Térence : passeur de culture - France Catholique
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Térence : passeur de culture

Au IIe siècle av. J.-C., Térence imposa la finesse grecque à Rome, qui nous l’a transmise ensuite. Ainsi Paris devint-il, au fil des siècles, une nouvelle Athènes.
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Corneille, Molière, Racine, La Fontaine sont allés chercher chez Térence non seulement des thèmes mais aussi des procédés de théâtre. Celui que le poète appelle « le premier, le plus pur des attiques latins » était un petit esclave originaire de l’Afrique du Nord, de ce qu’on appelait alors à Rome l’« Africa ». Il doit son nom au sénateur Terentius qui l’a acheté en raison de sa beauté et de la vivacité de son esprit et qui, ensuite, l’a affranchi en le faisant entrer dans la famille des Terentius. Dès lors, il sera très lié à toute l’aristocratie romaine.

Le génie des sentences

Né vers 190 av. J.-C. et mort à Rome en - 159, Térence débute dans la comédie à l’âge de 19 ans et connaît immédiatement un grand succès. Il s’est beaucoup inspiré de Ménandre, grand comique grec dont il ne reste que deux pièces, qui avait le génie des vers en forme de sentences. On retrouvera dans Térence ce même style. Ainsi le vers célèbre : « Je suis homme et rien de ce qui est homme ne m’est étranger », passé à l’état de proverbe, se trouve dans une réplique : alors que deux voisins discutent, l’un interpelle l’autre en lui demandant pourquoi il s’échine tant sur ses travaux manuels alors qu’il aurait les moyens de se payer des esclaves. Et quand ce voisin lui répond : « Pourquoi vous intéressez-vous à ce que je fais, qui ne regarde que moi ? », Térence place ce vers en réplique : « Je suis homme et rien de ce qui est humain… »

Comme une des critiques qui lui était faite était d’avoir beaucoup copié ses prédécesseurs, il fait répondre dans l’un de ses prologues que, quand on examine bien tout ce qui a été écrit avant soi, on s’aperçoit que tout a été dit et qu’on ne fait que répéter. Plus de vingt siècles plus tard, Goethe dit la même chose quand il écrit : « Si j’avais mieux compris ce qu’on avait écrit avant moi, je me serais bien gardé d’y ajouter le moindre mot. » Et à un jeune homme qui lui disait qu’il ne voulait pas connaître ce qui avait été dit avant lui pour n’écrire que de sa propre inspiration, Goethe répondait : « Ainsi vous voulez être un sot de votre propre fait. » Gustave Thibon, qui citait souvent cet épisode, remplaçait le mot sot par un mot aussi bref de trois lettres, mais plus vigoureux.

Communion méditerranéenne

Térence nous apporte ainsi la finesse grecque, qu’il imposa à Rome et qui continue en France, manifestant que Mistral avait bien défini le rôle de la Méditerranée en disant d’elle qu’elle était « la mer qui lie les peuples bruns ». Cette communion entre l’Afrique du Nord, la Grèce, Rome et la France est à méditer aujourd’hui. Il a fallu à Térence la forme grecque pour donner au comique de la Méditerranée cette postérité qu’on trouve chez nos classiques français et aussi dans les pièces de boulevard modernes.

Térence est en effet un homme bienveillant qui veut que les choses se passent bien entre les hommes et c’est pourquoi ses comédies connaissent toujours une fin heureuse. Les esclaves y sont roués et menteurs, mais aussi dévoués à leurs jeunes maîtres, dont ils servent les amours pour que ces amours se terminent bien par un mariage, inattendu mais désiré. Les pères y sont « bons et candides », les voisins « sûrs et compatissants ». Ce sont des modèles de sociabilité où le plaisir qu’ont les hommes de vivre ensemble se manifeste sur la scène. Ainsi, grâce à lui, Rome se trouvait une nouvelle Athènes, et Paris après Rome, devenait aussi une nouvelle Athènes.