La plaque qui se trouvait jadis au centre du labyrinthe en rappelait le sens païen le plus primitif – sans que cela soit péjoratif : en représentant le mythe de Thésée triomphant du Minotaure dévoreur d’enfants au cœur du labyrinthe construit par Dédale, la plaque signifiait la lutte et la victoire du Bien contre le Mal. Pourtant, au début du XXe siècle, s’y est greffé un sens ésotérique, lorsque la cathédrale fut l’objet de multiples recherches. Des théories apparurent affirmant que l’édifice contiendrait des trésors cachés, comme l’Arche d’alliance de l’Ancien Testament, ou encore qu’elle serait parcourue de faisceaux d’ondes plus ou moins positives…
Un sens spirituel
Certes, la cathédrale porte des « ondes positives » au sens large du terme : ses pierres ont été témoins de tant de prières et du passage de tant de saints, porteurs de la grâce de Dieu ! Sans compter que le Seigneur lui-même habite sa demeure. Mais aujourd’hui, certains semblent sacraliser le labyrinthe en y marchant pieds nus, le regard dans les hauteurs de la cathédrale pour capter de mystérieuses énergies… On comprend que l’Église interdise ces déploiements excentriques, pour les canaliser vers une initiation pleinement humaine et chrétienne : des panneaux explicatifs, de chaque côté du labyrinthe, sont là pour aider à voir clair et des bénévoles chrétiens sont là aussi, prêts à entamer un dialogue.
Le sens du labyrinthe de Chartres est à chercher du côté du spirituel. Celui qui l’emprunte en cherche tout de suite le centre, mais il s’aperçoit qu’il lui faut faire bien des détours en persévérant patiemment pour y arriver… Cette démarche peut être pour certains une petite école de recherche de sens à leur vie : ils marchent dalle sur dalle, lentement, réfléchissent et vont, peut-être, au centre d’eux-mêmes. Et si ce chemin ne conduit pas vers le narcissisme, alors peut-être ces 261 mètres leur permettront-ils de prier à leur façon, d’élever leur âme vers une dimension spirituelle de leur vie.
Mais le sens le plus important est bien sûr le sens chrétien. En parcourant le labyrinthe, les chanoines du XIIIe siècle voulaient initier les fidèles à une foi éclairée : rencontrer le Christ mort et ressuscité, vainqueur du péché et de la mort. Ils affirmaient que ce Seigneur, maître du temps et de l’Histoire, sorti du tombeau, était le nouveau et vrai Thésée. Lui seul, Jésus, a traversé les enfers de nos vies et le dédale de toute existence. Vainqueur du Mal, c’est lui qui est le vrai chemin.
C’était surtout à Pâques que cette catéchèse s’élaborait dans une gestuelle symbolique. On mimait cette suite de Jésus pour aboutir vraiment au Christ lumière du monde. Au Carême surtout, il pouvait servir comme parcours pénitentiel. À genoux, ou debout, on pensait rejoindre les pèlerins de Jérusalem ou ceux de Saint-Jacques-de-Compostelle : chemin de repentir ou d’action de grâces, chemin de purification pour rejoindre le Christ en soi et ensuite le rencontrer dans son Eucharistie. La rose centrale de la façade ouest, d’un diamètre de 13,36 mètres, peut s’appliquer très exactement sur le labyrinthe : le Christ ressuscité de cette rose centrale rejoint ainsi le centre du labyrinthe où s’illustrait la victoire sur le Mal. Merveilleuse symbolique !
Gare cependant à ne pas s’arrêter au labyrinthe, qui ne doit être qu’une étape. Il faut aller jusqu’au bout de la nef, au centre de la cathédrale : le tabernacle où bat le Cœur de Dieu. À Chartres, c’est d’abord Notre-Dame qui nous accueille en son porche royal. Elle nous conduit, le plus directement possible… jusqu’à la Croix, à l’autel, au tabernacle, présence du Ressuscité !
Prier 15 jours avec Notre-Dame de Chartres, P. Jacques Pottier, Nouvelle Cité, 128 pages, 12 €.