« Padre Pio lisait dans les âmes des pénitents » - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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« Padre Pio lisait dans les âmes des pénitents »

Stigmates, bilocation… Comment interpréter les phénomènes mystiques qui ont jalonné la vie du saint de Pietrelcina ? Entretien avec Yves Chiron, auteur de Padre Pio. Vérités, mystères, controverses (éd. Tallandier).
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© Elia Stelluto

Parmi les phénomènes mystiques les plus spectaculaires que connut Padre Pio, le plus visible est celui des stigmates…

Yves Chiron : La stigmatisation a été progressive : des douleurs, intermittentes, aux mains et aux pieds à partir d’août ou septembre 1910 ; des marques visibles à partir de septembre 1911 mais qui ne furent pas permanentes ; puis le 20 septembre 1918, survient une apparition du Christ souffrant qui marqua Padre Pio, aux mains, aux pieds et sur le côté, de stigmates qui resteront sanglants et visibles jusqu’à sa mort, cinquante ans plus tard. Le sens spirituel de ces stigmates a été donné par le Christ lui-même lors de cette apparition du 20 septembre : « Je t’associe à ma Passion. » Padre Pio a revécu, par participation, la Passion du Christ et a souffert pour le salut des âmes.

Selon vous, sont-ils crédibles ?

Ces stigmates ont été constatés par trois médecins mandatés successivement par les autorités ecclésiastiques dès 1919 et contestés aussi très tôt par d’autres médecins – notamment le Père Gemelli, qui avait été médecin avant d’entrer chez les franciscains. En 1921, le pape Benoît XV nommera un visiteur apostolique, Mgr Rossi, chargé d’enquêter sur Padre Pio, sa vie religieuse et les phénomènes extraordinaires dont il bénéficiait. Il interrogera notamment le religieux sur les stigmates et les examinera attentivement. Le rapport qu’il a rédigé n’a été publié qu’en 2008. C’est un document précieux qui conclut à l’authenticité des stigmates.

Padre Pio a aussi connu trois épisodes de transverbération… En quoi cela a-t-il consisté ?

La transverbération est un phénomène mystique très rare dans la vie des saints. Sainte Thérèse d’Avila, sainte Véronique Giuliani, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus l’ont connu. Padre Pio l’a vécu trois fois : en août 1912, en août 1918 et en décembre 1918. C’est une grâce surnaturelle. Il s’agit d’une « blessure d’amour » que lui inflige au cœur « un personnage céleste » qui porte « une très longue lame de fer avec une pointe bien effilée, et de cette pointe il semblait que sortait du feu ». Cette blessure fut aussi une « consolation divine », un « feu » et une « douceur » en même temps, dira Padre Pio. La transverbération a fait de lui une « victime d’amour ».

Le phénomène mystique le plus troublant est sans doute la bilocation…

La bilocation – être à deux endroits en même temps – est un phénomène extraordinaire de la vie mystique que Padre Pio a connu dès 1905, dans les premiers temps de sa vie religieuse et qu’il a expérimenté à de nombreuses reprises dans les décennies suivantes. La bilocation est contraire aux lois de la physique, de l’espace et du temps. Padre Pio a décrit ce phénomène lors de la visite apostolique de 1921 : « Je constate que je suis en présence de telle ou telle personne, dans tel ou tel lieu ; mais je ne sais pas si je me suis transporté là en esprit, ou si quelque représentation du lieu ou de la personne s’est présentée à moi, je ne sais pas si c’est avec le corps ou sans le corps que j’ai été présent. » Les spécialistes de la mystique s’accordent à dire que la présence du saint dans un autre lieu n’est pas physique, mais qu’il apparaît dans un autre lieu à la personne qu’il vient secourir. Dans tous les cas, la bilocation a un motif spirituel : Padre Pio vient assister un mourant ou vient au secours d’une personne en péril ou encore vient réconforter une âme.

Dans l’histoire de l’Église, est-il commun qu’un seul homme reçoive autant de phénomènes mystiques ?

