Quand les saints nous aident à prier - France Catholique
Edit Template
Carême. La puissance de l'oraison
Edit Template

Quand les saints nous aident à prier

© Pascal Deloche / Godong

© Pascal Deloche / Godong

Quand les saints nous aident à prier

Quand les saints nous aident à prier

Au début des 40 jours qui mènent à Pâques, l'Église recommande d'intensifier l'aumône, la pénitence et la prière pour approfondir sa relation à Dieu. Les saints ne sont pas avares de conseils pour vaincre les obstacles à la prière.
Copier le lien

« L’Esprit Saint vient au secours de notre propre faiblesse car nous ne savons pas prier comme il faut », explique saint Paul dans sa lettre aux Romains (8, 26). À l’instar de l’Apôtre des nations, tous les saints ont soutenu que la prière était un défi et un combat dans leur vie spirituelle : contre eux-mêmes et contre tout ce qui détourne de Dieu. Leur sainteté résulte non pas tant d’une vie exemplaire que d’une persévérance à prier quand tout va mal, quand l’âme s’emplit de tristesse ou connaît les affres des ténèbres de la foi.

Sans subir une telle épreuve, saint Bernard de Clairvaux confessait volontiers qu’il lui arrivait d’être distrait dans la prière. Un jour qu’il voyageait à cheval en compagnie d’un paysan, ce dernier lui confia qu’il avait bien de la chance de passer sa vie à prier. Saint Bernard lui rétorqua que la prière était sans doute plus difficile que de labourer la terre, ce dont douta son interlocuteur. Le moine lui dit alors que, s’il arrivait à réciter un Notre Père sans que son esprit ne vagabonde, il lui donnerait son cheval. Le paysan releva le défi, tout joyeux de considérer l’animal comme acquis. Mais à peine était-il à la moitié du Notre Père qu’il se demanda s’il aurait la selle de Bernard avec le cheval ! Aussitôt, il se rendit compte de sa distraction et en avisa le saint.

S’il est possible de se perdre dans les rêveries en récitant le Notre Père alors qu’il s’agit de la prière simple et accessible par excellence, enseignée par le Christ pour nous apprendre à prier, comment arriver à aller plus loin dans un cœur à cœur avec Dieu ? Comment répondre à sa demande, qui donne l’esprit du Carême ? « Toi quand tu veux prier, retire-toi dans ta chambre, prie ton Père qui est présent dans le secret. Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 6-8) ?

La prière peut prendre plusieurs formes. Elle peut être une prière de louange, de demande ou d’intercession. Elle peut être une oraison – c’est-à-dire un tête à tête avec Dieu dans un silence plus ou moins prolongé. Intrinsèquement, elle est, selon saint Augustin, l’envie de « maintenir vivant ce désir continuel de Dieu. Les soins et les affaires d’ici-bas attiédissent notre désir. C’est pourquoi, à certaines heures et à certains temps fixés, nous prions aussi Dieu avec des paroles ; par ces paroles, nous nous avertissons nous-mêmes de reprendre nos élans, et nous empêchons que notre esprit soit attiédi et se refroidisse complètement ; il s’éteindrait même totalement, faute d’être ranimé fréquemment » (Lettre 130 à Proba).

Saint Augustin évoque aussi la question de la pertinence de la prière, puisque Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous-mêmes : « Il peut paraître étonnant que celui qui nous exhorte à prier […] soit celui-là même qui sait ce qui nous est nécessaire avant que nous le lui demandions. Alors, pourquoi Dieu fait-il cela ? Nous pourrions nous en inquiéter, si nous ne comprenions pas que le Seigneur notre Dieu n’attend certes pas que nous lui apprenions ce que nous voulons, qu’il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s’excite par la prière, afin que nous soyons capables d’accueillir ce qu’il s’apprête à nous donner. Car ce que Dieu nous réserve est très grand, tandis que nous sommes petits et de pauvre capacité pour le recevoir. Voilà pourquoi il nous a été dit : Dilatez-vous » (Lettre 130, à Proba).

