Se vêtir sur-mesure est mieux qu’un prêt-à-porter, mais souvent un peu trop cher. Les Temps liturgiques sur-mesure sont gratuits et permettent la floraison d’une piété liturgique plus grande. Et ils peuvent être suivis ou ignorés, selon son goût.
Qu’est-ce qu’un temps « sur-mesure » ? Nous pourrions considérer le 15 septembre, la fête de Notre Dame des Douleurs comme la conclusion d’un « Temps de Marie », ouvert un mois plus tôt avec la fête solennelle de l’Assomption. Ce n’est pas un Temps liturgique officiel. Il y en a cinq officiels, et ils sont fixés : l’Avent, Noël, le Carême, Pâques, et le Temps ordinaire.
Mais dans la prière, dans le prêche et la piété personnelle, pourquoi ne pas suivre un Temps marial « fait sur-commande » ? Le mois contient bien deux octaves : de l’Assomption à la bienheureuse Vierge Marie Reine (15-22 août) et de la Nativité à la bienheureuse Vierge Marie des Douleurs (8-15 septembre).
La dernière octave – qui inclut aussi la fête du Saint Nom de Marie (12 septembre) n’a pas été élevée par les autorités liturgiques à ce rang, alors que c’est nettement le cas pour la première. La Nativité de Marie a été placée là parce qu’elle tombe neuf mois exactement après l’Immaculée Conception (8 décembre). Notre Dame des Douleurs suit le jour après l’Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre), ce qui est le bon sens. Ils constituent donc « accidentellement » une octave. Peut-être providentiellement. Ou simplement opportunément, selon les goûts.
Ces mois-ci, le calendrier latin continue le Temps ordinaire. Aujourd’hui c’est le 24e dimanche – presque les trois-quarts de sa route !
« Le Temps Ordinaire » n’est pas inspirant, mais en anglais c’est une petite supériorité sur le latin « per annum » – les dimanches « à travers l’année ». Le Temps Ordinaire lui-même est le nom non officiel de la « season » et il y a des explications variées à son apparition. Feu le Père Richard John Neuhaus préférait l’appeler « well-ordered time », Temps bien ordonné – sa petite dose de « sur mesure ».
« Ordinaire » a en anglais une mauvaise connotation. Les mystères du Salut ne sont jamais ordinaires. Quand saint Jean-Paul II le Grand ajouta des mystères au rosaire, mystères couvrant entièrement la vie de Jésus, il ne les a pas appelés « mystères ordinaires », mais « mystères lumineux ».
La tradition liturgique Latine a « Dimanches après l’Épiphanie » et « Dimanches après la Pentecôte » ; les anglicans ont les « Dimanches après la Trinité ». C’est mieux que « per annum », mais c’est encore un peu faible, comme une sorte de regard vers l’arrière plutôt que voir la Providence au moment présent.
Ainsi, les Temps sur-mesure peuvent être défendus. Des options se cachent à la vue de tous : Il y a quarante jours entre la Transfiguration (6 août) et l’Exaltation de la Sainte Croix, comme pour les autres grandes « quarantaines » du calendrier – de Noël à la Présentation (2 février) ; le Carême ; et de Pâques au jeudi de l’Ascension.
Ma paroisse est Holy Cross/ La Sainte Croix, aussi marquons-nous ces quarante jours comme le Temps de la Croix, avec, pendant tout ce temps, un parement rouge de l’autel, annonçant la prochaine fête patronale.
