Takashi Nagai : le « saint » de Nagasaki - France Catholique
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Takashi Nagai : le « saint » de Nagasaki

Médecin radiologue, converti au catholicisme, Takashi Nagai fut irradié par la bombe atomique qui dévasta Nagasaki en 1945. Il édifia les Japonais par le témoignage de foi dont il fut capable jusqu’à son dernier souffle.
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Takashi Nagai, en 1946.

Le 9 août 1945, il est 11 h 02. Takashi Nagai arrive péniblement à se relever, les oreilles bourdonnantes et la vision trouble. Du sang coule sur sa tempe et derrière son oreille droite. Le spectacle qu’il découvre depuis ce qu’il reste des fenêtres de l’hôpital le saisit d’effroi. Une odeur de chair brûlée imprègne sa gorge. « Seigneur, donne-moi le courage et la force de faire ce qu’il y a à faire », implore le médecin.

Le chapelet de Midori

Sur les 240 000 habitants de Nagasaki, 70 000 sont morts sur le coup, un tiers sont grièvement blessés. Takashi Nagai s’épuise à secourir les survivants, puis arrive péniblement deux jours plus tard à se rendre devant les ruines de sa maison. Il avance dans ce qui fut le salon et découvre ce qu’il reste de sa chère épouse Midori : quelques os calcinés, à côté des morceaux d’un chapelet qu’elle ne quittait jamais. Takashi Nagai s’effondre de douleur en s’écriant vers le ciel : « Seigneur, que tu es bon de l’avoir laissée partir te rejoindre en priant ! Marie, Mère des douleurs, merci de l’avoir accompagnée à l’heure de la mort. »

Une telle foi face à l’indicible ne pouvait, pour Takashi Nagai, qu’être l’unique réponse aux horreurs perpétrées par l’arme nucléaire. De religion shintoïste, c’est par son épouse Midori, une descendante des chrétiens cachés d’Urakami, qu’il avait découvert Dieu. Mais le philosophe Pascal, dont il avait lu Les Pensées, l’avait mis sur la voie du baptême alors qu’il était étudiant en médecine et qu’il ne jurait que par la science. Sans doute fut-il aussi sensible à la dimension mariale portée par l’un de ses malades qu’il soigna de la tuberculose : le Père Maximilien Kolbe, le futur saint venu de Pologne en 1930 pour fonder à Nagasaki une Cité de l’Immaculée qui sera miraculeusement épargnée par la bombe atomique. « En me trouvant face au père Kolbe qui m’accueillit en ouvrant ses deux bras, j’ai été saisi en sentant que tout son corps était enveloppé dans un grand sourire », confiera-t-il. Le médecin sera d’autant plus impressionné qu’il estime être face à « un défi pour la science » car le chevalier de l’Immaculée est « un homme actif et joyeux » qui vit alors que les quatre cinquièmes des poumons ne travaillent plus et qu’il subit « une fièvre forte et continuelle ». Takashi Nagai gardera toujours dans ses prières le prêtre qui mourra à Auschwitz, le 14 août 1941, en s’offrant à la place d’un père de famille.

« Le lieu où l’on s’aime »

C’est grâce à Takashi Nagai que le catholicisme s’est relancé au Japon après la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’alité et condamné à une lente agonie, entouré de son fils et de sa fille, Makoto et Kayano, il reçut dans sa cabane qu’il nommait Nyokodo, « le lieu où l’on s’aime », de nombreux Japonais qu’il exhortait au pardon et à la rédemption.

Il possédait un petit autel où se trouvait un crucifix, une bible et une statue de la Vierge Marie qu’il regardait avec intensité lorsqu’il égrenait son chapelet. À partir de juillet 1950, sa santé empira et seul un prêtre vint chaque jeudi lui apporter la communion. « Par moi-même, je ne puis rien. Mais je crois fermement que cette force du sacrement que je reçois me pousse à glorifier encore et toujours Dieu ». Le 1er mai 1951, Takashi Nagai confia à Dieu ses jeunes enfants après avoir pris leurs mains qu’il serra très fort, les yeux fermés. Puis son corps se mit à trembler et, d’une voix étonnement forte, il cria : « Jésus, Marie, Joseph. Priez… priez… », avant de rendre l’âme à 43 ans.

Plus de 20 000 personnes assistèrent aux obsèques de celui qui fait désormais l’objet d’un procès en béatification, et porte le titre de « serviteur de Dieu ». Ce jour-là, tous se souvinrent de ses paroles consolantes, le 23 novembre 1945, lors de l’hommage aux 8 000 chrétiens d’Urakami réduits en cendre lors de l’explosion de la bombe.

Devant une assistance chrétienne démoralisée et défigurée par tant de douleurs, Takashi Nagai avait encouragé la foule à porter sa croix, tout en réfutant l’idée de punition céleste. Artisan de paix, sûr qu’après la dévastation viendrait la résurrection de sa ville et de son pays, il avait aidé à reconstruire l’hôpital avec l’argent de ses quinze ouvrages écrits en quatre ans, couché sur le dos dans sa cabane.

Grâce à lui, le quartier chrétien, lieu de l’épicentre de l’explosion atomique, ressemble encore aujourd’hui au printemps à une colline de fleurs. Takashi Nagai avait fait planter 1 000 cerisiers, dont la fleur au Japon est le symbole de la joie pascale.