « Vois, — dit David en sa contrition — j’ai été formé dans l’iniquité, ma mère m’a conçu dans le péché. » C’est la Chute, qui porte un nom : Adam. Mais le psaume ne s’achève pas là: « Fais-moi un cœur pur, mon Dieu; et mets en moi un esprit nouveau. » C’est la promesse de réconciliation. Et Saint Paul le dira plus tard: ceux qui sont baptisés dans le Christ, le nouvel Adam, sont de nouvelles créatures. Ce n’est pas une métaphore. Remarquez que le serpent est le premier puni, et rien de bon ne lui est promis. Le serpent marchera sur le ventre et mangera de la terre. Cette créature, un long tube digestif, se nourrira de ce qui est symboliquement sans substance, de quasi-néant, de choses informes. Le menteur qui a dit « vous serez comme des dieux » mangera ses propres paroles, mangera le vide. Et le Seigneur ajoute: « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien, il t’atteindra à la tête, et tu l’atteindras au talon. » (Gen, 3:15). Rédigeant ces lignes à la tribune d’une vieille église Canadienne Française [Acadienne] (Notre Dame de l’Assomption à Arichat, Nouvelle Écosse) j’admire au plafond Adam et Eve chassés du paradis par un ange armé d’un glaive fulgurant. Mais en arrière-plan, à peine distincte dans le bleu du ciel et le blanc des nuages, se discerne la forme lumineuse de Notre-Dame debout sur le globe. Croire que l’auteur sacré a été inspiré par Dieu c’est croire que les mots peuvent signifier bien plus que ce qu’il a pu comprendre. Ce sont des mots humains, mais d’abord les mots de Dieu, et les œuvres de Dieu au long des événements de l’Histoire. Ainsi prenons-nous bien ces mots comme la première prophétie annonçant le Messie. De plus, retenez ce qui attend le serpent : inimitié et inutilité. Il est l’ennemi (en Hébreu : Satan), qui, rabaissé, peut atteindre le talon de l’homme, mais dont la tête sera atteinte — ou, si on considère ce que cela signifie pour un serpent, sera écrasée. Les paroles que le Seigneur adresse à Adam et Eve prennent une toute autre forme: une bénédiction est incluse dans la malédiction. À Eve il dit: « je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi.» (Gen, 3:16). Le terme « multipliez » marque une distinction entre l’homme et la nature. « Croissez et multipliez,» dit Dieu en bénissant les animaux, puis le couple humain. C’est désormais le malheur qui se multiplie, et s’ensuit le péché — mais ce n’est pas tout. L’homme se multiplie: Eve portera des enfants. Nous rappelant l’avertissement, « vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort.» nous voyons la surprise. Oui, Eve mourra: ainsi qu’Adam, elle prend conscience de la terrible réalité: « tu es poussière, et tu redeviendras poussière.» Mais elle ne meurt pas de suite. Elle sera mère. C’est alors qu’Adam donne son nom à Eve, juste après le jugement: « L’homme appela sa femme « Eve » parce qu’elle fut la mère de tous les vivants.» (Gen. 3:20). Selon une remarque insolite de la « Nouvelle Bible Américaine » ce verset aurait été mal placé, révélant un malentendu sur la structure théologique de l’événement et le noyau de son message de rédemption. Et Adam ? Les rapports entre mari et femme seront dénaturés, le rôle dirigeant de l’homme étant caricaturé en désir de domination, et le désir de la femme pour lui tout autant abaissé en désir sexuel. Pourtant, il est bon qu’il soit le chef, ainsi que le désir sexuel soit bon. De même, son rapport à la nature du monde est bouleversé. Il va lutter pour survivre, labourant une terre « portant épines et chardons » — mais aussi des légumes et du grain. « à la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, » dit le Seigneur (Gen 3:19) — mais il pourra manger. C’est la première mention du pain dans les Écritures: Léhem, comme le lieu de naissance de David et de Jésus, Bethléhem, maison du pain. Aucun Hébreu ne pourrait lire ces mots sans penser à la place tenue par le pain dans l’Histoire du Peuple élu: le pain offert aux trois messagers de Dieu; le pain sans levain de la Pâque; le pain béni des grandes festivités; la manne, pain du ciel qui les a nourris dans le désert. Pour nous Chrétiens, ce pain n’est autre que Jésus en personne. « Ceci est mon corps.» Après ce dernier repas Il sue le sang dans le jardin de Gethsémani, mettant à mort le péché d’Adam et les mensonges du serpent. « que Ta volonté et non la mienne soit faite,» dit le Fils soumis. Tout est dit dans le chapitre trois de la Genèse: la pesante gravité du péché qui nous entraine dans les profondeurs du néant; la sainteté de Dieu, qu’aucune tache de péché ne peut marquer; la bonté de la création, de l’homme et de la femme, en dépit de nos contradictions internes; l’amour de Dieu qui bénit même en nous blâmant; le salut, non pas échappatoire mais partie de notre histoire. Et le dernier geste de Dieu pour Adam et Eve dans l’Éden ? Il leur enlève la feuille de vigne, cette faible tentative de cachette. Il les habille. L’important, ce n’est pas le vêtement, c’est celui qui le donne. Dieu est fidèle, même envers ceux qui ne le sont pas. Prémices de l’évangile. « apportez … Lire la suite de Une clé pour la serrure (page cinq)
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