Quarante jours en mémoire des quarante jours dans le désert : durant le Carême, les chrétiens sont invités à suivre le Christ au désert, afin de se préparer pour Pâques. « Le Carême est le temps où nous devons nous remémorer le don du Christ sur la Croix, c’est-à-dire le prix payé par Dieu pour notre salut, explique le Père Cédric Burgun, professeur de droit canonique à la Catho de Paris. Pour cela, l’Église propose différents moyens, dont l’esprit de pénitence. » Cet « esprit de pénitence » est codifié de manière très précise par l’Église dans son droit canon et rappelé dans son Catéchisme.
Sobriété en tout
L’abstinence est le premier volet. Consistant à ne pas manger de viande – considérée durant des siècles comme un mets délicat – , elle est de rigueur, comme le reste de l’année, tous les vendredis – hors solennité –, ainsi que lors du mercredi des Cendres et du Vendredi saint. Ces deux jours voient s’ajouter à l’obligation d’abstinence celle du jeûne : se priver « substantiellement » de nourriture. Ce dernier point a d’ailleurs été allégé depuis 1966 : le jeûne était alors exigé tous les jours de Carême ! Bien qu’exigeant, le jeûne doit être observé avec sobriété dans l’attitude, afin de suivre la recommandation du Christ lui-même : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites » (Mt 6, 16).
« Si l’Église codifie jeûne et abstinence, c’est pour donner à l’homme, telle une mère, un cadre, afin de lui permettre d’objectiver l’esprit de pénitence, qui peut sembler un concept un peu vague, relève le Père Cédric Burgun. Ce cadre permet de surcroît de vivre la pénitence de manière communautaire : ensemble nous jeûnons, ensemble nous recevons les Cendres… » Une pénitence de Carême communautaire, même si tous les fidèles ne sont pas tenus de l’observer : l’abstinence n’est obligatoire qu’à partir des 14 ans révolus, tandis que le jeûne est à observer de la majorité jusqu’à « la soixantième année commencée » (CIC 1252). Pour autant, les enfants ne sont pas en reste, l’Église demandant qu’ils soient « formés au vrai sens de la pénitence » (ibid).
Effort de Carême
Quant au fameux « effort de Carême », il est laissé à la discrétion des fidèles. « Il y a deux types d’efforts de Carême : l’effort de conversion, en prenant un point de notre vie sur lequel nous choisissons de travailler, sans pour autant s’arrêter à Pâques, souligne le Père Cédric Burgun. Il y a également l’effort lié au jeûne : s’abstenir de telle ou telle chose à laquelle nous sommes attachés, afin de ressentir, par le manque exprimé, la Passion du Christ et le manque de Dieu dans notre vie. »
Depuis quelques années, de nombreux « parcours de Carême », influencés par ceux venus des États-Unis, associent engagement de prière et engagement d’efforts physiques ou de mortification. « Il faut garder en tête que le bon effort est celui qui nous tourne vers le Seigneur, met en garde le Père Cédric Burgun. Si, au bout de quarante jours, on se tourne vers soi-même en s’écriant : “J’ai réussi mon effort !”, c’est sans doute qu’il n’était pas ajusté… Car le Carême ne se gagne pas à la force du poignet et l’effort ne doit pas nous faire croire que nous avons gagné le Salut, qui est toujours gratuit. »
Obligation de discrétion
Dernier grand axe du Carême : l’aumône. Cette dernière est assortie, comme le jeûne, d’une obligation de discrétion : « Quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi » (Mt 6, 2). Concrètement, elle passe par l’engagement auprès des pauvres, aussi bien contre la pauvreté matérielle que la « pauvreté culturelle et religieuse » (CEC 2444). Là encore, la pénitence n’est jamais loin, comme l’avait rappelé le pape François en 2014 : « N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand-chose. Je me méfie de l’aumône qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal. »
Pour aller plus loin :
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