Saint François d’Assise n'est-il qu'un doux rêveur écolo ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Saint François d’Assise n’est-il qu’un doux rêveur écolo ?

Contrairement à l'image véhiculée, saint François prêchait avant tout l'amour crucifiant de Jésus-Christ. Méditation d’un capucin sur saint François le pénitent.
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L’Extase de saint François, 1594, Le Caravage, Wadsworth Atheneum, Hartford.

Le premier degré de la charité dans la pénitence est la pénitence pour soi, pour réparer le désordre intérieur et ainsi se conformer aux exigences de la perfection évangélique.

Il est impossible de comprendre saint François sans intégrer ce qui, pour lui, était une évidence : l’homme est profondément blessé par le péché originel. La chute a affaibli la créature et causé un désordre dans sa volonté comme dans son intelligence. Elle l’a rendue plus encline au mal qu’au bien et plus sensible à l’erreur qu’à la vérité. Faire pénitence permet de redresser le désordre causé par le péché. Saint François, qui avait couru après les vanités du monde, savait que, pour retrouver l’amitié perdue, pour aller à Dieu, il faut maîtriser son corps et le tempérer. « Tous ceux qui aiment le Seigneur de tout leur cœur […], qui ont en haine leur corps avec ses vices et ses péchés, et qui font des actes concrets de pénitence, oh ! que tous ces hommes et ces femmes sont heureux et bénis d’agir ainsi et de persévérer », écrit-il dans sa Lettre à ceux qui ont choisi la vie de pénitent. La lutte, en effet, n’est pas fictive ; pour répondre à des tentations concrètes, il faut des « actes concrets ». Il enseigna ce souci de l’ascèse à tous ses frères si bien que le premier nom qu’on donna à saint François et à ses frères fut celui de « pénitents d’Assise ».

L’amour crucifiant du Crucifié

La Croix est le signe de l’amour de Dieu pour le monde, et, par conséquent, la souffrance est devenue «  le bras droit de l’Amour pour notre régénération » (Padre Pio). L’Écriture assure que le Seigneur n’a pas varié dans sa manière d’aimer : « Je reprends et châtie tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle et repens-toi » (Apocalypse 3, 19). Ainsi, quand saint François affirme « Ô amour, qui nous avez tant aimé, je voudrais tant vous aimer ! », il veut la fin sans négliger les moyens, quels qu’ils soient…

Évidemment, il ne faut pas verser dans le dolorisme. Les pénitences ne sont pas une fin en soi, c’est la conversion du cœur à laquelle le Poverello aspire, mais la pénitence est le signe visible de la conversion. On pourrait dire, en reprenant saint Jacques, que la foi sans les œuvres est une foi morte et la conversion sans la pénitence est un mensonge. Comme sainte Marie-Madeleine, chez les convertis, la pénitence est bien souvent la mesure de leur amour. Or c’est en Marie-Madeleine que le Poverello revint à Dieu, et, comme elle, on pourrait dire de lui : « il a beaucoup aimé » (Luc 7, 47) car il a beaucoup souffert.

C’est d’ailleurs une relation réciproque car l’amour lui aussi cause la souffrance. Saint François disait vouloir parcourir la terre en pleurant la Passion de Notre Seigneur. Comme Notre-Dame au pied de la Croix, plus l’amour du Crucifié est brûlant, plus le glaive blesse profondément.

Nu comme un ver

La référence à la Croix n’est pas manifeste dans la Règle de saint François, qui est brève. On fait par exemple référence au jeûne, mais la Croix est partout présente par la pauvreté qu’impose la règle. Notre Seigneur était nu sur sa Croix, nu comme un ver ! La pauvreté franciscaine veut s’unir à la nudité de notre Rédempteur sur sa Croix. On sait comme saint François se dépouilla de ses habits devant son père en 1206. C’était le jour de ses noces avec Dame Pauvreté. L’habit qu’il revêtit ensuite était l’habit brun, du brun du bois de la Croix, lui-même en forme de croix. Cette seule tunique, comme le prévoit l’Évangile, annonçait déjà que, par la pauvreté, il comptait porter la Croix toujours et partout.

Le prix des âmes

Le mystère, à la fois si déconcertant et si profond, de la communion des saints fait savoir au catholique que, dans l’affaire du Salut, il n’est pas cloisonné de ses frères, mais qu’au contraire il peut prier, souffrir et mériter pour eux. Saint François connaissait bien l’avertissement du Sauveur : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous » (Luc 13, 3). Inquiet de la tiédeur des âmes, il voulait porter pour elles les croix qu’elles délaissaient. C’est la phrase audacieuse de saint Paul dans la Lettre aux Colossiens : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances du Christ, je l’achève en ma chair, pour son Corps, qui est l’Église » (Colossiens 1, 24).

Combien de larmes saint François n’a-t-il pas versées pour les pécheurs ? L’amour du Christ le poussait à vouloir coopérer à son plan de Salut par sa souffrance. Il faut rappeler les paroles du Padre Pio : « Si l’on savait le prix d’une âme ! Vous ignorez ce qu’elles coûtèrent à Jésus. Aujourd’hui c’est toujours avec la même monnaie qu’il faut les payer » (Le Secret du Padre Pio). En mourant sur la Croix, Jésus-Christ montrait à ses apôtres ce qu’il entendait en leur disant qu’« il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15, 13). Saint François n’a rien désiré de moins.

La joie de la Croix

C’est la charité qui console l’âme sur la Croix. Par l’effet de la grâce, ce qui était amer devient doux. L’éternelle fécondité et l’éternelle suavité de la Croix se découvrent à qui ose s’y risquer. C’est à l’origine de la conversion de saint François. Lui que les lépreux répugnaient, il a vaincu son dégoût, il les a servis dans les léproseries et l’horreur s’est transformée en douceur. Le stigmatisé, par sa vie si douloureuse et à la fois si joyeuse, apprend de quelle manière la Croix devient douce à qui sait l’embrasser. Sur cette terre, c’est par la souffrance que l’on peut goûter le plus parfaitement la béatitude céleste. Elle est un appel de Dieu à un amour plus profond, plus intense, à le goûter lui-même plus parfaitement.

Sœur la Mort

Le Cantique des créatures de saint François est devenu très connu. À la fin de cette ode spirituelle, François, malade et alité, salue sa « sœur la Mort corporelle ». La mort du juste accomplit en effet la ressemblance commencée dans sa vie. Débarrassé de ce « corps en proie aux vers » (Lettre à ceux qui refusent la vie de pénitents), saint François peut renaître en Jésus-Christ. Le stigmatisé qui chante la mort ne veut pas « sauver la planète ». Il attend au contraire la délivrance du corps de péché (Romains 6, 6) pour rejoindre la vraie patrie où Dieu fait « toutes choses nouvelles » (Apocalypse 11, 5). Là il n’y aura plus ni Lune ni Soleil, plus de nuit et plus de jour « car le Seigneur Dieu les illuminera » (Apocalypse 22, 5). François, comme Jésus-Christ, ne voulait rien sauver d’autre que les âmes.

La réalité physique des stigmates montre de manière éclatante la façon dont Dieu aime et reconnaît ceux qui marchent, avec son Fils, sur la voie de la Croix, méprisant ce monde pour le prochain. C’est l’esprit de la Croix, celui de saint François, l’Esprit d’Amour qui embrase le cœur des fidèles, en qui se fait une création nouvelle et qui renouvellera la face de la Terre.