Padre Pio est effectivement, dans l’histoire de la mystique, un de ceux qui ont reçu le plus grand nombre de grâces : des visions, des apparitions, la bilocation, une stigmatisation visible pendant exactement cinquante années et le don de clairvoyance. Que cela se produise pendant le XXe siècle n’est pas un hasard. Dans un siècle où l’incroyance ou l’abandon de la pratique religieuse n’ont cessé de se développer, on peut considérer que Padre Pio a reçu une mission particulière : rappeler dans un monde de plus en plus éloigné de la religion le salut apporté par le Christ. Et dans ce monde qui se réclame de la seule raison et des faits constatables et mesurables scientifiquement, les stigmates de Padre Pio sont venus apporter comme un témoignage visible de la Passion du Christ.

Les phénomènes mystiques ne doivent pas faire oublier que Padre Pio restait prêtre et religieux. À quoi ressemblait une messe du Padre Pio ?

La messe que célébrait Padre Pio, toujours très tôt le matin, attirait tous les jours beaucoup de fidèles. Paul VI dira après sa mort : « Regardez quelle renommée il a eue, quelle audience mondiale il a rassemblée autour de lui ! Mais pourquoi ? […] Parce qu’il célébrait la Messe avec humilité, confessait du matin au soir, et était, c’est difficile à dire, un représentant de notre Seigneur marqué de ses stigmates. C’était un homme de prière et de souffrance. »

Padre Pio célébrait sa messe sobrement et avec intensité. Il était comme abîmé dans la contemplation. Il revivait la Passion du Christ pendant la messe. La consécration, l’élévation de l’hostie, puis du calice, duraient longtemps. Il confiera à une fille spirituelle que, pendant la messe il souffrait « toujours et de façon croissante ». Comme tous les prêtres, il offrait un sacrifice et, par sa vocation propre, il s’offrait lui-même, par participation, en sacrifice.

L’autre sacrement auquel il était attaché était la confession…

La confession a tenu une place considérable dans la vie de Padre Pio. Il résumera lui-même un jour sa mission en disant : « Je suis confesseur. » Hormis les deux années où il fut interdit de ministère (1931-1933), il confessait huit à dix heures par jour. Il aimait pêcher ceux qu’il appelait les « gros poissons », c’est-à-dire ramener à la foi et à la pratique religieuse des personnes qui s’étaient éloignées de l’Église ou qui la combattaient. Il avait reçu une grâce particulière, le don de clairvoyance : il lisait dans les âmes de ceux qui venaient se confesser. Si nécessaire, il rappelait au pénitent ses péchés passés. Parfois aussi, il lui arrivait de refuser l’absolution à un pénitent qui n’avait pas manifesté un vrai repentir ou la ferme résolution de se corriger. « J’enlève ce qui est vieux et j’y mets du neuf ! » aimait-il à dire pour expliquer en termes simples sa mission de confesseur. Comment a-t-il réagi à sa popularité ?
Sa stigmatisation a été connue rapidement dans la bourgade où se trouvait son couvent, San Giovanni Rotondo. Puis la nouvelle s’est répandue. Le premier article qui lui a été consacré est paru en mai 1919 dans Il Giornale d’Italia, un grand quotidien de Rome.

Dès l’automne 1919, des articles paraissent dans des revues franciscaines en France. Les premiers ouvrages consacrés à Padre Pio sont parus non pas en Italie, mais en Espagne en 1921. Les visiteurs, curieux et pèlerins, venus de toute l’Italie puis de l’étranger, vont se multiplier dès cette époque. Le développement des moyens de transport, après la Deuxième Guerre mondiale, va faire venir des millions de visiteurs dans cette petite bourgade du sud de l’Italie.

Lui-même n’a pas cherché à entretenir cette popularité. La plus ancienne photographie qu’on a de lui portant les stigmates date de mai 1919. Il ne l’avait pas souhaitée. Elle a été prise par un de ses confrères et sur ordre de ses supérieurs. Durant cette période, et par la suite, Padre Pio ne recevait pas habituellement les « visiteurs ». Pour l’approcher, il fallait soit se confesser à lui, soit assister à sa messe.

À plusieurs reprises, l’Église est intervenue pour tenter de faire cesser le climat d’exaltation religieuse et d’adulation de Padre Pio qui se développait. 

Padre Pio. Vérités, mystères, controverses. L’enquête, Yves Chiron, éd. Tallandier, avril 2024, 256 pages, 9,50 €.