« Je représente ce que l’on veut combattre », témoigne le directeur de l'Immaculée-Conception de Pau - France Catholique
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« Je représente ce que l’on veut combattre », témoigne le directeur de l’Immaculée-Conception de Pau

Suspendu par le rectorat de Bordeaux pour des manquements à la laïcité, Christian Espeso, directeur d’un établissement catholique de Pau, a répondu à France catholique.
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La majorité des enseignants et des parents d’élèves manifestent régulièrement pour soutenir le directeur.

Peut-on reprocher au proviseur d’un groupe scolaire catholique, l’Immaculée-Conception, à Pau, de faire vivre la spécificité chrétienne de son établissement ? On peut le craindre au vu de la sanction infligée à Christian Espeso par la rectrice de Bordeaux, le 11 septembre. À la tête de l’Immaculée-Conception depuis douze ans, ce chef d’établissement de 61 ans a été suspendu de ses fonctions pour trois ans mais garde la possibilité d’enseigner. « Je m’attendais à tout… mais pas à une décision ubuesque en tout point. Quelle faute ai-je commise ? demande Christian Espeso. Celle de faire aimer la France et ses valeurs à des milliers d’élèves ? Celle d’être catholique ? Témoigner d’une volonté de transmettre des savoirs est devenu un acte dangereux… » Le proviseur se dit sidéré d’avoir été condamné avant même d’avoir pu échanger sur des méthodes éducatives « qui ont fait leurs preuves » selon lui. L’Immaculée-Conception – 2 600 élèves – est référencée comme le premier lycée d’Aquitaine et le quatrième de France, selon un classement du quotidien Le Parisien paru au printemps dernier.

Christian Espeso garde en mémoire le conseil de discipline du 29 août dernier, à Bordeaux, où il a comparu avec ses deux avocats et dix-huit témoins venus le soutenir. Le proviseur avait aussi produit pour sa défense 200 attestations de parents, de professeurs et de personnalités extérieures au collège, dont un rabbin et des personnalités musulmanes dont les enfants avaient fréquenté le lycée : ils témoignaient que les cours d’instruction religieuse ne relevaient d’aucun prosélytisme et respectaient la liberté de conscience. Christian Espeso a été entendu durant sept heures et les témoins pendant trois heures.

« J’avais en face de moi des syndicalistes de l’enseignement public qui se sont comportés comme des juges et des militants politiques. Ils m’ont reproché d’être contre le principe d’égalité, donc d’être anti-républicain, parce que je soutenais le principe de classe de niveau pourtant souhaité par l’ancien Premier ministre et ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal… Pour eux, une école de l’excellence qui transmet est une école du passé. Je leur ai rétorqué que, sans cette école, Péguy n’aurait pas été Péguy… »

« Culture religieuse »

Sur le fond, que reproche-t-on précisément à Christian Espeso, ou plutôt que reste-t-il de ces accusations ? Un membre de l’équipe éducative évoque une « cabale » menée par quatre professeurs, ayant utilisé à dessein les syndicats et alimenté le quotidien Libération en informations accusatoires. Deux griefs ont été retenus par la rectrice de Bordeaux : l’atteinte à la liberté pédagogique des professeurs, et des cours de catéchisme obligatoires, qui présenteraient une atteinte à la liberté de conscience. L’aumônier de l’établissement réfute le caractère mensonger de la deuxième accusation : « Comme dans tous les établissements privés sous contrat, une heure d’enseignement à la culture religieuse est proposée en classe de 6e et de Seconde. Les autres cours sont facultatifs et les activités de l’aumônerie se font sur le temps extra-scolaire. »

Il avait aussi été reproché à la direction du groupe scolaire d’avoir organisé une journée de pèlerinage entre Pau et Lourdes sur un jour de classe, avec un professeur « payé par l’État pour une activité religieuse ». Mais cette accusation n’a finalement pas été retenue. Autre grief qui a suscité l’ire de quelques enseignants : la visite de Mgr Marc Aillet, l’évêque du diocèse, venu à l’Immaculée-Conception de Pau le 30 janvier 2024 pour donner une conférence à des lycéens de Terminale.

Sur l’atteinte à la liberté pédagogique, Christian Espeso assume des interventions de bon sens pour répondre à une exigence chrétienne : « J’ai dû rappeler à l’ordre un professeur de français qui demandait à ses élèves de 15 ans d’étudier Roméo et Juliette, la tragédie de Shakespeare, en se nourrissant d’une vidéo sur Internet flirtant avec la pornographie. »

Depuis la suspension du chef d’établissement, la majorité des enseignants et des parents d’élèves manifestent régulièrement pour le soutenir. Pour la mère d’une élève de 4e, Christian Espeso a fait « un travail extraordinaire à l’Immaculée-Conception en faisant d’un établissement moribond l’un des meilleurs de France. Les enfants y sont heureux. Il n’y a pas de discrimination, pas de harcèlement et tout est fait pour soutenir les élèves en restant exigeant dans les apprentissages ».

Christian Espeso a saisi le tribunal administratif d’une demande en référé pour se prononcer sur l’arrêté du rectorat. Stoïque, il se pose en symbole « de ce que les syndicats veulent combattre. Je suis catholique et chef d’établissement. À ce titre mon rôle est d’offrir un horizon spirituel à mes élèves pour ne pas laisser la porte ouverte aux obscurantismes. Ceux qui me jugent devraient se souvenir de Ferdinand Buisson, protestant célèbre pour son combat pour l’enseignement laïque, qui appelait les maîtres à inciter leurs élèves à lever les yeux vers le Ciel ».