Christophe Dickès – qui vient de publier Pour l’Église (Perrin), invitant à revisiter le christianisme sous l’angle civilisationnel – nous propose aussi un voyage rapide mais substantiel dans l’histoire de Notre-Dame de Paris. C’est un guide précieux, qui permet de ressaisir la cathédrale aux différentes étapes de son histoire au cœur de la capitale. Un voyage « à la découverte d’un édifice remarquable, bâti non pas par des esclaves mais par des hommes libres qui estimaient que leurs talents devaient être au service de Dieu. Il s’agit d’un voyage mêlant la foi et la politique, la crosse et le sceptre, l’Église et l’État. En effet, Notre-Dame n’est pas seulement un lieu de culte. […] Elle est aussi intimement liée à l’histoire d’une nation : la France. Elle a vu la naissance d’une identité autour de Philippe le Bel et de ses États généraux en 1302, mais elle a vu aussi la réhabilitation de Jeanne d’Arc. Sous ses voûtes gothiques, elle a accueilli le bon roi Henri IV et elle a été le témoin du vœu de Louis XIII. Napoléon y a été couronné et le général de Gaulle y a célébré la Libération de Paris. »
Le sacrifice du Christ
Attention cependant ! Étymologiquement, la cathédrale est le lieu où siège l’évêque, et elle s’ordonne autour de l’autel où s’offre le sacrifice du Christ. Et cela depuis sa fondation, la bénédiction de la première pierre jusqu’à nous. Ce n’est pas pour rien que l’aumônier des sapeurs-pompiers de Paris s’est emparé de la réserve eucharistique pour la sauver des flammes.
Pourquoi le ministre de l’Intérieur et des Cultes de l’époque, Christophe Castaner, a-t-il pu déclarer que Notre-Dame « n’est pas une cathédrale » mais « un commun » – voulait-il dire un bien commun ? C’était une maladresse, assez significative. Il est vrai que Victor Hugo avait, dans son célèbre roman, doté l’édifice d’une mythologie étrangère à l’âme véritable de la construction de Maurice de Sully. Reconnaissons que cela avait eu le mérite de favoriser le sauvetage de Notre-Dame par les architectes Jean-Baptiste Lassus et Viollet-le-Duc. Victime du vandalisme révolutionnaire, elle se trouvait en piteux état…
Un bien commun ? La formule serait beaucoup plus heureuse tant il est vrai qu’il est impossible de dissocier la cathédrale de l’existence même de la France. Mais il faut admettre alors que, depuis le baptême de Clovis, notre pays est foncièrement associé à la foi chrétienne. Telle était la conviction de Charles de Gaulle : « Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l’histoire de France à partir de l’accession d’un roi chrétien qui porte le nom des Francs. » Plus que l’Arc de Triomphe ou le dôme des Invalides, les tours de Notre-Dame renvoient aux tribulations et aux gloires de notre pays.
Christophe Dickès en fait un récit suggestif. Au moment de la guerre de Cent Ans, l’occupant anglais tente de s’emparer de la cathédrale pour légitimer sa conquête et rendre inopérant le sacre de Charles VII à Reims. Au moment des guerres de Religion, pour accéder à Notre-Dame, Henri IV devra franchir le pas décisif de sa conversion.
Précieuse relique
Peut-être pourrions-nous retenir quelques belles images de ce récit. Ainsi celle de Saint Louis, ramenant la Couronne d’épines : « Le roi délaisse ses attributs royaux, il se déchausse et revêt une simple tunique. Aidé de son frère Robert d’Artois, humble pèlerin, il ouvre la procession jusqu’à Notre-Dame, en portant le coffre qui renferme la précieuse relique. » Il arrive de Vincennes, suivi d’une foule innombrable.
Autre image, celle d’Isabelle Romée, mère de Jeanne d’Arc, entrant dans Notre-Dame pour l’ouverture du procès de réhabilitation de sa fille, tenant en main le rescrit du pape Calixte III qui permet une révision du procès de Rouen « entaché de vol, calomnie, indignité ».
Oui, vraiment notre histoire.
Notre-Dame de Paris. Pages d’histoire, Christophe Dickès, éd. Salvator, 2024, 128 pages, 10 €.
Pour l’Église, Christophe Dickès, Perrin, 2024, 272 pages, 10 €.