Situation étrange. En cette rentrée politique, ceux qui nous gouvernent semblent être en peine de définir un cap, comme enfermés dans un labyrinthe, entrelacs d’intérêts de partis déconnectés des attentes des Français, et dont personne ne paraît plus détenir la clef… Le fameux labyrinthe figurant au sol de la cathédrale de Chartres en donne une bonne image sur le plan religieux : on peut s’y perdre, à moins de lever les yeux vers le Ciel pour en trouver l’issue.
Face au « nihilisme d’en haut »
Et c’est valable aussi pour la politique. Pour s’évader de ce labyrinthe où s’enferme l’intelligence humaine lorsqu’elle travaille pour son propre compte, remarquait le bénédictin Dom de Mauléon, « il faut un guide, il faut un pilote, il faut un Roi » qui règne sur les pensées et les actes : le Christ. Face à la démission des élites, ce que le sociologue Christophe Guilluy appelle le « nihilisme d’en haut », le cap doit être très clair. C’est déjà ce que prônait dans sa première encyclique saint Pie X, canonisé il y a 70 ans, avec une hauteur de vues toujours valable aujourd’hui. Le diagnostic était limpide. Les divisions internes à l’Occident, malgré les progrès de la civilisation, sont le signe d’une maladie grave et profonde : « l’abandon de Dieu et l’apostasie ». Le remède, lui, consiste à choisir d’abord le seul parti de l’ordre vraiment efficace : « le parti de Dieu », affirmait le pape, afin de « tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l’obéissance divine ».
Certes, un siècle plus tard, la marche peut sembler haute à franchir. Voire, à vues humaines, impossible. Mais outre que le mot n’est pas français, il faut se souvenir également de la prophétie du même Souverain pontife, en 1911, adressée à la France : « Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts baptismaux de Reims se repentira et retournera à sa première vocation. » C’est-à-dire que les racines de ce vieux pays chrétien sont si anciennes, et pour une part encore vivaces, qu’un sursaut – un miracle ! – est toujours possible. Qui eût cru, dix ans après la mort de Pie X, en 1924, que le général de Castelnau, fondateur de La France Catholique, réunirait des centaines de milliers d’hommes catholiques contre le laïcisme du cartel des gauches ? Nous en reparlerons très prochainement, lors du centenaire de votre journal !
Mais cette promesse suppose également une condition. Sans rêver à des lendemains qui chantent, avancer patiemment, à commencer par le local, là où des marges de manœuvre subsistent encore : familles, écoles, paroisses, entreprises…. Et surtout, transmettre, étudier, approfondir humblement les trésors de foi et de culture que recèlent l’histoire de l’Église, ses saints, la grâce de ses sacrements, tout en s’affranchissant du présupposé révolutionnaire selon lequel toute tradition est bonne à jeter aux oubliettes !
Le millénaire de la cathédrale de Chartres, mis à l’honneur dans ce numéro de rentrée, invite ainsi à se souvenir du fameux mot attribué à Bernard de Chartres (XIIe siècle) , qui participa à la sérieuse réforme intellectuelle et morale de son époque en considérant que « nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants ». Le secret de tout véritable progrès se trouve là : dans l’humilité et la piété filiale de qui se sait redevable de ses pères, des Anciens, et, au final, de Dieu. Bonne rentrée !