Père Michel Gitton : « Notre vie n’est pas faite pour qu’on la garde mais qu’on la donne » - France Catholique
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Un autre regard sur le poverello
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Père Michel Gitton : « Notre vie n’est pas faite pour qu’on la garde mais qu’on la donne »

Le Père Michel Gitton, notre chroniqueur, témoigne de sa mission de prêtre à l'occasion de ses 50 ans de sacerdoce.
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Quel est le sentiment qui vous anime aujourd’hui ?

Père Michel Gitton : Une grande action de grâce, de voir que le Seigneur m’a gardé dans la ferveur, et j’espère dans le goût du service. Ma joie est aussi d’avoir toujours été en contact avec des jeunes, avec leur enthousiasme, leur désir de servir.

En quoi votre mission au Sacré-Cœur de Montmartre, avec Mgr Charles, vous a-t-elle marqué ?

Mgr Charles, qui était recteur de la basilique, lui avait apporté un grand souci d’élan apostolique et ce désir d’enseigner la foi et la théologie en multipliant les mouvements missionnaires. Il y avait deux aspects dans ma mission : aider des chrétiens un peu endormis à comprendre leur foi et à s’engager, et sortir dans la rue, devant la basilique, pour proposer la Parole à ceux qui passaient par là, les voir avancer dans la foi. J’y ai découvert un christianisme dynamique qui savait ce qu’il avait à dire.

Mgr Charles m’a donné la vision d’un sacerdoce animé par la mission, à une époque où l’on entendait que le prêtre ne devait pas faire de bruit. C’est à partir de cette expérience-là que mon idée fut de transporter ce modèle un peu partout, par la fondation de la communauté Aïn Karem, grâce à des laïcs engagés de manière stable, et même un jour des prêtres. Les trois piliers étaient l’apostolat, la théologie, et l’adoration.

Quelle place donnez-vous à la liturgie ?

La liturgie est ce lien qui nous fait entrer dans le mystère de Dieu, elle nous imprègne des mystères de la vie de Jésus pour qu’ils nous rentrent dans le cœur, pour passer de la foi connue à la foi vécue. Il faut aussi penser que la liturgie est la première chose que l’on voit, et de ce fait une « vitrine » de l’Église assez impressionnante, à l’occasion de laquelle beaucoup se convertissent.

Quelle est aujourd’hui la mission du prêtre ?

Mon regard ne change pas fondamentalement mais s’approfondit. Il devient plus réaliste face aux difficultés du prêtre. On se rend compte qu’il faut avoir souvent un père spirituel auquel on puisse se référer, et un programme de vie assez net et organisé. La mission du prêtre reste la même sur les fondamentaux : vivre de la vie du Christ, en proximité avec lui, en se rendant en même temps proche des gens. Cette proximité des âmes est d’abord dans le don de soi : elle est par là une ascèse pour le prêtre, une manière d’être disponible malgré la fatigue et les horaires difficiles.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune prêtre ?

De l’être complètement ! Il doit être un mystique pour ne pas perdre de vue l’essentiel, avoir une vie d’oraison et de pénitence – sur laquelle on insiste peu –, un temps important de prière solitaire, où il vit avec Jésus et cherche à le connaître. Sans cette ambition spirituelle, sa fonction devient comme une autre, et les tâches pratiques deviennent l’essentiel, alors que ce qui leur donne un sens est qu’elles sont un moyen de communiquer la Vie. Il doit aussi garder une place pour l’étude.

Comment susciter des vocations ?

Il faut donner aux jeunes l’image d’un sacerdoce empreint de prière exigeante et d’action, un amour de la doctrine, et leur permettre de vivre des expériences fortes de vie chrétienne, apostolique.
Les vocations sacerdotales naissent souvent dans un groupe de jeunes priants, ou dans un grand moment de l’Église dans lequel ils ont trouvé quelque chose pour lequel ils ont senti qu’ils pouvaient donner leur vie. Il faut viser un approfondissement de la vie spirituelle des familles, et transmettre cette idée que notre vie n’est pas faite pour qu’on la garde mais qu’on la donne. La donner au Christ signifie être tout à tous, tous ceux qui ont soif de la parole de Dieu et des sacrements, et d’un autre côté ne jamais lâcher l’approfondissement intérieur par la prière et l’étude. Si on a cela, on est déjà pas mal parti…