Réfléchissez avec moi, en ce mois de Marie, à ce que le Magnificat nous apprend sur Marie – sa personnalité et ses vertus. Je ne parle pas de ce qu’il dit, mais plutôt du fait que nous en disposons ; du fait qu’elle l’a composé ; et de ce qu’il ne dit pas.
Tout d’abord, le fait que nous l’ayons. (Luc 1, 46-55) Nous tenons cela pour acquis, mais réfléchissons bien. Luc a probablement écrit son Évangile à la fin des années 50, ce qui signifie que Marie aurait composé son hymne une soixantaine d’années plus tôt. Imaginez maintenant que vous êtes une personne âgée de 80 ans et que quelqu’un vous demande de répéter quelque chose que vous avez dit dans vos 20 ans. En outre, nous ne disposons que de Luc. L’hymne de Marie n’est mentionné dans aucun autre évangile ou source ancienne. Apparemment, si Luc ne l’avait pas retrouvé, il aurait été perdu.
Qu’apprenons-nous sur Marie à partir de ces simples faits ? Nous devons présumer, je pense, que Marie a récité le Magnificat fréquemment, sinon tous les jours, pendant soixante ans. Le Magnificat étant un hymne d’action de grâce, le fait qu’elle l’ait récité souvent montre que la gratitude était pour elle une vertu primordiale.
Cela montre également à quel point elle a répondu à l’insistance de Notre Seigneur sur l’importance de la persévérance dans la prière. De toute évidence, puisqu’elle avait composé l’hymne et qu’elle l’avait récité avec ferveur dès le début, le « mérite » de le prier souvent, pour elle, découlait dans une large mesure de la simple constance de la répétition.
Cela montre aussi que Marie aimait la prière vocale. Sa vie est en effet devenue exemplaire de l’Église qui, dans l’Office divin, récite quotidiennement le Magnificat.
Le fait que Luc ait dû délibérément chercher l’hymne montre à quel point Marie aimait la vie privée et l’intimité du foyer. Avec une discrétion et une modestie merveilleuses, elle semblait vouloir « garder » ce glorieux cantique dans son cœur, comme un acte d’amour exprimé au Seigneur, dans sa relation avec Lui. Son attitude était presque à l’opposé de notre propre impulsion à « partager », à afficher et à rechercher des « likes » sur les médias sociaux. (Pensez à l’image de ND de Guadalupe, qui – comme tout le monde le dit – exprime une forte modestie).
Deuxièmement, le fait qu’elle l’ait composé. Le Magnificat ressemble à de grands hymnes de l’Ancien Testament, tels que le Cantique de Miriam (Exode 15, 20-27) et le Cantique d’Anne (1 Samuel 2, 1-10), mais il ne s’agit pas d’une simple adaptation de ces derniers. Il s’agit d’une œuvre à part entière, qui reflète la situation de Marie. De plus, il ne s’agit pas d’une production malhabile, mais, comme tout le monde l’a reconnu, d’un chef-d’œuvre. Certes, on ne peut négliger l’apport de l’Esprit, mais il semble que Marie ait composé son cantique avant de rendre visite à Élisabeth. Lors de la Visitation, elle a chanté un cantique qu’elle avait déjà composé.
Que nous apprennent ces faits sur Marie ? Nous apprenons qu’elle aimait l’Écriture, qu’elle la récitait souvent et qu’elle avait probablement mémorisé ses passages préférés : l’invention a besoin d’une base. Nous apprenons qu’elle souhaitait non seulement suivre ce que l’Écriture enseignait, mais aussi imiter la voix même de l’Écriture – de la même manière que quelqu’un qui aimait (disons) les écrits de John Henry Newman pourrait copier des phrases et s’entraîner à écrire ses propres phrases sur le même modèle, dans l’espoir de s’imprégner du style de Newman. Comme cela serait approprié, pour quelqu’un qui concevrait le Verbe au-delà de toute l’Écriture !
Par ailleurs, personne n’écrit un seul poème, une seule chanson, un seul essai. Assurément, personne n’écrit une seule chose d’un certain type, qui se révèle être un chef-d’œuvre. Elle a donc dû composer et chanter de nombreux hymnes. Il semble plausible que, fréquemment, lorsqu’elle rendait visite à « sa parente » ou à d’autres personnes, elle partageait un chant qu’elle venait de composer. Mais cela révèle qu’elle aimait ce qui était stylisé et répété. Elle ne privilégiait pas, comme nous, la spontanéité ; elle ne voyait pas de contradiction entre stylisé et sincère.
Le fait qu’elle ait composé des chants à l’imitation de Miriam et d’Hannah montre que, pour elle, la relation de Dieu avec son peuple était une chose vivante, et non une tradition morte ; elle se considérait comme partie prenante présente et à égalité dans cette longue histoire d’alliance. Elle s’attend à ce que Dieu agisse et elle y est prête.
Troisièmement : ce qu’il ne dit pas. Le Magnificat est simple, une dizaine de lignes seulement, mais il est riche de sens. Il ne s’éternise pas, il ne se répète pas. Nous y voyons donc la simplicité et la franchise de Marie.
Il est frappant de constater qu’il ne s’agit pratiquement pas d’elle. Seuls les mots « désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses » la concernent directement. Considérez ensuite la grande disparité entre ce que nous savons d’elle et ce qu’elle dit dans ces mots : elle ne fait aucune référence à ce que l’ange lui a dit – la progéniture divine, son salut et son règne.
Il est même possible (et je l’ai pensé) que ce que nous appelons le Magnificat soit une adaptation d’un hymne qu’elle avait composé plus tôt, lors de ses fiançailles avec Joseph, comme une exultation de leur amour, célébrant le fait que Joseph l’avait courtisée ; puis, après l’Annonciation, cet hymne a été élaboré et a trouvé son véritable but et sa signification.
Remarquez ensuite l’étendue de la « loi d’impartialité » qu’elle célèbre, faisant écho à tant de psaumes et de passages des prophètes : les puissants, les satisfaits et les orgueilleux sont abaissés, tandis que les pauvres, les affamés et les humbles sont exaltés. Peut-être d’ailleurs Marie a-t-elle chanté ce chant à l’enfant Jésus, qui a ensuite enseigné les mêmes vérités dans ses Béatitudes ?
Je serais un peu effrayé de m’approcher d’une personne aussi extraordinaire, si Notre Seigneur ne m’avait pas assuré qu’elle est aussi ma mère. Et puis, il y a cette consolation : la piété manifestée à l’égard de la Vierge dans le Rosaire, le scapulaire, et dans des hymnes comme le Salve Regina nous place immédiatement dans une posture d’humilité et nous recommande ipso facto auprès d’elle.
https://www.thecatholicthing.org/2024/05/23/our-lady-as-reflected-in-the-magnificat