L’imagination suggère d’autres possibilités. Le mois dernier, les fêtes de saint Jean Vianney (4 août) et de saint Maximilien Kolbe (14 août), distantes de dix jours, sont un petit Temps de la prêtrise. Le saint patron des prêtres de la paroisse vient d’abord, et ensuite il est suivi par un saint dont les derniers mots qu’on a retenus, expliquant son sacrifice à Auschwitz, ont été : « Je suis un prêtre catholique. »
Deux autres prêtres martyrs viennent à l’esprit ces jours-ci, deux qu’on pourrait dire martyrs pour Jean Paul. Le bienheureux Jerzy Popieluszko porta la bannière de Solidarité, qui fut un fruit de la visite papale en Pologne en 1979. Ce qui causa son assassinat par la police secrète communiste en 1984. Le bienheureux Pino Puglisi était un prêtre de Palerme anti-mafia. La dénonciation de la mafia que fit Jean Pau II au cours de sa visite en Sicile en mai 1993, eut pour conséquences l’explosion qui se produisit en juillet dans la Basilique Saint-Jean de Latran, la cathédrale du Saint-Père, et l’assassinat de Pino Puglisi en septembre par les sbires de la mafia.
Le bienheureux Jerzy naquit le 14 septembre. Le bienheureux Pino le 15 septembre. L’anniversaire de Jerzy Popieluszko est le 19 octobre, celui de Pino Puglisi, le 21 octobre. L’anniversaire de Jean Paul II lui-même tombe le 22 octobre. Les deux martyrs préparent la fête papale, les trois ensemble fournissant le mois prochain un triduum de résistance héroïque.
Il y a tant de possibilités. Octobre offre une quinzaine thérésienne, avec le Petite Fleur le 1er octobre et la grande Thérèse le 15, ornement de ce mois ;
Octobre est bondé de saints, sainte Faustine (5 octobre) et sainte Marguerite-Marie Alacoque (16 octobre), qu’unit à travers les siècles la dévotion profuse au Cœur miséricordieux de Jésus
Saint Jean XXIII (11 octobre) convoque Vatican II, saint John-Henry Newman (9 octobre) en fut le père conciliaire caché, et saint Jean-Paul II (22 octobre) lui donna une interprétation définitive.
Ces options créatives et d’autres offrent des voies qui permettent de suivre des rythmes liturgiques au cœur de la longue période du Temps Ordinaire. Il y a ceux qui regardent la créativité dans la liturgie de façon négative, non sans raison. Dans ce cas, il vaudrait pieux éviter la piété sur- mesure.
C’est bien beau, mais notre liturgie catholique est plus riche que nous ne le réalisons parfois. La dynamique que donnent les Temps liturgiques est entièrement catholique.
L’Église syro-malabare, qui sera bientôt la plus vaste des Eglises orientales en pleine communion avec Rome, a neuf Temps au lieu de nos quatre. Les premiers quatre Temps syro-malabars sont en gros comparables aux Temps latins : Annonciation (Avent), Epiphanie (Noël), Grand Jeûne (Carême), Résurrection (Pâques).
Les cinq suivants remplacent notre Temps Ordinaire : Apôtres, Été, Élie-Croix, Moïse, et Dédicace de l’Église.
Le Temps des Apôtres commence avec la Pentecôte et commémore la venue du Saint-Esprit sur les apôtres et l’Église primitive. Il inclut la fête solennelle des Saints Pierre et Paul (29 juin). Il est suivi par l’Été, peut-être mieux traduit comme « Fête des Moissons ». Ce Temps marque l’œuvre des douze apôtres et les fruits abondants qui sont nés de leur
Les Temps les plus intéressants sont ceux d’Élie-Croix et de Moïse, parfois compris ensemble dans une unique période. Ce Temps met en avant la seconde venue et la victoire finale du Christ crucifié. La fête au centre de ce Temps est celle de l’Exaltation de la Sainte Croix.
Le calendrier syro-malabar met au premier plan les fêtes jumelles d’Été, la Transfiguration et l’Exaltation de la Sainte Croix. Au lieu d’un « Temps Ordinaire », on rappelle aux fidèles que l’histoire ordinaire du Salut demeure extraordinaire pour tous les temps.
Notre paroisse vient de conclure quelque chose de semblable avec notre pieux « Temps de la Croix », et aujourd’hui elle termine un Temps de Marie avec Notre Dame au pied de la Croix. Un jour de fête béni, quoi que vous en pensiez !
Source : https://www.thecatholicthing.org/2024/09/15/liturgical-season-in-hiding/