Nouveauté et radicalité de l'Incarnation - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Nouveauté et radicalité de l’Incarnation

Si les auteurs de l’Antiquité ont tendu vers la lumière de la foi chrétienne, rien ne pouvait les préparer à un événement aussi inédit que l’Incarnation.
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L'Annonciation.

L'Annonciation, vers 1460.

© Julian Kumar / Godong

Quelques lecteurs que je remercie pour leur attention m’ont demandé si l’on trouvait dans l’Antiquité des annonciations. Je réponds de façon catégorique par la négative car, si « l’Ancien Testament païen », comme le disait Pie XII, nous dit tout ou presque tout de l’ordre naturel des choses, il est silencieux sur l’ordre surnaturel. La présence de ses dieux est si vaine que les plus grands philosophes ou les oublient ou les nient mais, de toutes les façons, ne parviennent pas à exprimer clairement cette idée qui nous paraît pourtant très simple : si Dieu existe, il est Unique.


Ce manque faisait dire à saint Augustin qu’un petit esclave chrétien qui récitait son Credo était plus savant que Platon, et pourtant, Péguy avait bien raison de dire que « personne ne serait jamais aussi intelligent que Platon ». Thomas d’Aquin voyait dans cette impuissance d’Aristote à découvrir le vrai Dieu unique la nécessité de la Révélation puisque, si l’intelligence humaine pouvait parvenir à entrevoir cette réalité, il lui fallait le secours de la grâce.


Un épisode inédit


L’Annonciation est beaucoup plus que ce simple secours puisqu’elle révèle, non seulement un Dieu unique et trinitaire, mais l’Incarnation de ce même Dieu en la personne du Fils dans le sein d’une vierge appelée Marie. Dans toute la littérature antique, on ne trouve rien qui soit analogue à l’Annonciation, relatée dans l’Évangile selon saint Luc : « [L’ange dit à Marie :] “Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin.” Marie dit à l’ange : “Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ?” L’ange lui répondit : “L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu.” Marie dit alors : “Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole.” Alors l’ange la quitta » (Lc 1, 31-38).


La radicalité et la nouveauté de cette intervention divine rendent caducs tous les textes antiques qui prétendaient donner une forme à la venue des dieux chez les mortels, de même que le sacrifice de la Croix frappe de vétusté et d’obsolescence les innombrables sacrifices qui peuplent les poèmes et les œuvres antiques. Ce qui était scandale pour les Juifs est aussi folie pour les païens. Saint Paul en fera l’expérience dans son discours à l’Aréopage quand il décrira la Révélation comme la venue de ce dieu inconnu auquel Athènes avait élevé une statue : « Nous t’écouterons une autre fois » lui dirent en riant sous cape les membres de l’auguste assemblée à l’exception de deux qui furent convertis, dont Denys l’Aréopagite.


La Divine Comédie


Il faudra attendre Dante pour qu’il parle dans la Divine Comédie du « Jupiter suprême qui pour nous fut crucifié ». Rien dans l’Antiquité, comme d’ailleurs dans les autres civilisations, ne permettait d’imaginer ce qu’ont révélé les Évangiles.

Il reste que tout l’effort de la pensée antique tendait vers cette lumière dont elle n’imaginait pas qu’elle pût venir ainsi mais que, cependant, elle recherchait.


Au bout de plusieurs siècles, et après les efforts des apologistes, le lien se fit entre cette tension de tout le monde naturel et la Révélation surnaturelle qui venait lui donner une réponse. C’est pourquoi il ne faut pas séparer ce que Dieu a uni. Aujourd’hui, l’Antiquité prend tout son sens à la lumière de cette Révélation et le message surnaturel de l’Évangile s’enracine dans la sagesse naturelle de Platon et d’Aristote.


Péguy avait raison de dire dans son poème « Ève » qu’Athènes et Rome « avaient marché pour lui ». Refuser de le voir constitue une mutilation de cette sagesse mais on ne peut pas lui demander ce qu’elle ne pouvait pas donner.