Juan Diego est un Aztèque de 57 ans, converti au catholicisme depuis six ans. Ses contemporains le présentent comme un homme dévoué à sa famille, humble, à l’âme mystique. Chaque samedi, il se rend non loin de Mexico pour faire son marché et suivre l’enseignement religieux dispensé par les franciscains. C’est sur le chemin de la ville que la Vierge lui apparaît, à l’aube du 9 décembre 1531. L’apparition revient pendant quatre jours. Au matin du 12 décembre, elle confie à Juan Diego des roses qu’il va présenter à l’évêque pour le convaincre de la véracité de son récit. Au moment d’ouvrir son manteau pour montrer les fleurs, une représentation de la Vierge apparaît sur le tissu.
Sacrifices humains
L’apparition de la Vierge et l’image qu’elle laisse sur la tilma sont des éléments essentiels pour l’évangélisation de l’Amérique centrale. Remettons-nous dans le contexte de l’époque. Les premiers Espagnols ne sont arrivés au Mexique qu’en 1519, douze ans avant l’apparition. À travers la civilisation aztèque, ils découvrent une société très élaborée, mais totalement imprégnée par une religion qui réclame l’organisation de sacrifices humains, sous peine de voir le monde s’effondrer. Ne pouvant accepter ni ces sacrifices, ni l’anthropophagie pratiquée dans certaines circonstances, les Espagnols s’allient aux autres tribus locales pour anéantir l’empire aztèque. Tout le système politico-religieux aztèque disparaît en quelques années, plongeant la population dans une période de crise existentielle très angoissante.
Une dizaine de franciscains sont envoyés par l’Espagne dans le Nouveau Monde, mais l’évangélisation progresse avec difficulté en raison des exactions commises par certains conquistadors. Leur comportement cruel contredit en effet radicalement le message d’amour et de paix apporté par les religieux. L’apparition de la Vierge Marie en 1531 se manifeste comme un témoignage vivant de la foi catholique, mais aussi comme une œuvre de conciliation entre les Aztèques et les Espagnols.
Les traits d’une jeune Aztèque
Apparition et image sont une véritable catéchèse pour les Aztèques. La Vierge apparaît sous les traits d’une jeune fille aztèque. Elle parle au voyant dans sa langue maternelle, le nàhuatl. Elle l’appelle par son nom de baptême, Juan Diego, mais aussi par son nom aztèque, Cuauhtlatoatzin – « l’aigle qui parle». Dès la première apparition, elle se présente : « Je suis Marie de Nazareth, la Vierge immaculée, la mère du vrai Dieu pour qui nous existons », faisant ainsi œuvre de pédagogie pour le voyant mais aussi pour tous les Indiens.
Les chrétiens européens qui découvrent l’image sur la tilma reconnaissent la Vierge de l’Apocalypse : le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds, elle est enceinte. Mais Marie est aussi parée de nombreux éléments issus de la culture aztèque. Son manteau est bleu turquoise, couleur qui symbolise la majesté chez les Aztèques. Sa tunique rose est recouverte de fleurs dorées.
Une fleur solaire
On peut y voir entre autres huit iris, symboles de résurrection. Une autre fleur a une importance particulière. Située juste sous le nœud de la ceinture, elle correspond à la représentation symbolique du jasmin mexicain, fleur solaire dans la mythologie aztèque. Positionnée sur la robe juste à l’emplacement de l’embryon que la Vierge porte en elle, cette fleur indique aux Aztèques que Marie est bien la mère de Dieu. De surcroît, la date – 1531 – est une date charnière dans le calendrier aztèque. Elle correspond à la fin d’un cycle et au début d’une ère nouvelle. Ainsi, l’apparition de Guadalupe intègre dans la foi catholique des éléments de la culture aztèque, modèle admirable d’inculturation parfaitement réussie.
Cependant, la portée de la tilma dépasse largement le XVIe siècle, en raison du caractère inexplicable de l’image pour la science actuelle. À partir des années 1930, le manteau fait l’objet d’analyses scientifiques de plus en plus poussées. On découvre que l’image n’est pas peinte sur le tissu, mais comme fixée dans les fibres, à l’instar d’une pellicule photographique – tout comme le Saint-Suaire. Les pigments colorés sont de nature inconnue, et on n’arrive d’ailleurs pas à reproduire les couleurs, ni le bleu du manteau, ni le rose de la tunique. On a aussi découvert que les étoiles du manteau reproduisent exactement les constellations visibles au-dessus du Mexique au matin du 12 décembre 1531. Plus étonnant encore : des analyses ophtalmologiques ont permis de découvrir plus de treize personnes se reflétant dans les pupilles de la Vierge.
Le 24 avril 2007, un phénomène miraculeux se produit à la fin d’une messe célébrée pour les enfants avortés. Les visiteurs et les fidèles voient une lumière intense émaner du ventre de la Vierge, constituant un halo brillant en forme de fœtus. La lumière paraît sortir littéralement du ventre de la Vierge. Ce phénomène dure quelques instants puis disparaît progressivement. Depuis ce temps, on a pris l’habitude de confier à Notre-Dame de Guadalupe la vie des enfants à naître.
La tilma de Guadalupe n’est pas uniquement le témoignage de l’évangélisation ancienne des Amériques ; elle est aussi une voie pour l’évangélisation contemporaine, l’impossibilité de la science à expliquer l’origine de l’image nous ramenant à un questionnement surnaturel.
Au cinéma le 4 décembre
Passionnant documentaire
Produit dans le cadre de la préparation du 5e centenaire des apparitions de Notre-Dame de Guadalupe (2031), ce documentaire espagnol est distribué en France par la société SAJE. Sa sortie est prévue pour le 4 décembre. Très bien documenté, le film entremêle avec justesse et équilibre une reconstitution historique des apparitions, une présentation des analyses effectuées sur la tilma, un documentaire avec des témoignages de conversions et de guérisons, ainsi qu’une contextualisation historique, brève mais très efficace. Ce mélange des styles rend le film particulièrement attractif pour toute la famille. Chacun trouvera son compte dans cette passionnante et émouvante présentation de Notre-Dame de Guadalupe.