La répression contre les communautés chrétiennes – 96,7 millions de fidèles, 6,4 % du 1,5 milliard de Chinois – est une constante de la politique religieuse de la Chine depuis 1949. Cette politique répressive s’est même aggravée depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en 2013. L’Index mondial de persécution des chrétiens dans le monde, publié par l’ONG protestante Portes ouvertes, le confirme. À la 19e place des pays persécuteurs, la Chine est « depuis dix ans, le pays qui ferme le plus d’églises », observe le rapport. Après la campagne de destruction de 1 500 croix surmontant des églises (2016), de nouvelles restrictions sont apparues. « Les applications pour lire la Bible sont interdites », souligne Portes ouvertes. Les réunions sont régulées, voire interdites. Début février encore, 200 fidèles protestants « clandestins » étaient arrêtés.
Stratégie de sinisation
Le Parti a choisi une stratégie d’étouffement et de sinisation, concept inventé par Xi Jinping pour « adapter le christianisme chinois » à la culture chinoise, en clair pour l’aligner sur le Parti. Les Églises officielles ont été créées très tôt dans ce but : en 1954, le Mouvement patriotique des trois autonomies – l’organisation protestante officielle – ; en 1957, l’Association patriotique des catholiques chinois – APCC, dite l’« Église patriotique de Chine » –, qui nomme ses évêques « officiels », sans l’accord du Saint-Siège. L’APCC est en concurrence avec l’Église « souterraine », dont les évêques sont reconnus par le Vatican, pas par Pékin.
Le Vatican et la Chine ont tenté un timide rapprochement, à partir de Jean-Paul II. En septembre 2018, pour réconcilier les deux Églises chinoises, le pape François acceptait la signature d’un accord provisoire et secret avec Pékin. Renouvelé en 2022, cet accord fixe le nouveau mode de nomination des évêques : Pékin propose des noms, le Vatican valide. François a alors demandé à l’Église clandestine de ne plus consacrer d’évêques. Puis il a levé l’excommunication frappant sept évêques « officiels ». En novembre 2023, il autorisait la visite à Pékin de Mgr Stephen Chow, l’évêque « facilitateur » de Hong Kong.
Un jeu de dupes ?
Les Chinois ont-ils joué le jeu ? Pas vraiment. Des dizaines d’évêques et de religieux ne sont toujours pas reconnus par le régime. « À tout moment, ils pourraient être empêchés d’exercer leur ministère ou leur apostolat », précise Yves Chiron, auteur de La Longue Marche des catholiques de Chine (Artège, 2019). Pékin a même nommé deux évêques, dont celui de Shanghai, sans l’approbation du Pape. François a fait part de sa « surprise » et de son « regret », mais a finalement donné son aval. Commentaire lénifiant du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, artisan de l’accord de 2018 : « Ensemble, nous devons éviter les situations disharmonieuses qui créent des désaccords et des malentendus. »
Le Vatican argue que la récente nomination de trois évêques, en accord avec Pékin, est un pas positif. Lors de son voyage en Mongolie, en septembre 2023, François a même demandé aux catholiques chinois d’être « de bons chrétiens et de bons citoyens ». Malgré cette main tendue, la politique chinoise n’a pas changé. Dernière vexation en date : l’interdiction de diffuser des photos ou vidéos de baptême ou de messe sur les réseaux sociaux.
Beaucoup de fidèles de l’Église souterraine gardent en mémoire cet avertissement du cardinal chinois Joseph Zen, qui juge « catastrophique » l’accord de 2018 : « Pékin veut faire de nous des esclaves, comme le reste de la population chinoise », avait alors déclaré ce résistant, exilé à Hong Kong.
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