Quand Filippo Neri arrive à Rome, vers 1533, la ville est à reconstruire. Spirituellement car la Réforme protestante divise la chrétienté. Et matériellement car la ville est un champ de ruines depuis sa mise à sac par les troupes de Charles Quint, en 1527. Mais il en faut plus pour décourager le zèle apostolique du jeune homme. Il a fréquenté les dominicains du couvent San Marco de Florence, où il est né dix-huit ans plus tôt. Puis les bénédictins du Mont-Cassin.
À Rome, il suit des cours de philosophie à la Sapienza. Mais surtout, il mène une ardente vie d’apostolat de rue, de 1536 à 1548. Sa méthode lui vaudra le surnom de « Socrate romain » : « Quand commençons-nous à faire le bien ? », demande-t-il aux gens qu’il aborde.
Un globe de feu
En 1544, la veille de la fête de la Pentecôte, il sent un globe de feu pénétrer sa poitrine et dilater son cœur, quand il se trouve dans les catacombes de Saint-Sébastien. On a découvert à sa mort que cette dilatation avait brisé deux de ses côtes et que son cœur était deux à trois fois plus gros que la moyenne !
Bien que sa réputation de sainteté grandisse, Filippo s’estime toujours indigne de devenir prêtre. Toute sa vie, il s’efforcera de démentir par des pitreries cette réputation qu’il pense ne pas mériter. On dit même qu’il aurait explosé de rire en essayant la soutane rouge de cardinal, ajoutant qu’il préférait le Ciel à ce titre, qu’il déclina malgré l’insistance du pape.
En 1548, Philippe Néri et son directeur de conscience, Perciano Rosa, fondent l’archiconfrérie des Pèlerins et Convalescents de la Sainte-Trinité pour accueillir les chrétiens venus au jubilé de 1550. Devant le succès de cette entreprise, Paul IV confie à Philippe l’église de San Benedetto in Arenula en 1558. Un an plus tard, l’archiconfrérie achète un bâtiment juste à côté pour en faire un hospice et accueillir les convalescents, en plus des pèlerins du jubilé de 1575.
Saint Eugène de Mazenod s’y rendra 250 ans plus tard, en 1825. « Au signal donné, a-t-il écrit, se présentent autant de membres de la confrérie qu’il y a de pèlerins. Ils viennent se placer à genoux devant ces pauvres de Jésus-Christ, leur lavent les pieds en récitant tout haut et faisant répéter aux pèlerins le Pater, Ave, Gloria et le symbole des Apôtres en italien, et en essuyant leurs pieds et les baisant, ils répètent plusieurs fois ces paroles : “Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur et mon âme.” »
Œuvres de charité
En 1586, l’archiconfrérie fait reconstruire l’église de San Benedetto. Le nouvel édifice prend le nom de Santissima Trinità dei Pellegrini. En 2008, Benoît XVI l’a confiée à la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. « Nous avons relancé l’archiconfrérie qui n’existait plus activement depuis les années 1960, raconte son curé, l’abbé Brice Meissonnier. Nous avons notamment relancé la pratique des Quarante-Heures pour l’entrée en Carême (lire FC n° 3847). Si cette pieuse pratique fut l’initiative de saint Charles Borromée, grand ami de saint Philippe Néri, c’est ce dernier qui la répandit grâce à l’archiconfrérie qui assurait les Quarante-Heures les premiers dimanches du mois. » L’hospice ayant été rasé au XXe siècle, l’archiconfrérie ne peut plus assurer l’accueil des pèlerins mais ses membres s’engagent dans de nombreuses œuvres de charité.
La création de l’Oratoire
En 1551, Perciano Rosa finit par avoir raison de l’entêtement de Philippe qui accepte de devenir prêtre. Il reçoit les ordres en l’église San Tommaso in Parione et devient un confesseur renommé. Il connaît de grandes extases lors de la messe mais, ne voulant pas les imposer aux fidèles, il fait placer un chat à côté de l’autel qui le déconcentre et l’empêche de s’extasier trop longtemps !
À peine ordonné, Filippo est entouré de fidèles formant un groupe de prière qu’ils appellent l’Oratorio. Après quelques années, il invite les plus anciens à recevoir les ordres pour se mettre au service des autres. C’est ainsi que naît la Congrégation de l’Oratoire, érigée canoniquement par Grégoire XIII, le 15 juillet 1575, en tant que société de prêtres séculiers.
Les membres de l’Oratoire ne prononcent pas de vœux mais vivent en commun et se dévouent à l’enseignement, la prédication et la direction spirituelle en suivant la spiritualité de saint Philippe, pleine de simplicité et d’humilité. C’est là le grand héritage spirituel de Philippe Néri, qui s’est diffusé dans le monde entier. Il meurt le 26 mai 1595, après avoir entendu les siens en confession et leur avoir calmement annoncé l’heure de sa mort. Il sera canonisé en 1622 et est fêté le 26 mai.