Dieu est à l’œuvre dans la prière

Ce don que Dieu nous fait de lui-même dans sa présence, cet appel au désir de le rencontrer dans la prière s’adresse à chacun d’entre nous et non à une élite. Pour arriver à le prier, il faut comprendre que la vie spirituelle ne repose pas tant sur nos efforts – qui sont cependant nécessaires – que sur l’initiative de Dieu, sur sa grâce et sur ce qu’il fait en nous pendant le temps de prière. C’est pourquoi sainte Thérèse de Lisieux ne culpabilisait pas lorsqu’elle s’endormait pendant l’oraison car il s’agit moins de faire quelque chose que de nous livrer à l’action de Dieu dans une attitude d’abandon et de profonde disponibilité. La jeune carmélite confiait dans un manuscrit autobiographique : « Je pense que les petits enfants plaisent autant à leurs parents quand ils dorment que lorsqu’ils sont éveillés. »

Mais alors, si Dieu est à l’initiative, si c’est lui qui met dans nos cœurs l’amour avec lequel nous pourrons l’aimer, pourquoi tant de saints insistent-ils sur la notion de combat ? Sainte Thérèse d’Avila l’explique en soulignant l’importance de la persévérance et de la détermination pour avoir une vraie vie de prière sans laquelle il n’y a pas d’accroissement de la vie spirituelle : « L’homme qui persévère est comme un homme qui jette son seau dans un puits. Au début, il ne reçoit que de la boue. Mais s’il a confiance et persévère : un jour viendra où ce sera une eau très pure qu’il trouve dans son propre cœur. »

Sans fidélité quotidienne à un temps passé avec Dieu, nous ne pouvons recevoir suffisamment son amour pour être sanctifié. « Qui fuit l’oraison fuit tout ce qui est bon », affirme saint Jean de la Croix. Même les saints les plus engagés au service de la charité étaient de grands amoureux de la prière. Saint Vincent de Paul commençait chacune de ses journées par deux ou trois heures d’oraison.

Les premières heures du matin

Y a-t-il un moment privilégié pour prier dans la journée ? Tous les saints choisissent les premières heures du matin « parce que l’esprit est plus frais et moins dispersé après le repos de la nuit », note saint François de Sales, mais aussi parce que les fruits de la prière – la paix, la maîtrise de soi, la compassion envers les autres, la patience – fécondent la journée. C’est pourquoi la réflexion souvent entendue dans notre monde surchargé d’activités, « Je voudrais prier mais je n’ai pas le temps », n’est pas une excuse. Le temps donné à Dieu n’est pas un temps volé aux autres. Il nous rend meilleurs et les autres ne vont pas s’en plaindre.

Si pour autant, prier reste difficile, tous les saints préconisent de se mettre en présence de Dieu, de faire silence, de descendre dans notre cœur et de rester paisiblement en présence du Christ qui nous habite. Ainsi nous rejoindrons « notre cellule intérieure », selon les mots de sainte Catherine de Sienne. Pour inspirer ses ouailles, le saint Curé d’Ars prenait l’exemple d’un humble paysan qui, chaque matin, avant d’aller aux champs et, chaque soir, après sa journée de labeur, s’arrêtait à l’église pour passer un moment devant le Saint-Sacrement. À la question : « Que dites-vous au Seigneur pendant vos visites ? », il répondait : « Je ne lui dis rien, je l’avise et il m’avise, je le regarde et il me regarde ».

Une prière toute simple permet aussi de conduire les âmes à la prière intérieure : la prière du cœur qui, selon la tradition chrétienne orientale, notamment russe, consiste en la répétition d’une phrase brève comme : « Seigneur Jésus, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur. » Elle s’inscrit dans la tradition biblique racontée par saint Macaire, l’un des pères du monachisme dans le désert égyptien : « Ainsi doit-il en être pour nous du nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Si nous mâchons ce nom béni en le prononçant constamment, il apporte dans nos âmes toutes douceurs […] et chasse toutes pensées mauvaises. »

Sainte Élisabeth de la Trinité compare enfin l’âme au lieu où Dieu veut demeurer et où, plus encore, il veut faire son lieu de repos. Elle cite ce verset de l’Évangile de Jean qu’elle médite souvent : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure. » Peut-on connaître plus belle motivation ?