Que se passe-t-il au « jugement particulier », au moment de la mort ?
Abbé Jean de Massia : À l’instant de notre mort, notre âme se sépare du corps. C’est un état de violence – conséquence du péché originel – car nous sommes créés corps et âme. L’âme paraît alors immédiatement devant Dieu. Elle est jugée sur les actes de sa vie et sur l’état dans lequel elle se trouve à cet instant. Si la personne s’est obstinée contre Dieu jusqu’à la fin – donc en mourant en état de péché mortel non confessé et non pardonné –, Dieu ne peut pas la forcer à entrer au Ciel, alors qu’elle l’a rejeté. Il prend trop au sérieux la liberté qu’il nous a offerte pendant notre vie pour la mépriser au dernier moment. L’âme de cette personne va donc en Enfer. Au contraire, si elle est pure, elle accède immédiatement au bonheur du Ciel ; ou séjourne au purgatoire, si elle doit être purifiée avant d’entrer au Ciel.
Est-ce Dieu qui juge l’âme ?
Aujourd’hui, on a beaucoup de mal avec la notion de Dieu juge : on a l’impression que cela diminue sa miséricorde. Mais, si Dieu est miséricordieux, il est aussi juge, qui récompense et rétribue. C’est donc bien lui qui attribue la peine ou la récompense lors du jugement particulier. L’âme est totalement consentante à ce jugement car elle se voit alors en parfaite vérité dans la lumière de Dieu et, sachant qu’il est juste, elle accepte ses décisions.
Qu’est-ce que Jésus appelle le « péché contre l’Esprit Saint » ?
Ce sont les âmes qui refusent d’être pardonnées, d’accueillir la miséricorde de Dieu ; elles sont alors confrontées à sa justice. C’est toute la différence entre Judas et saint Pierre.
Les hommes politiques qui votent des lois contraires à la loi naturelle mettent-ils en danger le salut de leur âme ?
Ce n’est pas à nous de juger s’ils sont en état de péché mortel car nous ne connaissons pas leur degré de conscience. Mais il est certain qu’ils mettent gravement en péril le salut de leur âme. Normalement, l’Église refuse ou devrait refuser la communion à ces personnes si elles ne font pas de repentance publique.
Que deviennent ceux qui ne croient pas au Christ ?
Au Ciel, il n’y aura pas que des catholiques pratiquants. À l’inverse, il y aura sans doute des pratiquants en enfer s’ils ont fait n’importe quoi de leur vie… L’Évangile dans lequel Jésus dit : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger » nous donne une grande espérance. Prenons une personne qui est dans l’ignorance de la foi, par exemple parce qu’on lui a présenté une mauvaise image du christianisme. Si cette personne n’a pas refusé explicitement Jésus, et si elle suit la loi naturelle et le bien que lui dicte sa conscience, alors le Christ pourra la toucher par sa grâce et la sauver. Seul Jésus sauve. Mais il est bien plus difficile de suivre le bien en dehors de l’Église visible et de la grâce des sacrements. Voilà pourquoi il est très grave d’encourager les gens à demeurer dans leur athéisme ou dans une autre religion, car il y a un très grand danger pour leurs âmes. Nous avons le devoir d’être missionnaires.
Irons-nous tous au purgatoire ?
Il est bon de désirer plutôt être, dès aujourd’hui, le saint que Jésus espère ! Le Seigneur désire nous faire entrer au Ciel par la grande porte, dès notre mort. Le but de la vie chrétienne n’est pas d’éviter de justesse l’enfer mais de nous sanctifier en faisant grandir en nous l’amour. C’est sur terre qu’il faut faire notre purgatoire, en nous purifiant par l’amour, la vie de prière, les actes bons, les sacrifices, les souffrances acceptées et offertes.
Quelles seront les souffrances de l’enfer ?
La principale est la peine du dam : l’âme sait qu’elle est faite pour Dieu et qu’elle en sera privée pour l’éternité. Elle est totalement déchirée de s’être révoltée et coupée de ce pour quoi elle a été créée. Rien ne pourra jamais compenser ce manque et consoler cette peine. L’autre peine de l’enfer est la peine du sens : quand on s’est trop attaché aux choses de la terre, l’âme reçoit une peine liée à cet attachement déréglé.
Peut-on vraiment choisir le mal de manière totalement libre sur terre ?
Dieu a donné à l’homme la capacité de faire des choix qui déterminent sa vie et il respecte infiniment cette liberté. Par ailleurs, il ne cesse de nous donner sa grâce pour nous aider à faire les bons choix. À nous d’accepter ou non. Mais il peut arriver cependant que, chez certains, la liberté soit trop diminuée pour faire des choix vraiment libres. On peut s’interroger ainsi sur le degré de liberté de certains suicidés…
Justement, qu’en est-il des personnes qui choisissent le « suicide assisté » ?
L’Église catholique affirme clairement que le suicide est un acte gravement immoral , contraire à l’amour de soi, à l’amour des autres. Surtout, il s’oppose à l’Amour de Dieu qui nous donne la vie en cadeau, et qui en reste le Maître. Il en est de même pour l’euthanasie, qui subvertit complètement le sens de la « bonne mort », c’est-à-dire de la mort en état d’amitié avec Dieu. Après, nous ne sommes pas dans le secret de Dieu, et nous devons prier pour le salut de ces personnes : Dieu peut jusqu’au dernier instant se réserver une voie pour convertir l’âme. Ainsi, le Curé d’Ars eut la vision d’un homme qui, sautant d’un pont pour se donner la mort, fut touché par la grâce et récita un acte de contrition juste avant de mourir.
Au paradis, que vivrons-nous ?
Au Ciel nous verrons Dieu ! Et serons avec Jésus, celui que nous aurons cherché et aimé par-dessus tout sur terre. Toutes les joies de la terre ne sont qu’un très pâle reflet de cette joie du Ciel. À l’inverse, les manques, que nous pouvons ressentir douloureusement, sont l’empreinte que Dieu a laissée dans notre âme de sa présence et du bien absolu pour lequel nous sommes faits et dont nous serons comblés enfin au Ciel. Il y aura aussi d’autres joies « secondaires » : la compagnie des saints, l’arrivée d’un pécheur converti au Ciel, la rencontre avec ceux que nous aurions aimé rencontrer, les retrouvailles avec nos proches… Et les relations que nous n’aurons pas pu vivre dans l’amour parfait sur la terre seront transfigurées. Ce sera la cité sainte, tous les liens seront vécus en plénitude.
Que se passera-t-il à la fin des temps ?
À la fin du monde – la parousie –, il y aura plusieurs événements extraordinaires. Le premier sera le retour du Christ en gloire, qui régnera et détruira tout mal de la création, dont la mort. Le deuxième sera la réunification de nos âmes avec nos corps physiques, qui seront glorieux et ne connaîtront plus la souffrance. Nos âmes sans corps ne sont pas complètes car nous sommes créés avec nos corps, c’est pourquoi nous les retrouverons. Ce sera la fin du monde tel que nous le connaissons : il y aura « une terre nouvelle » (Ap 21, 1), dont nous ne savons pas encore à quoi elle ressemblera. Mais la joie essentielle sera la contemplation de Dieu face à face.