En recevant les représentants des différentes religions du pays, à l’occasion des vœux de nouvelle année, Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur la loi de 1905, dont on célèbre le 120e anniversaire. De son côté, le pape François, lors de sa récente visite en Corse, avait abordé le thème de la laïcité, rejoignant son prédécesseur Pie XII, qui avait parlé, en son temps, de la nécessité d’une « saine laïcité ». On sait que le mot est lié à une certaine forme de culture politique française, le plus souvent méconnue à l’étranger. Il est vrai qu’il n’est pas dépourvu d’ambiguïté. Lorsqu’on désigne quelqu’un comme un laïque convaincu – bien noter l’orthographe qui se distingue du laïc, c’est-à-dire du non-clerc –, on signifie par là son opposition souvent radicale à toute forme de spiritualité religieuse. La référence à Voltaire et à l’esprit voltairien, synonyme d’hostilité au christianisme (ainsi qu’au judaïsme), est alors de mise.
Entreprise de déchristianisation
Voilà qui renvoie à l’entreprise de déchristianisation de la seconde phase de la Révolution française et à ses prolongements ultérieurs. Il ne fait pas de doute que la IIIe République à ses débuts s’est distinguée par un anticléricalisme virulent. Celui qui s’est traduit notamment par l’expulsion des congrégations religieuses du territoire national. Les historiens estiment de 50 000 à 70 000 le nombre de religieux et de religieuses chassés par un pouvoir bien décidé à combattre l’influence chrétienne, particulièrement dans le cadre scolaire. On n’a pas oublié l’exemple des moines de la Grande Chartreuse, obligés de quitter sans douceur leur célèbre site, en dépit des protestations de la population.
Lorsqu’une loi de séparation des Églises et de l’État mettant fin au régime de Concordat napoléonien, est envisagée, c’est toujours dans le même climat hostile. Mais l’intervention d’Aristide Briand va modifier profondément l’esprit de la loi, en distinguant ce qui relève du religieux et ce qui relève du politique, avec cet avantage de conférer à l’autorité spirituelle sa pleine autonomie. On a un peu oublié que les plus farouches des anticléricaux étaient alors hostiles à cette autonomie, préférant garder ce que le Concordat supposait de prédominance de l’État.
Liberté de conscience
De 1905 sont nées de nouvelles relations, avec une autre définition du concept de laïcité. Progressivement, on est passé de l’hostilité à la pacification, espérant qu’on pourrait aller jusqu’à la bienveillance et à la sauvegarde des libertés de conscience et de religion.
Est-ce à dire que toutes les difficultés ont été levées ? Sûrement pas, d’autant que la commune référence à ce que Jules Ferry appelait « la morale de nos pères » a disparu. Les sujets sociétaux à forte teneur anthropologique divisent profondément l’opinion et débouchent sur des désaccords radicaux. On s’en est aperçu lors de la visite du pape en Belgique, qui a provoqué de véritables incidents diplomatiques. Mais si l’on prend au sérieux l’indépendance du spirituel, il faut admettre qu’il parle haut et fort, comme il l’entend.