Ce saint normand fait partie des grands amis du Sacré-Cœur, en particulier grâce à l’héritage reçu des mystiques médiévaux du divin Cœur : les saints Bernard, Bonaventure, Mechtilde, Gertrude, Bernardin de Sienne… En plein jansénisme, poussé par le désir de faire connaître l’amour de Dieu au plus grand nombre, et son immense amour de la Sainte Vierge – à laquelle il a été consacré à sa naissance –, le Père Eudes est l’initiateur du culte public des Cœurs de Jésus et de Marie, pour lesquels il compose des messes et des offices propres, bien avant les fêtes qui seront instituées par l’Église aux XIXe et XXe siècles. Ces deux Cœurs sont, pour lui, « unis si intimement que le Cœur de Jésus est le principe du Cœur de Marie, comme le créateur est le principe de sa matière et que le Cœur de Marie est l’origine du Cœur de Jésus ». Ainsi, dès 1648, il fait célébrer, à Autun, la première fête liturgique du Cœur de Marie. Et, en 1672 – un an avant la première apparition de Paray-le-Monial –, la première fête liturgique du Cœur de Jésus, faisant de lui le précurseur de sainte Marguerite-Marie Alacoque.
La réparation au Sacré-Cœur
Quelques années avant les apparitions du Sacré-Cœur, il évoquait déjà la réparation qui lui est due, insistant sur la nécessité de « demander pardon à ce très bon Cœur de toutes les douleurs, tristesses et angoisses et martyres très sanglants qu’il a soufferts pour nos péchés […] et accepter pour l’amour de lui tous les ennuis, tristesses et afflictions qui nous arriveront jamais ». L’autre grande originalité théologique de Jean Eudes est d’avoir montré aux croyants que tous les trésors d’amour de la Trinité sont à leur disposition pour réparer leurs fautes et obtenir les grâces pour leur salut. Ils peuvent ainsi offrir eux-mêmes l’amour du Fils au Père : « Voilà le divin Cœur de votre Fils bien-aimé, que vous m’avez donné, lequel je vous offre pour satisfaire aux obligations que j’ai de vous adorer, de vous aimer, de vous rendre grâces, de vous satisfaire pour mes péchés. »
Son intense désir de permettre à tous de vivre de cet amour divin, le pousse à être missionnaire. Il animera des centaines de missions dans les paroisses normandes et bretonnes, où ses talents de prédicateur font merveille pour la conversion des cœurs.
Former les prêtres
Par ailleurs, dans la lignée de la réforme du concile de Trente, saint Jean Eudes est persuadé de l’importance de la formation des prêtres dans l’édification des fidèles. Cette conviction pousse le Père Eudes à quitter l’Oratoire de Bérulle, où il a été ordonné en 1625, pour fonder la congrégation de Jésus et de Marie – les eudistes –, en 1643. Le but de cette nouvelle société de prêtres est de leur offrir une solide formation spirituelle et intellectuelle, par la fondation de séminaires. Aussi mystique que théologien, il est l’un des maîtres de l’École française de spiritualité, avec Bérulle, saint François de Sales, saint Vincent de Paul…
Sa doctrine a fortement inspiré Pie XII pour sa grande encyclique sur le Sacré-Cœur, Haurietis aquas. Il a tellement fait avancer la doctrine des Cœurs de Jésus et de Marie que saint Pie X, lors de sa canonisation, le nomme « père, docteur et apôtre des cultes liturgiques des Cœurs de Jésus et de Marie », quoique sa cause pour être « docteur » de l’Église n’ait pas encore abouti… Il est porté sur les autels en 1925, en même temps que le Curé d’Ars et Thérèse de Lisieux. Une belle promotion française.