Un temps pour redevenir chrétien - France Catholique
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Carême. La puissance de l'oraison
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Un temps pour redevenir chrétien

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© P Deliss / Godong

Après avoir vu l’enfer, lors des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 1917, la plus jeune des trois petits bergers, Jacinthe, avait résolu d’offrir de petits sacrifices – et finalement sa courte vie de 10 ans – pour la conversion des pécheurs. Et elle avait même ajouté à sa prière une mention spéciale pour le Saint-Père, dont elle avait appris qu’il aurait beaucoup à souffrir…

À l’exemple de cette enfant, canonisée par le pape François 100 ans plus tard, en compagnie de son frère, cette dimension de sacrifice, centrale dans la foi catholique, semble ressurgir. Elle rencontre un certain succès, notamment auprès des jeunes, à travers des livres et diverses propositions de Carême, après avoir été, hélas occultée pendant des décennies. Déjà en 1952, le Père Louis Bouyer regrettait que lors du Carême, « personne ne songe plus à jeûner, ni même à pratiquer l’abstinence, et personne non plus ne change rien à sa manière de vivre habituelle ». Et il en résulte que « tout cela prend un accent de comédie qui prive de sérieux par la base l’ensemble de notre Carême »1.

Encore faut-il bien comprendre le sens du jeûne demandé par l’Église. Il ne faudrait pas en effet que le retour de balancier en faveur de l’ascèse chrétienne fasse retomber dans un autre excès, celui d’un trop grand volontarisme qui oublierait que c’est d’abord par grâce que nous sommes sauvés, et non par nos propres mérites. Comme le résume parfaitement le grand maître spirituel qu’est saint François de Sales : « Dieu nous a commandé de faire tout ce que nous pouvons pour avancer dans la pratique des vertus. […] Mais après avoir planté et arrosé, soyons persuadés que c’est Dieu qui fait croître l’arbre de notre bonne volonté et de nos pratiques. »

Ce qui renvoie en fait au but de toute la vie chrétienne. Selon le cardinal Garrone, « la morale chrétienne, ce ne sont pas des vertus prises une à une, c’est l’union au Christ et l’effort pour que ce don qu’il nous fait de son Esprit nous construise intérieurement à sa ressemblance », soulignait-il dans L’Eucharistie au secours de la foi (Desclée). Les vertus sont donc des moyens pour être conformés au Christ : il ne faut ni en refuser les exigences, ni en renier la source.

La clef, c’est la Croix

Or la seule clef pour entrer dans le mystère du Christ, c’est sa Croix. Dans les premiers siècles du christianisme, le Carême était ainsi surtout destiné aux grands pécheurs et aux futurs baptisés adultes. L’Église leur demandait un temps de pénitence pour les préparer à recevoir la grâce divine à Pâques, à travers le baptême, en étant plongé dans la mort et la Résurrection du Christ. Par extension, les fidèles ravivaient en eux le souvenir du sacrement reçu. Aujourd’hui, le même phénomène se reproduit, avec les nombreux catéchumènes qui affluent dans les paroisses et sont en demande d’une proposition de la foi forte et cohérente. Face à ces jeunes pousses inattendues, les vieux baptisés ont ainsi à redécouvrir leur propre identité chrétienne, parfois endormie ou trop habituée… Bon Carême !

  1. Cité dans L’entraînement et la grâce, Clément Binachon, éd. Cerf, février 2025, 152 pages, 17 €. ↩︎